Esprit des lois (1777)/L23/C16

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CHAPITRE XVI.

Des vues du législateur sur la propagation de l’espece.


Les réglemens sur le nombre des citoyens dépendent beaucoup des circonstances. Il y a des pays où la nature a tout fait ; le législateur n’y a donc rien à faire. A quoi bon engager par des lois à la propagation, lorsque la fécondité du climat donne assez de peuple ? Quelquefois le climat est plus favorable que le terrain, le peuple s’y multiplie, & les famines le détruisent : c’est le cas où se trouve la Chine ; aussi un pere y vend-il ses filles & expose ses enfans. Les mêmes causes operent au Tonquin[1] les mêmes effets ; & il ne faut pas, comme les voyageurs Arabes dont Renaudot nous a donné la relation, aller chercher l’opinion[2] de la métempsycose pour cela.

Les mêmes raisons font que, dans l’île Formose[3], la religion ne permet pas aux femmes de mettre des enfans au monde qu’elles n’aient trente-cinq ans : avant cet âge, la prêtresse leur foule le ventre, & les fait avorter.


  1. Voyages de Dampierre, tome II. p. 41.
  2. Page 167.
  3. Voyez le recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tome V. part. I, pag. 182 & 188.