Ennéades (trad. Bouillet)/I/Livre 3/Notes

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LIVRE TROISIÈME.

DE LA DIALECTIQUE.

Ce livre est le vingtième dans l’ordre chronologique.

Il a été traduit en anglais par Taylor, Select Works of Plotinus, Lond., 1817, p. 18. M. Barthélemy-Saint-Hilaire a traduit en français les § 4, 5, 6 (De l’École d’Alexandrie, p. 174).

Ce livre se rattache au précédent et il en est la suite, non-seulement parce qu’il a été composé immédiatement après, mais surtout parce qu’il en forme le complément naturel. En effet, après avoir établi dans le livre ii que la vertu parfaite consiste à devenir semblable à Dieu, et que, pour devenir semblable à Dieu, il faut purifier son âme en la séparant du corps, il restait à expliquer comment on peut séparer l’âme du corps. C’est ce que Plotin fait dans le livre iii, en décrivant la méthode propre à élever l’âme au monde intelligible, p. 63. C’est pour cela que nous avons pensé devoir, à l’exemple de Ficin, ajouter au titre donné par Porphyre : De la Dialectique, un second titre qui indique mieux l’objet de ce livre : ou des moyens d’élever l’âme au monde intelligible.

§ I. RAPPROCHEMENTS ENTRE LA DOCTRINE DE PLOTIN ET CELLE DE PLATON.
A. Le Musicien.

Ce que Plotin dit ici du Musicien (§ 1, p. 64) est emprunté principalement au livre IV de la République de Platon (t. IX, p. 158-162 de la trad. de M. Cousin) :

« Si la musique est la partie principale de l’éducation, n’est-ce pas parce que le rhythme et l’harmonie ont au suprême degré la puissance de pénétrer dans l’âme, de s’en emparer, d’y introduire le beau, et de la soumettre à son empire, quand l’éducation a été convenable, au lieu que le contraire arrive quand on la néglige ? Le jeune homme élevé convenablement par la musique ne saisira-t-il pas avec une étonnante sagacité ce qu’il y a de défectueux et d’imparfait dans les ouvrages de l’art et de la nature, et n’en éprouvera-t-il pas une impression juste et pénible ? Par cela même, ne louera-t-il pas avec transport ce qu’il y a de beau, ne le recueillera-t-il pas dans son âme pour s’en nourrir et devenir par là homme vertueux, tandis que tout ce qui est laid sera pour lui l’objet d’un blâme et d’une aversion légitimes ?... Le plus beau des spectacles pour quiconque pourrait le contempler, ne serait-il pas celui de la beauté de l’âme et de celle du corps unies entre elles, et dans leur parfaite harmonie ? — Assurément. — Or, ce qui est très beau est aussi très-aimable. — Oui. — Le musicien aimera donc d’un vif amour les hommes qui lui offriront ce spectacle... Il est naturel que ce qui se rapporte à la musique aboutisse à l’amour du beau. »

Saint Augustin, dans son traité De la Musique, enseigne aussi, comme Pythagore et Platon, que l’harmonie qui charme nos sens par la musique n’est que l’expression faible et imparfaite d’une harmonie intelligible que l’esprit seul peut saisir : «  Cette harmonie qui, dans les nombres sensibles, ne se retrouve pas certaine et constante, mais dont nous reconnaissons ici-bas comme l’image et l’écho fugitif, ne serait pas désirée par l’âme, si la notion n’en existait quelque part. Or, ce n’est pas sur un point de l’espace et de temps : l’espace est inégal et le temps passager. Où la places-tu donc ? dis-le-moi, si tu le peux. Ce n’est pas dans les formes corporelles, dont, à la seule vue, tu n’oserais pas affirmer l’exacte proportion. Ce n’est pas dans les divisions du temps ; nous ignorons si elles sont plus étendues ou plus courtes qu’il ne faudrait. Où se trouve donc cette harmonie que nous souhaitons dans la forme et dans le mouvement des corps, mais pour laquelle nous ne nous fions pas à eux ? Elle se trouve dans ce qui est supérieur au corps, dans l’âme, ou dans ce qui est au-dessus de l’âme. » (Traduit par M. Villemain, Tableau de l’Éloquence chrétienne au ive siècle.)

Macrobe fait aussi allusion à la doctrine platonicienne quand il dit dans son Commentaire sur le Songe de Scipion (II, 3) :

« In hac vita omnis anima musicis sonis capitur, ut non soli qui sunt habitu cultiores, verum universæ quoque barbaræ nationes cantus, quibus vel ad ardorem virtutis animentur, vel ad mollitiem voluptatis resolvantur, exerceant : quia anima in corpus defert memoriam musicæ cujus in cœlo fuit conscia. »

B. L’Amant.

Ce que Plotin dit ici de l’Amant (§ 2, p. 65) est un résumé du discours que Socrate tient dans le Phèdre de Platon, t. VI, p. 53-72 de la trad. de M. Cousin :

« Quand l’âme perd ses ailes et tombe sur la terre, la loi défend qu’elle anime le corps d’aucune bête brute dès la première génération. Celle qui a vu plus que les autres, vient animer un homme dont la vie doit être consacrée à la sagesse, à la beauté, aux Muses et à l’Amour... Aucune âme ne peut revenir au lieu d’où elle est partie avant dix mille ans, puisqu’avant ce temps aucune ne peut recouvrer ses ailes, si ce n’est cependant celle d’un philosophe qui a cherché la vérité avec un cœur simple, ou celle qui a brûlé pour les jeunes gens d’un amour philosophique... L’homme, en apercevant la beauté sur la terre, se ressouvient de la beauté véritable, prend des ailes et brûle de s’envoler vers elle ; mais dans son impuissance il lève, comme l’oiseau, ses yeux vers le ciel ; et négligeant les affaires d’ici-bas, il passe pour un insensé. Eh bien, de tous les genres de délire, celui-là est, selon moi, le meilleur, pour celui qui le possède et pour celui à qui il se communique ; or, celui qui ressent ce délire et se passionne pour le beau, celui-là est désigné sous le nom d’amant, etc. »

C. le Philosophe.

L’éducation que Plotin prescrit pour le philosophe (§ 3, p. 65) est conforme aux préceptes que Platon donne à ce sujet dans la République, comme on le reconnaîtra par les citations suivantes.

I. Dialectique.

Les considérations que Plotin présente sur la Dialectique (§ 5, p. 67) sont analogues à celles qui se trouvent dans la République de Platon (liv. vii ; t. X, p. 103-106 de la trad. de M. Cousin) :

« Science toute spirituelle, elle peut cependant être représentée par l’organe de la vue[1], qui, comme nous l’avons montré, s’essaie d’abord sur les animaux, puis s’élève vers les astres et enfin jusqu’au soleil lui-même. Pareillement, celui qui se livre à la dialectique, qui, sans aucune intervention des sens, s’élève par la raison seule jusqu’à l’essence des choses, et ne s’arrête point avant d’avoir saisi par la pensée l’essence du bien, celui-là est arrivé au sommet de l’ordre intelligible, comme celui qui voit le soleil est arrivé au sommet de l’ordre visible. — Cela est vrai. — N’est-ce pas là ce que tu appelles la marche dialectique ? — Oui. — Rappelle-toi l’homme de la caverne : il se dégage de ses chaînes ; il se détourne des ombres vers les figures artificielles et la clarté qui les projette ; il sort de la caverne et monte aux lieux qu’éclaire le soleil ; et là, dans l’impuissance de porter directement les yeux sur les animaux, les plantes et le soleil, il contemple d’abord dans les eaux leurs images divines et les ombres des êtres véritables, au lieu des ombres d’objets artificiels, formées par une lumière que l’on prend pour le soleil. Voilà précisément ce que fait dans le monde intellectuel l’étude des sciences que nous avons parcourues ; elle élève la partie la plus noble de l’âme jusqu’à la contemplation du plus excellent de tous les êtres, comme tout à l’heure nous venons de voir le plus perçant des organes du corps s’élever à la contemplation de ce qu’il y a de plus lumineux dans le monde corporel et visible. — J’admets ce que tu dis : ce n’est pas que je n’aie bien de la peine à l’admettre, mais il me serait aussi difficile de le rejeter. Au surplus, comme ce sont des choses que nous n’avons pas à entendre seulement aujourd’hui, mais sur lesquelles il faut revenir plusieurs fois, supposons qu’il en est comme tu dis, venons-en à notre air, et étudions-le avec autant de soin que nous avons fait le prélude. Dis-nous donc en quoi consiste la dialectique, en combien d’espèces elle se divise, et par quels chemins on y parvient : car il y a apparence que ce sont ces chemins qui conduisent au terme où le voyageur fatigué trouve le repos et la fin de sa course. — Je crains fort que tu ne puisses me suivre jusque-là, mon cher Glaucon ; car pour moi, la bonne volonté ne me manquerait pas ; ce que tu aurais à voir, ce n’est plus l’image du bien, mais le bien lui-même[2], ou du moins ce qui me paraît tel. Que je me trompe ou non, ce n’est pas encore la question ; mais ce qu’il s’agit de prouver, c’est qu’il existe quelque chose de semblable : n’est-ce pas ? — Oui. — Et que la dialectique seule peut le découvrir à un esprit exercé dans les sciences que nous avons parcourues ; qu’autrement, cela est impossible. — C’est bien là ce qu’il s’agit de prouver. Au moins il est un point que personne ne nous contestera, c’est que la méthode dialectique est la seule qui tente de parvenir régulièrement à l'essence de chaque chose[3], tandis que la plupart des arts ne s’occupent que des opinions des hommes et de leurs goûts, de production et de fabrication, ou se bornent même à l’entretien des produits naturels et fabriqués. Quant aux autres, tels que la géométrie et les sciences qui l’accompagnent, nous avons dit qu’ils ont quelque relation avec l’être ; mais la connaissance qu’ils en ont ressemble à un songe, et il leur sera impossible de le voir, de cette vue nette et sûre qui distingue la veille, tant qu’ils resteront dans le cercle des données matérielles sur lesquelles ils travaillent, faute de pouvoir en rendre raison. En effet, quand les principes sont pris on ne sait d’où, et quand les conclusions et les propositions intermédiaires ne portent que sur de pareils principes, le moyen qu’un tel tissu d’hypothèses fassent jamais une science ? — Cela est impossible. — Il n’y a donc que la méthode dialectique qui, écartant les hypothèses, va droit au principe pour l’établir solidement ; qui tire peu à peu l’œil de l’âme du bourbier où il est honteusement plongé, et l’élève en haut avec le secours et par le ministère des arts dont nous avons parlé. »

2. Méthode platonicienne.

La définition que Plotin donne de la méthode platonicienne (§ 4, p. 66) paraît résumer les indications éparses dans les dialogues de Platon, et principalement les deux passages suivants :

« Il est deux choses que le hasard nous a suggérées sans doute, mais qu’il serait intéressant qu’un homme habile pût traiter avec art. — Lesquelles ? — C’est d’abord de réunir sous une seule idée générale les idées particulières éparses de côté et d’autre, afin de bien faire comprendre, par une définition précise, le sujet que l’on veut traiter. — Et quelle est l’autre chose ? — C’est de savoir de nouveau décomposer le sujet en ses différentes parties, comme en autant d’articulations naturelles, et de tâcher de ne point mutiler chaque partie, comme ferait un mauvais écuyer tranchant... J’affectionne singulièrement cette manière de diviser les idées et de les rassembler tour à tour pour être plus capable de bien penser et de bien parler. Ceux qui ont ce talent, Dieu sait si j’ai tort ou raison, mais enfin jusqu’ici je les appelle dialecticiens. » (Phèdre, p. 266 ; t. VI, p. 97 de la trad. de M. Cousin.)

« Diviser par genres, ne pas prendre pour différents ceux qui sont identiques, ni pour identiques ceux qui sont différents, ne dirons-nous pas que c’est l’œuvre de la science dialectique ? — Oui, nous le dirons. — Ainsi, celui qui est capable de faire ce travail démêle comme il faut l’idée unique répandue dans une multitude d’individus qui existent séparément les uns des autres, puis une multitude d’idées différentes renfermées dans une idée générale, puis encore une multitude d’idées générales contenues dans une idée supérieure, et d’un autre côté une multitude d’idées absolument séparées les unes des autres. Voilà ce qui s’appelle savoir discerner, au moyen de la division par genre, ceux qui s’allient ou ne s’allient pas entre eux. — Fort bien. — Mais cet art de la dialectique, tu ne l’attribueras, si je ne me trompe, à nul autre qu’à celui qui s’applique à la philosophie avec une âme pure et droite. » (Sophiste, p. 253 ; t. XI, p. 276 de la trad. de M. Cousin.)

Pour compléter ces indications, nous empruntons à l’excellent travail de M. Berger sur Proclus (Exposition de la doctrine de Proclus, p. 91-93) un passage où les idées de Platon sont présentées sous une forme plus didactique et expliquées par un exemple où l’on trouve une application de sa méthode :

« Les procédés de la dialectique sont au nombre de quatre : elle définit (ὁριστιϰή), elle divise (διαιρετιϰή), elle démontre (ἀποδειϰτιϰή), elle analyse (ἀναλυτιϰή).

Nous partons de la connaissance de l’idée première ; nous pouvons immédiatement constater les distinctions naturelles des objets ; nous divisons ; notre objet choisi, nous le définissons. La définition, pour être bonne, doit pouvoir s’appliquer à tous les individus que comprend la généralité définie. Elle est comme une traduction, dans le langage de l’âme, de la notion intellectuelle que nous avons de l’idée. La définition devient la base de la démonstration et de l’analyse : de la démonstration, qui va de la cause à l’effet ; de l’analyse, qui de l’effet remonte à la cause.

Tout ce qu’on peut supposer de puissance à ces quatre procédés réunis est contenu dans la célèbre méthode que Platon emprunta aux Eléates, et qu’il appelle méthode dialectique ou divisive (διαλεϰτιϰή ou διαιρετιϰή). La question énoncée, on la pose affirmativement, puis négativement ; l’hypothèse de l’affirmation donne lieu à quatre recherches : admettant l’existence de l’objet en question, 1° qu’en résulte-t-il relativement à lui-même ? 2° qu’en résulte-t-il pour ce qui n’est pas lui ? 3° qu’arrive-t-il aux autres dans leurs rapports réciproques ? 4° qu’arrive-t-il aux autres dans leurs rapports avec l’objet de la question ? Chacune des quatre recherches que nous venons d’indiquer donnera lieu à trois sortes de considérations : 1° conséquences positives, ou faits qu’on affirme devoir résulter de l’hypothèse admise ; 2° conséquences négatives, ou faits qu’on affirme n’en pouvoir pas résulter ; 3° conséquences douteuses, ou faits qu’on ne veut pas affirmer, et qu’on n’ose pas nier devoir ou ne devoir pas suivre.

On peut demander à quoi bon, si l’on suppose qu’une chose n’est pas, rechercher ce qui en résulte relativement à elle-même : que peut-il arriver à ce qui n’existe pas ? Mais il faut remarquer que l’on ne fait jamais l’hypothèse du néant absolu. Qui peut connaître le néant absolu ? Qui peut en parler ? Quand donc nous supposons que telle chose n’est pas, nous supposons qu’elle est sous quelque rapport, mais non sous celui qui fait qu’elle est telle ; nous pouvons alors chercher ce qui en résulte.

Nous donnerons un exemple de cette importante et féconde méthode ; et nous traiterons sous cette forme la question de la nature de l’Âme :

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour elle ? — Elle est cause de ses propres actions, principe de sa propre vie ; elle est un être véritable et en soi[4].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas qu’elle soit mortelle, incapable de connaissance[5].

Qu’est-ce qui tout ensemble en résulte et n’en résulte pas ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas qu’elle est divisible, qu’elle est éternelle. (En effet, elle est indivisible sous un rapport, divisible sous un autre, étant intermédiaire entre l’ordre intelligible et l’ordre sensible[6].)

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps ? — Ils deviennent, par la présence de l’Âme, des animaux, reçoivent l’organisation et le mouvement, sont gouvernés par l’Âme[7].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas que le mouvement vienne au corps de l’extérieur.

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas que le corps jouit de la présence de l’Âme. (Elle est présente au corps par sa Providence, et non par son essence[8].)

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps relativement à eux-mêmes ? Ils éprouvent une sympathie réciproque.

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas qu’ils soient insensibles (car un corps habité par une âme a de la sensibilité[9]).

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas que les corps habités par une âme se meuvent eux-mêmes.

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps relativement à l’Âme ? — Que les corps sont, de leur intérieur, mus par l’âme, organisés et conservés[10].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas que les corps soient détruits, désorganisés par l’Âme, et privés de la vie.

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Qu’ils participent à l’Âme et n’en participent pas. (Tantôt, en effet, cette participation a lieu et tantôt non[11].) »

§ II. RAPPROCHEMENTS ENTRE LA DOCTRINE DE PLOTIN ET CELLE D’ARISTOTE.
A. Méthode d’Aristote.

Dans la seconde moitié du § 5, p. 67-68, Plotin fait allusion à la Logique d’Aristote et dit qu’elle est inférieure à la Dialectique :

« Il ne faut pas croire que la Dialectique ne soit qu’un instrument pour la philosophie, ni qu’elle ne s’occupe que de pures spéculations et de règles abstraites. Elle étudie les choses elles-mêmes, et a pour matières les êtres réels. Elle y arrive en suivant une méthode qui lui donne la réalité en même temps que l’idée, etc. »

Malgré l’espèce de dédain que Plotin manifeste ici pour Aristote, il a emprunté, sinon à sa Logique, du moins à sa méthode, beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire d’après ses paroles. Voici ce que dit à ce sujet M. Ravaisson avec lequel nous sommes entièrement d’accord :

« Pour remonter aux idées, la méthode de Plotin ne consiste plus, comme celle de Platon, à séparer simplement des individus ce qui s’y trouve de commun, à abstraire l’universel de toutes les déterminations particulières. Sa méthode est plutôt celle d’Aristote, subordonnée, accommodée au principe directeur de toute la philosophie pythagoricienne et platonicienne. Au lieu de tirer de la comparaison des individus l’universel, Aristote se renferme dans l’individu même, et des opérations imparfaites, ou des mouvements de l’individu, il s’élève à l’acte immobile auquel ils se rapportent et duquel ils dépendent. Comme Aristote, c’est dans l’individu lui-même que Plotin remonte des manifestations au principe. Seulement, ce n’est pas de la virtualité et du mouvement à l’acte qu’il procède, mais de la multitude à l’unité. Ce n’est plus, à la vérité, dans l’élimination de la pluralité des individus que sa méthode consiste ; mais c’est dans l’abstraction successive et graduée de la multiplicité matérielle de chaque être. Ce n’est plus à l’unité logique de l’espèce et du genre qu’il semble tendre comme à la cause et à la raison dernière des choses, et ce n’est pas non plus à l’acte opposé de la simple puissance : c’est à l’unité essentielle, intime, abstraite de toute quantité. » (Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 393.)

B. Rapport de la Dialectique avec la Morale.

Ce que Plotin dit sur les rapports de la Dialectique avec la Morale, § 6, p. 68, est incontestablement emprunté à Aristote. Voy. plus haut la Note sur le livre ii, p. 399-401.

  1. Plotin reproduit cette comparaison dans le livre iii, § 4, p. 67.
  2. Voy. liv. iii, § 5, p. 67.
  3. Voy. ibid.
  4. Voy. Enn. I, liv. i, § 2, p. 37.
  5. Ibidem.
  6. Ibid., § 8, p. 44-45.
  7. Ibid., § 7, p. 43.
  8. Ibid., § 8, p. 45 ; § 11, p. 48.
  9. Ibid., § 7, p. 43.
  10. Ibid., § 8, p. 45.
  11. Ibid., § 12, p. 49.