Esprit des lois (1777)/L18/C30

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CHAPITRE XXX.

Des assemblées de la nation chez les Francs.


On a dit ci-dessus, que les peuples qui ne cultivent point les terres, jouissoient d’une grande liberté. Les Germains furent dans ce cas. Tacite dit qu’ils ne donnoient à leurs rois ou chefs qu’un pouvoir très-modéré[1] ; & César[2], qu’ils n’avoient pas de magistrat commun pendant la paix, mais que dans chaque village les princes rendoient la justice entre les leurs. Aussi les Francs dans la Germanie n’avoient-ils point de roi, comme Grégoire de Tours[3] le prouve très-bien.

« Les princes[4], dit Tacite, déliberent sur les petites choses, toute la nation sur les grandes ; de sorte pourtant que les affaires dont le peuple prend connoissance, sont portées de même devant les princes. » Cet usage se conserva après la conquête, comme[5] on le voit dans tous les monumens.

Tacite[6] dit que les crimes capitaux pouvoient être portés devant l’assemblée. Il en fut de même après la conquête, & les grands vassaux y furent jugés.


  1. Nec Regibus libera aut infinita potestas. Ceterùm neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, &c. De Morib. Germ.
  2. In pace nullus est communis magistratus ; sed principes regionum atque pagorum inter suos jus dicunt. De bello Gall. lib. VI.
  3. Liv. II.
  4. De minoribus principes consultant, de majoribus omnes ; ità tamen ut ea quorum penes plebem arbitrium est, apud principes pertractentur. De morib. Germ.
  5. Lex consensu populi fit & constitutione regis. Capitulaires de Charles le Chauve, an 864. art 6.
  6. Licet apud concilium accusare & discrimen capitis intendere. De morib. Germ.