Entre Aveugles/Jeux
XX
JEUX
Rien n’empêche un aveugle de jouer aux dominos, aux échecs, aux dames ou aux cartes, s’il est doué d’une mémoire passable. Si sa mémoire est excellente, la difficulté est nulle, puisque les grands joueurs d’échecs jouent sans voir, l’adversaire étant seul en présence de l’échiquier et exécutant alternativement ses propres coups et ceux du grand joueur. Doué d’une mémoire détestable, je ne peux même pas jouer aux dominos, ne pouvant me souvenir ni de ce qui est sorti, ni des dominos que j’ai en main. Je n’ai même pas essayé de jouer ni aux dames ni aux échecs, car je suis dans l’impossibilité de me représenter la disposition des pièces.
Pour la majorité des aveugles, on rend très faciles les jeux de dames et d’échecs au moyen de damiers et d’échiquiers, où chaque case est percée d’un trou destinée à recevoir les chevilles dont sont munies les dames ou les pièces du jeu d’échecs. Ces jeux avec trous et chevilles sont dans le commerce, ils ont été créés pour jouer en chemin de fer. On imagine aisément la petite transformation qu’il faut leur faire subir pour rendre reconnaissables au toucher le blanc et le noir. Pour qui n’aime pas les chevilles, il existe des damiers spéciaux, où les cases d’une même couleurs sont plus profondes que les autres. À l’École municipale d’aveugles de Berlin, outre des jeux d’échecs et de dames, on trouve des lotos, halmas, etc…
Comme l’aveugle qui joue aux dames ou aux échecs promène constamment ses mains sur le jeu, il est préférable que son partenaire se serve en même temps d’un second échiquier.
Il existe des cartes à jouer, reconnaissables par des piqûres d’aiguilles presque invisibles, et qui donnent aux aveugles la possibilité de jouer avec les voyants. On se procure à l’Institution nationale un petit instrument servant à piquer les cartes à jouer.
L’aveugle peut se servir, sans aucune modification, des jeux de solitaire, de baguenaudier et de billard anglais.