Essai de psychologie/Chapitre 64

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Chapitre 64

L’habitude, source des goûts, des penchans, des inclinations, des mœurs, du caractere.


La facilité avec laquelle les fibres encore tendres se prêtent aux premieres impressions qu’elles reçoivent, la résistance qu’elles apportent à contracter de nouveaux plis dès qu’elles se sont endurcies jusqu’à un certain point, sont la vraie source des goûts, des penchans, des inclinations, des mœurs, du caractere, &c.

L’ame est un être qui agit par l’intervention d’un autre être. Les facultés de l’ame sont modifiées par l’état du corps.

L’état du corps est déterminé par la naissance et par les impressions du dehors.

Le corps est une production organique qui résulte du concours de deux productions organiques de même genre. Il participe aux qualités de l’une & de l’autre dans une certaine proportion.

Le degré d’activité de chaque individu conspirant fixe cette proportion.

Le corps apporte donc en naissant des déterminations particulieres, en vertu desquelles il est plus ou moins susceptible de certaines impressions.

Les mêmes objets ne produisent donc pas les mêmes effets sur tous les cerveaux. Chaque cerveau a dès la naissance un ton, des rapports qui le distinguent de tout autre.

Le changement d’état que subit un cerveau immédiatement après la naissance par l’impression des objets, est toujours en raison composée de l’activité de ces objets & de la disposition primitive des fibres.

Tout mouvement qui affecte le siege de l’ame change la maniere d’exister de l’ame, & ce changement est une perception ou une sensation.

La diversité des perceptions & des sensations dépend donc de la diversité des mouvemens que les objets excitent dans le siege de l’ame.

Tout changement dans l’existence de l’ame lui est agréable, désagréable ou indifférent.

Toute maniere d’exister dont l’ame desire la continuation est plaisir.

Toute maniere d’exister dont l’ame desire la cessation est déplaisir.

Toute maniere d’exister dont l’ame ne desire ni la continuation ni la cessation lui est indifférente.

Le plaisir & la douleur sont les effets nécessaires d’une loi qui veut qu’à un certain état du cerveau réponde constamment dans l’ame une certaine modification.

Le sentiment qui accompagne cette modification, le desir qu’elle excite, l’acte qui le suit sont des résultats nécessaires de la nature de l’ame.

Comme être sentant, l’ame se porte nécessairement vers les objets qui sont propres à lui procurer du plaisir, & se détourne nécessairement de ceux qui sont propres à lui causer de la douleur.

Comme être mouvant, l’ame agit plus facilement sur des fibres encore souples, que sur des fibres déja endurcies, sur des fibres douées d’une certaine tendance au mouvement que l’ame veut leur imprimer, que sur des fibres douées d’une tendance opposée ou différente.

L’ame se plait dans l’exercice facile de ses forces.