Esprit des lois (1777)/L26/C19

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CHAPITRE XIX.

Qu’il ne faut pas décider par les lois civiles les choses qui doivent l’être par les lois domestiques.


La loi des Wisigoths vouloit que les esclaves[1] fussent obligés de lier l’homme & la femme qu’ils surprenoient en adultere, & de les présenter au mari & au juge : loi terrible, qui mettoit entre les mains de ces personnes viles le soin de la vengeance publique, domestique & particuliere !

Cette loi ne seroit bonne que dans les sérails d’orient, où l’esclave, qui est chargé de la clôture, a prévariqué sitôt qu’on prévarique. Il arrête les criminels, moins pour les faire juger, que pour se faire juger par lui-même, & obtenir que l’on cherche dans les circonstances de l’action, si l’on peut perdre le soupçon de sa négligence.

Mais dans les pays où les femmes ne sont point gardées, il est insensé que la loi civile les soumette, elles qui gouvernent la maison, à l’inquisition de leurs esclaves.

Cette inquisition pourroit être, tout au plus dans de certains cas, une loi particuliere domestique, & jamais une loi civile.


  1. Lois des Wisigoths, liv. III. tit. 4. §. 6.