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Articles de Paris
Les vieux ronds-de-cuir qui pontifient dans la presse et les jeunes fatigués qui travaillent pour l’honneur dans ces gazettes où, précisément, le mot honneur paraît une ironie, tous les gens de plume et de maison ont en ce moment une si piteuse altitude et de si sottes expressions qu’on ne pourrait suspecter leur bonne foi. Ils sont grotesques et tâchent d’être cruels. Ils sont bien eux.
Les uns plaisantent les convictions des révoltés qui savent écrire, les autres jappent au courage des parias qui savent agir.
Et pas un, pas un seul, en ces jours dont la monotonie se rompt par éclats sous l’exubérante dynamite, pas un seul n’a montré par une ligne, par un mot, qu’il eût la sensation des choses, la conception des êtres, la personnalité d’un point de vue.
Professionnellement, ces messieurs vont, ils vont très lourds, donnant de la voix au concert discordant des hallalis. Ils vont, criant bien fort aux échos de leurs colonnes — à la méthode de ces apeurés qui, la nuit, veulent se rassurer en chantant.
Et la chanson est glorieuse : les refrains c’est l’exécution sommaire, le rappel de la délation, la promesse d’ameuter la foule sur notre passage — l’écharpement dans la rue.
Hardi, grimauds !
Donc ce nous sera, par ce matin, double plaisir de regarder droit et parler clair.
Rien ne nous lie, rien ne nous empêche d’avoir conscience des mouvements de la vie. Nous n’aspirons à rien de ce que donnent bravos et votes, à rien : pas même à l’Académie — et nous n’imiterons pas M. Zola qui, après s’être écrié jovialement, au lendemain de la première explosion : « Il va bien, mon Souvarine, depuis que je l’ai lancé dans le monde », se reprit au second coup — celui qui lézarda la maison de la rue de Clichy — et dit à un reporter : « Il n’y a pas, en France, d’état d’esprit anarchiste. »
C’est que personne n’a paru se rendre un compte exact des derniers faits. On a cru voir de furieuses vengeances… Il y a autre chose.
Et, sachez-le : ce sont les dédains vaniteusement affichés pour la foi des parias qui conduisent ces passionnés aux solutions extrêmes. On leur a dit qu’elle n’existait pas, l’Idée pour laquelle ils se ruent à tous les combats, on leur a dit qu’autrefois les précurseurs parlaient moins… On a souri de leur théorie. On a bafoué leur espoir. On n’a pas voulu un instant s’arrêter quand, sur la route, ils tentaient d’apostoler la foule.
Et voyez-le :
Tel le camelot dessinant sur le trottoir, avec un morceau de charbon, de grossières images, pour attirer le public badaud auquel il offrira tout à l’heure un article de Paris, un primitif propagandiste de l’Anarchie a voulu forcer l’attention par la brutalité d’un fait.
Derrière ce fait, c’est la foi tant niée sur laquelle il amenait la discussion féconde.
C’est une Idée que le dynamitard déployait.
Et nul ne le devra nier — alors qu’à la faveur de l’agitation, les journaux servent à leur clientèle ces « articles de Paris » que le terrible inconnu rêvait de jeter en lumière. À côté même des invectives, le Figaro, l’Éclair, d’autres feuilles, publient et mettent en valeur des théories qui, jamais, n’avaient eu droit de cité. Ces journaux se font, malgré leurs réserves, les propagateurs de l’Idée maudite.
Est-ce un résultat ?
Des hommes lisent, discutent — comprennent peut-être…