Ennéades (trad. Bouillet)/VI/Livre 6/Notes

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Les Ennéades de Plotin,
Traduction de M. N. Bouillet
Ennéade VI, livre vi :
Des Nombres | Notes


LIVRE SIXIÈME.
DES NOMBRES.

Ce livre est le trente-quatrième dans l’ordre chronologique.

Le lien qui le rattache à la doctrine générale de Plotin sur les idées est indiqué par notre auteur dans l’Ennéade V, liv. I, § 5, p. 11-12.

Plotin a puisé non-seulement dans les dialogues de Platon, tels que le Philèbe, le Timée, le Parménide (Voy. p. 367, 370, notes), mais encore dans les écrits de Pythagoriciens, dont il ne reste plus que quelques fragments, qui ont été rassemblés et interprétés par les historiens de la philosophie[1]. Quant à la doctrine que professaient les Néopythagoriciens à l’époque où écrivait notre auteur, on en peut juger par la Vie de Pythagore qu’a écrite Porphyre, et dont nous donnons un extrait ci-après, p. 627-629.

La polémique à laquelle Aristote s’est livré contre Pythagore et Platon dans sa Métaphysique devait naturellement exciter Plotin à essayer de le réfuter. Aussi la critique de la doctrine péripatéticienne sur les nombres occupe-t-elle ici une grande place (p. 386-393, 396).

Ce livre de Plotin a été cité par Proclus (p. 378, 380, notes). En outre, la théorie de cet auteur sur l’infini est fort propre à bien faire comprendre celle de Plotin, comme on en peut juger par l’importante citation que nous en avons faite p. 400.

On trouve dans les écrits de saint Augustin des idées analogues à celles que Plotin développe dans ce livre sur la théorie métaphysique des nombres. En effet, selon ce Père, comme selon notre auteur, les nombres et les formes sont identiques : « Intuere cœlum et terram et mare, et quæcunque in eis vel desuper fulgent, vel deorsum repunt vel volant vel natant : formas habent, quia numeros habent. Adime illis hæc, nihil erunt. A quo ergo sunt, nisi a quo numerus ? etc. » (De Libero arbitrio, II, 16.) Le nombre de chaque être pris à part est l’unité ; d’où suit que tout aspire à l’unité. La vérité ou la réalité d’un être est en proportion de son unité, et tout être tient du Verbe son unité comme il en tient sa forme et sa réalité : « Omne corpus, verum est corpus, sed falsa unitas. Non enim summe unum est, aut in tantum imitatur ut impleat ; et tamen non corpus ipsum esset, nisi utcunque unum esset. Porro utcunque unum esse non potest, nisi ab eo quod summe Unum et id haberet… At si corpora in tantum fallunt in quantum non implent illud unum quod convincuntur imitari, a quo Principio unum est quidquid est, ad cujus similitudinem quidquid nititur naturaliter approbamus ; quia improbamus quidquid ab unitate discedit atque in ejus dissimilitudinem tendit : datur intelligi esse aliquid, quod illius unius solius, a quo Principio unum est quidquid aliquo modo unum est, ita simile sit ut hoc omnino irapleat ac sit id ipsum ; et hæc est Veritas et Verbum in Principio, et Verbum Deus apud Deum. » (De vera Religione, 35, 36.) Voy. aussi De Ordine, II, 18, et De Musica, VI, 12. Dans ce dernier traité, la théorie que saint Augustin développe sur les nombres sensibles et intelligibles (carnales, spiritales numeri) paraît, malgré son originalité apparente, lui avoir été inspirée par la doctrine néoplatonicienne.


    quorum auctoritate circa numeros et unitatem Plotinus utatur, audi. Pythagoras ait numerum esse extensionem atque actum seminalium rationum in unitate regnantium. Item Numerus est, inquit, primum in divina Mente consistent, a quo et ex quo omnia componuntur et permanent ordine quodam indissolubili invicem distributa. Hippasus Pythagoricus ait : Numerus est exemplar fabricœ mundanœ primum et instrumentum mundani fabri judiciarium. Philolaus inquit : Numerus est imperiosa quœdam et ex se progenita sempiternœ mundanorum perseverantiœ continentia. Pythagorici aiunt : Unitas est id ipsum per quod entium quodlibet denominatur unum, atque est ipsa unitas numeri partiumque infimum, a qua velut seminario et radice sempiterna rationes proportionesque in utramque partem infinite procedunt, hic quidem multiplicando, inde iterum dividendo. Item Unitas est species specierum, omnes videlicet numeros numerorumque rationes in se continens. » Ficin a emprunté ces citations à Jamblique, Commentaire de l’Arithmétique de Nicomaque. On peut les rapprocher de ce que le même Jamblique dit de l’essence mathématique de l’âme dans son Traité de l’Âme (Voyez notre tome II, pages 627-629, et les notes).

  1. Voici quelques remarques que nous empruntons à Creuzer (t. III, p. 366) : « Quod si quæras quo sensu Numeros principia dixerint Pythagoras ejusque discipuli reliquique deinceps Pythagorici, præter germana horum philosophorum fragmenta, in primis maxima debet censeri Aristotelis auctoritas. Atque, hoc philosopho teste (Metaphys. 1, 5-6), Pythagorici partim numeros non solum principia rerum, verum etiam substantias atque materiam rerum (quæ antiquissima ratio fuisse videtur), partim eosdem archetypa entium ponebant, sive docebant ad numerorum imaginera omnia exstitisse ; partim statuebant omnia entia exstitisse imitatione numerorum… Quod si quæris quomodo Plato numeros sibi informaverit, in Diatribe de perditis Aristotelis libris de Ideis et de Bono, sive Philosophia (p. 33), Brandisius hæc posuit : Si numeri summa rerum principia iunt (quippe qui simplicis naturæ maneant, etiamsi cetera tollantur omnia), ideœ quoque ad eos referendœ sunt. Platonem ideas docuisse numeros esse sæpius testatur Aristoteles quam ut operæ pretium sit coacervare loca probantia. » Ficin, aux commentaires duquel nous avons fait plusieurs emprunts dans l’interprétation si difficile de ce livre, s’exprime en ces termes sur ce sujet : « Ut intelligas