Esprit des lois (1777)/L12/C17

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CHAPITRE XVII.

De la révélation des conspirations.

« Quand ton frere, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme bien-aimée, ou ton ami qui est comme ton ame, te diront en secret, Allons à d’autres dieux ; tu les lapideras : d’abord ta main sera sur lui, ensuite celle de tout le peuple ». Cette loi du Deutéronome[1] ne peut être une loi civile chez la plupart des peuples que nous connoissons, parce qu’elle y ouvriroit la porte à tous les crimes.

La loi qui ordonne dans plusieurs états, sous peine de la vie, de révéler les conspirations auxquelles même on n’a pas trempé, n’est guere moins dure. Lorsqu’on la porte dans le gouvernement monarchique, il est très-convenable de la restreindre.

Elle n’y doit être appliquée, dans toute sa sévérité, qu’au crime de lese-majesté au premier chef. Dans ces états, il est très-important de ne point confondre les différens chefs de ce crime.

Au Japon, où les lois renversent toutes les idées de la raison humaine, le crime de non-révélation s’applique aux cas les plus ordinaires.

Une relation[2] nous parle de deux demoiselles qui furent enfermées jusqu’à la mort dans un coffre hérissé de pointes ; l’une, pour avoir eu quelqu’intrigue de galanterie ; l’autre, pour ne pas l’avoir révélée.


  1. Chap. XIII. Vers. 6, 7, 8 & 9.
  2. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, p. 423, liv. V, part. 2.