Esprit des lois (1777)/L31/C27
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Autre changement arrivé dans les fiefs.
Du temps de Charlemagne[1], on étoit obligé, sous de grandes peines, de se rendre à la convocation, pour quelque guerre que ce fût ; on ne recevoit point d’excuses ; & le comte qui auroit exempté quelqu’un, auroit été puni lui-même. Mais le traité des trois freres[2] mit là-dessus une restriction[3] qui tira, pour ainsi dire, la noblesse de la main du roi : on ne fut plus tenu de suivre le roi à la guerre, que quand cette guerre étoit défensive. Il fut libre, dans les autres, de suivre son seigneur, ou de vaquer à ses affaires. Ce traité se rapporte à un autre, fait cinq ans auparavant[4] entre les deux freres Charles le chauve & Louis roi de Germanie, par lequel ces deux freres dispenserent leurs vassaux de les suivre à la guerre, en cas qu’ils fissent quelqu’entreprise l’un contre l’autre ; chose que les deux princes jurerent, & qu’ils firent jurer aux deux armées.
La mort de cent mille François à la bataille de Fontenay fit penser à ce qui restoit encore de noblesse[5], que, par les querelles particulieres de ses rois sur leur partage, elle seroit enfin exterminée ; & que leur ambition & leur jalousie feroit verser tout ce qu’il y avoit encore de sang à répandre. On fit cette loi, que la noblesse ne seroit contrainte de suivre les princes à la guerre, que lorsqu’il s’agiroit de défendre l’état contre une invasion étrangere. Elle fut en usage pendant plusieurs siecles.
- ↑ Capitulaire de l’an 802, art. 7, édit. de Baluze, page 365.
- ↑ Apud Marsnam, l’an 847, édition de Baluze, page 42.
- ↑ Vomumus ut cujuscumque nostrûm homo, in cujuscumque regno sit, cum senioer suo in hostem, vel allis suis utilitatibus, pergat ; nisi talis regni invasio quam Lamtuveri dicunt, quod absit, acciderit, ut omnis populus illius regni ad eam repellendam communiter pergat, art. 5, ibid. page 44.
- ↑ Apud Argentoratum, dans Baluze, capitulaires, tome II, page 39.
- ↑ Effectivement, ce fut la noblesse qui fit ce traité. Voyez Nitard, liv. IV.