Esprit des lois (1777)/L7/C3

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CHAPITRE III.

Des Lois somptuaires dans l’aristocratie.


L’aristocratie mal constituée a ce malheur, que les nobles y ont les richesses, & que cependant ils ne doivent pas dépenser ; le luxe contraire à l’esprit de modération en doit être banni. Il n’y a donc que des gens très-pauvres qui ne peuvent pas recevoir, & des gens très-riches qui ne peuvent pas dépenser.

À Venise, les lois forcent les nobles à la modestie. Il se sont tellement accoutumés à l’épargne, qu’il n’y a que les courtisanes qui puissent leur faire donner de l’argent. On se sert de cette voie pour entretenir l’industrie ; les femmes les plus méprisables y dépensent sans danger, pendant que leurs tributaires y menent la vie du monde la plus obscure.

Les bonnes républiques Grecques avoient à cet égard des institutions admirables. Les riches employoient leur argent en fêtes, en chœurs de musique, en chariots, en chevaux pour la course, en magistrature onéreuse. Les richesses y étoient aussi à charge que la pauvreté.