Esprit des lois (1777)/L26/C18

La bibliothèque libre.


CHAPITRE XVIII.

Qu’il faut examiner si les lois qui paroissent se contredire, sont du même ordre.


À Rome il fut permis au mari de prêter sa femme à un autre. Plutarque nous le[1] dit formellement : on sait que Caton prêta sa[2] femme à Hortensius, & Caton n’était point homme à violer les lois de son pays.

D’un autre côté, un mari qui souffroit les débauches de sa femme, qui ne la mettoit pas en jugement ou qui la reprenoit[3] après la condamnation, étoit puni. Ces lois paroissent se contredire, & ne se contredisent point. La loi qui permettoit à un Romain de prêter sa femme, est visiblement une institution Lacédémonienne, établie pour donner à la république des enfans d’une bonne espece, si j’ose me servir de ce terme : l’autre avoit pour objet de conserver les mœurs. La premiere étoit une loi politique, la seconde une loi civile.


  1. Plutarque, dans sa comparaison de Lycurgue & de Numa.
  2. Plutarque, vie de Caton. Cela se passa de notre temps, dit Strabon, liv. XI.
  3. Leg. XI, §, ult. ss. ad leg. Jul. de adult.