Esprit des lois (1777)/L22/C13
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Opérations sur les monnoies du temps des Empereurs.
Dans les opérations que l’on fit sur les monnoies du temps de la république, on procéda par voie de retranchement : l’état confioit au peuple ses besoins, & ne prétendoit pas le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d’alliage : ces princes réduits au désespoir par leurs libéralités mêmes, se virent obligés d’altérer les monnoies ; voie indirecte qui diminuoit le mal, & sembloit ne le pas toucher : on retiroit une partie du don, & on cachoit la main ; & sans parler de diminution de la paye ou des largesses, elles se trouvoient diminuées.
On voit encore dans les cabinets[1] des médailles qu’on appelle fourrées, qui n’ont qu’une lame d’argent qui couvre le cuivre. Il est parlé de cette monnoie dans un fragment du Livre 77 de Dion[2].
Didius Julien commença l’affoiblissement. On trouve que la monnoie[3] de Caracalla avoit plus de la moitié d’alliage, celle d’Alexandre Sévere[4] les deux tiers : l’affoiblissement continua ; & sous Gallien[5], on ne voyoit plus que du cuivre argenté.
On sent que ces opérations violentes ne sauroient avoir lieu dans ces temps-ci ; un prince se tromperoit lui-même, & ne tromperoit personne. Le change a appris au banquier à comparer toutes les monnoies du monde, & à les mettre à leur juste valeur ; le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un prince commence le billon, tout le monde continue, & le fait pour lui ; les especes fortes sortent d’abord, & on les lui renvoie foibles. Si, comme les empereurs Romains, ils affoiblissoit l’argent sans affoiblir l’or, il verroit tout à coup disparoître l’or, & il seroit réduit à son mauvais argent. Le change, comme j’ai dit au Livre précédent[6], a ôté les grands coups d’autorité, ou du moins le succès des grands coups d’autorité.