Esprit des lois (1777)/L29/C5

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CHAPITRE V.

Continuation du même sujet.


La loi dont je vais parler se trouve dans ce serment, qui nous a été conservé par Eschines[1]. « Je jure que je ne détruirai jamais une ville des Amphictions, & que je détournerai point ses eaux courantes : si quelque peuple ose faire quelque chose de pareil, je lui déclarerai la guerre, & je détruirai ses villes. » Le dernier article de cette loi, qui paroît confirmer le premier, lui est réellement contraire. Amphiction veut qu’on ne détruise jamais les villes Grecques, & sa loi ouvre la porte à la destruction de ces villes. Pour établir un bon droit des gens parmi les Grecs, il falloit les accoutumer à penser que c’étoit une chose atroce de détruire une ville Grecque ; il ne devoit donc pas détruire même les destructeurs. La loi d’Amphiction étoit juste, mais elle n’étoit pas prudente ; cela se prouve par l’abus même que l’on en fit. Philippe ne se fit-il pas donner le pouvoir de détruire les villes, sous prétexte qu’elles avoient violé les lois des Grecs ? Amphiction auroit pu infliger d’autres peines : ordonner, par exemple, qu’un certain nombre de magistrats de la ville destructrice, ou de chefs de l’armée violatrice, seroient punis de mort ; que le peuple destructeur cesseroit pour un temps de jouir des privileges des Grecs ; qu’il payeroit une amende jusqu’au rétablissement de la ville. La loi devoit sur-tout porter sur la réparation du dommage.


  1. De falsâ legatione.