Esprit des lois (1777)/L3/C6

La bibliothèque libre.
◄  Livre III
Chapitre V
Livre III Livre III
Chapitre VII
  ►


CHAPITRE VI.

Comment on supplée à la vertu dans le gouvernement monarchique.


Je me hâte & je marche à grands pas, afin qu’on ne croie pas que je fasse une satire du gouvernement monarchique. Non : s’il manque d’un ressort, il en a un autre. L’honneur, c’est-à-dire, le préjugé de chaque personne & de chaque condition, prend la place de la vertu politique dont j’ai parlé, & la représente par-tout. Il y peut inspirer les plus belles actions ; il peut, joint à la force des lois, conduire au but du gouvernement comme la vertu même.

Ainsi dans les monarchies bien réglées, tout le monde sera à peu près bon citoyen, & on trouvera rarement quelqu’un qui soit homme de bien ; car, pour être homme de bien[1], il faut avoir intention de l’être[2], & aimer l’état moins pour soi que pour lui-même.


  1. Ce mot, homme de bien, ne s’entend ici que dans un sens politique.
  2. Voyez la note de la page 47.