Erotika Biblion/16

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NOTES SUR L’AKROPODIE[1]



Porro circumcisio etiam meo judicio propier hanc rationem instituta est ut libido hominum diminuatur… Præceptum itaque istud non est datum ad supplendum defectum creationis, sed ad corrigendum defectum morum… Neque etiam facultas generandi adimitur, sed superfluus tantum appetitus cœundi diminuitur.
Maimonide, More Neboukim, pars III, cap. XLIX, pag. 505.


Page 71. — « La femme n’est point femme par un seul endroit. »

L’homme porte dans son cœur ce foyer de feu céleste d’où émane la faculté de se reproduire en tout temps. Charme incompréhensible, dont la mystérieuse flamme circule avec son sang, en animant tous les ressorts de sa vie, L’acte de la génération est chez lui un besoin très-impérieux ; et depuis l’insecte imperceptible jusqu’à la plus parfaite des créatures, tout cherche, dans l’univers, quoique par des moyens différents, à perpétuer son espèce, au sein de ces doux plaisirs que la nature y attacha, et que l’homme goûte bien plus vivement par la supériorité de ses facultés intellectuelles et la perfection de ses organes sur ceux des animaux moins favorisés sous ce rapport.

Mais toujours inférieures à ses désirs immodérés, et jamais en harmonie avec ses besoins réels, ses forces physiques se refusent quelquefois d’obéir à la voix de ses passions. Et c’est alors que, blasé sur des plaisirs trop multipliés, l’homme cherche dans son imagination brûlante à réveiller des sensations assoupies et à se procurer de nouvelles délices par de nouveaux moyens, de varier ou de graduer ses jouissances, pour sortir de l’engourdissement où font plongé l’abus de la volupté et la fougue de ses passions.

Obéissant à sa flamme capricieuse, il saisira avec avidité tout ce qui peut assouvir ses désirs effrénés, et, fouillant dans les archives de l’antiquité, il verra dans Ovide, ce grand précepteur dans l’art d’aimer et de jouir, sur les attitudes du plaisir amoureux, tout ce que les anciens ont produit, en ce genre, de plus obscène, de plus lubrique et de plus lascif :

Præcipue nostrum est, ....Sed àlma Dyone,
 Præcipue nostrum est, quod pudet, inquit, opus.
Nola tibi sint quæque ; modos à corpore certos
 Sumite : non omnes una figura decet.
Quæ facie præsignis eris, resupina jaceto :
 Spectentur tergo, quis sua terga placent.
Milanion bumeris Atalantes crura ferebat :
 Si bona sunt, hoc sunt accipienda modo.
Parva vehatur equo : quod erat longissima, nunquam
 Thebais Hectoreo nupta resedit equo.
Strata premat genibus, paulum cervice reflexa,
 Fœmina, per longum conspicienda latus.
Cui femur est juvenile, carent qui pectora menda,
 Stet vir ; in obliquo fusa sit illa toro.
Nec tibi turpe puta crinem, ut Philleia mater,
 Solvere : et effusis colla reflecte comis.
Tu quoque, cui rugis uterum Lucina notavit,

 Ut celer aversis utere Parthus equis.
Mille modi Veneris : simplex minimique laboris,
 Quum jacet in dextrum semisupina latus.
Sed neque Phœbei tripodes, nec corniger Ammon
 Vera mugis vobis, quam mea Musa, canent.

(De arte amandi, lib. III.)[2]


Non content de ce raffinement de connaissances érotiques, bientôt, nouvel Héliogabale, toutes les parties du corps serviront à ses sales impuretés[3]. Mais quelle femme alors voudra se prostituer à de pareils dérèglements ? Uniquement créée pour la propagation, voudrait-elle éluder les fins de la nature, en se prêtant à d’aussi prodigieuses monstruosités ? Ou bien, se refusant aux infâmes fantaisies de son amant, et repoussant toute volupté par trop variée, n’aura-t-elle pas à craindre la correction un peu leste que le licencieux Martial se permettait quelquefois de donner à sa femme pour un pareil refus :

Uxor, vade foras, aut moribus utere meis.
 Non ego sum Curius, non Numa, non Tatius.
Me jucunda juvant tractæ per pocula noctes :
 Tu properas pota surgere tristis aquâ.
Tu tenebris gaudes : me ludere teste lucerna,
 Et juvat admissâ rumpere luce latus.
Fascia, te, tunicæque, obscuraque pallia celant ;
 At mihi nulla satis nuda puella jacet.
Basia me capiunt blandas imitata columbas :
 Tu mihi das, aviæ qualia mane soles.
Nec motu dignaris opus, nec voce juvare,
 Nec digitis ; tanquam thura merumque pares.
Masturbabantur Phrygii post otia servi,
 Hectoreo quoties sederat uxor equo.
Et quamvis Ithaco stertente, pudica solebat
 Illic Penelope semper habere manum.
Pædicare negas : dabat hoc Cornelia Graccho ;
 Julia, Pompeïo ; Porcia, Brute, tibi.
Dulcia Dardanio nondum miscente ministro
 Pocula, Juno fuit pro Ganimede Jovi.
Si te delectat gravitas, Lucretia toto
 Sis licet usque die : Laida nocte volo.

(Lib. XI, Epig. 104.)[4]

Il faut avouer que les impertinentes sorties de Martial contre sa femme sont d’un fier roué, qui veut être positivement obéi. Cependant si des beautés trop timorées répugnaient à cette étrange manière d’aimer, qu’elles s’appliquent ce beau précepte du casuiste Sanchez : « Licet ludere inter clunes, dummodô fiat ejaculatio in vas naturale. » Une pareille décision lève tous les scrupules et tranquillise la conscience la plus craintive et la moins aguerrie.

  1. Du grec ᾶκρος, l’extrémité, et πόδια, chaussure, et par extension, retranchement du prépuce.
  2. Mais la belle Dionée : « Ce que tu rougis d’enseigner, me dit-elle, c’est ce que mon culte a de plus doux. » Que chaque femme apprenne donc à se connaître, et se présente aux combats amoureux dans l’attitude la plus favorable. La même posture ne convient pas à toutes. Que celle qui brille par les attraits de sa figure, s’étende sur le dos ; que celle, au contraire, qui s’enorgueillit de sa taille élégante, en offre à nos yeux toutes les richesses. Mélanion portait sur ses épaules les jambes d’Atalante : si les vôtres ont la même beauté, placez-les de la même manière. Trop petite, que votre amant devienne votre coursier : jamais Andromaque, dont la taille était démesurée, ne prit cette posture avec Hector. Trop grande, soutenez l’assaut, la tête penchée et les genoux appuyés sur votre lit. Si vos cuisses ont tout l’embonpoint de la jeunesse, si votre gorge est sans défaut, que votre amant debout vous voie obliquement étendue devant lui. N’ayez aucun scrupule de délier vos cheveux comme une bacchante thessalienne, et de les laisser flotter sur vos épaules. Si les travaux de Lucine ont sillonné de rides votre flanc, combattez, mais en Parthe, en tournant le dos. Ainsi le plaisir prend mille postures diverses ; mais la plus simple, la moins fatiguante pour vous, c’est de rester à demi-penchée sur le côté droit. Jamais les trépieds de Phœbus, jamais Jupiter Ammon n’ont rendu d’oracles plus sûrs que les vérités proclamées par ma Muse. (Traduction Héguin de Guerle.)
  3. Quis enim ferre possit principem per cuncta cava corporis libidinem recipientem, Æl. Lamprid., in Heliogab., c. 5.
  4. Sors d’ici, ma femme, ou conforme-toi à mes goûts. Je ne suis point un Curius, un Numa, un Tatius. J’aime ces nuits aimables qu’on passe à vider des bouteilles ; toi, tu quittes tristement la table, aussitôt que tu as avalé ton pot d’eau. Il te faut les ténèbres, à toi ; moi, j’aime à folâtrer à la lueur d’une lampe, et à voir clair quand je pratique l’amoureux déduit. Des fichus, des tuniques, des vêtements épars t’enveloppent de toutes parts ; pour moi, une belle n’est jamais assez nue. Je chéris ces baisers imités des douces colombes ; les tiens ressemblent à ceux que tu donnes le matin à ta grand’mère. Chez toi, jamais un mouvement, jamais un mot, jamais une main complaisante pour animer la besogne. On dirait que tu prépares l’encens et le vin du sacrifice. Les esclaves phrygiens s’amusaient solitairement derrière la porte, quand l’épouse d’Hector montait son mari ; et même quand Ulysse ronflait, sa pudique Pénélope y avait la main. Tu ne me permets pas de changer de route ; Cornélie cependant le permettait à Gracchus, Julie à Pompée, et Porcie à Brutus. Avant que le jeune Dardanien ne versât le nectar au maître des dieux, Junon servait de Ganymède à Jupiter. Si tu te complais dans la sévérité, tu peux bien être une Lucrèce pendant tout le jour, mais, la nuit, il me faut une Laïs. (Traduction de la Bibliothèque Panckoucke.)