Esprit des lois (1777)/L29/C7

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CHAPITRE VII.

Continuation du même sujet. Nécessité de bien composer les lois.


La loi de l’ostracisme fut établie à Athenes, à Argos[1] & à Syracuse. À Syracuse, elle fit mille maux, parce qu’elle fut faite sans prudence. Les principaux citoyens se bannissoient les uns les autres, en se mettant une feuille de figuier à la main[2] ; de sorte que ceux qui avoient quelque mérite, quitterent les affaires. A Athenes, où le législateur avoit senti l’extension & les bornes qu’il devoit donner à sa loi, l’ostracisme fut une chose admirable : on n’y soumettoit jamais qu’une seule personne ; il falloit un si grand nombre de suffrages, qu’il étoit difficile qu’on exilât quelqu’un dont l’absence ne fût pas nécessaire.

On ne pouvoit bannir que tous les cinq ans : en effet, dès que l’ostracisme ne devoit s’exercer que contre un grand personnage, qui donneroit de la crainte à ses concitoyens, ce ne devoit pas être une affaire de tous les jours.


  1. Aristote, république, liv. II, chap. iii.
  2. Plutarque, vie de Denys.