Esprit des lois (1777)/L12/C9

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CHAPITRE IX.

Continuation du même sujet.


Paulin ayant mandé à l’empereur Alexandre, « qu’il se préparoit à poursuivre comme criminel de lese-majesté un juge qui avoit prononcé contre ses ordonnances ; l’empereur lui répondit, que dans un siecle comme le sien, les crimes de lese-majesté indirects n’avoient point de lieu[1].

Faustinien ayant écrit au même empereur, qu’ayant juré, par la vie du prince, qu’il ne pardonneroit jamais à son esclave, il se voyoit obligé de perpétuer sa colere, pour ne pas se rendre coupable du crime de lese-majesté : « Vous avez pris de vaines terreurs[2], lui répondit l’empereur ; & vous ne connoissez pas mes maximes ».

Un sénatus-consulte[3] ordonna que celui qui avoit fondu des statues de l’empereur, qui auroient été réprouvées, ne seroit point coupable de lese-majesté. Les empereurs Sévere & Antonin écrivirent à Pontius[4] que celui qui vendroit des statues de l’empereur non consacrées, ne tomberoit point dans le crime de lese-majesté. Les mêmes empereurs écrivirent à Julius Cassianus, que celui qui jetteroit, par hazard, une pierre contre une statue de l’empereur, ne devoit point être poursuivi comme criminel de lese-majesté[5]. La loi Julie demandoit ces sortes de modifications : car elle avoit rendu coupables de lese-majesté, non seulement ceux qui fondoient les statues des empereurs, mais ceux qui commettoient quelque action semblable[6] ; ce qui rendoit ce crime arbitraire. Quand on eut établi bien des crimes de lese-majesté, il fallut nécessairement distinguer ces crimes. Aussi le Jurisconsulte Ulpien, après avoir dit que l’accusation du crime de lese-majesté ne s’éteignoit point par la mort du coupable, ajoute-t-il, que cela ne regarde pas tous[7] les crimes de lese-majesté établis par la loi Julie ; mais seulement celui qui contient un attentat contre l’empire, ou contre la vie de l’empereur.


  1. Etiam ex aliis cuassis majestatis crimina cessant meo sæculo. Leg. I. cod. ad. leg. Jul. maj.
  2. Alienam sectæ meæ solicitudinem concepisti. Leg. 2 cod. ad. Leg. Jul. maj.
  3. Voyez la loi 4. §. 1. ss. ad leg. Jul. maj.
  4. Voyez la loi 5. §. 1. ss. ad leg. Jul. maj.
  5. Ibid.
  6. aliudve quid simile admiserint. Leg. 6. ss. ad leg. Jul. maj.
  7. Dans la loi derniere, au ss. ad leg. Jul. de adulseriis.