Esprit des lois (1777)/L31/C19

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CHAPITRE XIX.

Continuation du même sujet.


Charlemagne & ses premiers successeurs craignirent que ceux qu’ils placeroient dans des lieux éloignés ne fussent portés à la révolte ; ils crurent qu’ils trouveroient plus de docilité dans les ecclésiastiques : ainsi ils érigerent en Allemagne[1] un grand nombre d’évêchés, & y joignirent de grands fiefs. Il paroît, par quelques chartres, que les clauses qui contenoient les prérogatives de ces fiefs n’étoient pas différentes de celles qu’on mettoit ordinairement dans ces concessions[2], quoiqu’on voie aujourd’hui les principaux ecclésiastiques d’Allemagne revêtus de la puissance souveraine. Quoi qu’il en soit, c’étoient des pieces qu’ils mettoient en avant contre les Saxons. Ce qu’ils ne pouvoient attendre de l’indolence ou des négligences d’un leude, ils crurent qu’ils devoient l’attendre du zele & de l’attention agissante d’un évêque : outre qu’un tel vassal, bien loin de se servir contr’eux des peuples assujettis, auroit au contraire besoin d’eux pour se soutenir contre ses peuples.


  1. Voyez, entr’autres, la fondation de l’archevêché de Brême, dans le capitulaire de 789, édit. de Baluze, p. 245.
  2. Par exemple, la défense aux juges royaux d’entrer dans le territoire pour exiger les freda & autres droits. J’en ai beaucoup parlé au livre précédent.