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Essai de psychologie japonaise/Chapitre 10

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Augustin Challamel (p. 167-182).

IX
CLIMAT
PRODUCTIONS DU SOL

Je crois que tout le monde sait que le Japon est une île — ce qui n’est pas vrai puisqu’il y en a 524 — quoiqu’on trouve assez facilement des gens qui pensent qu’on va de Yokohama à Pékin en chemin de fer. Le Japon est tout un archipel volcanique composé de quatre grandes îles et d’une multitude de petites tout autour ou dans la mer intérieure formée par les quatre grandes. C’est un pays montagneux, boisé, très vert, très riant, infiniment découpé et pittoresque, sans rien de bien majestueux ni d’imposant. Les hautes montagnes sont des volcans, plus ou moins en activité. Les montagnes basses affectent en petit des dentelures de grandes alpes, cela trompe au premier moment et désappointe ensuite. Il y a peu de plaines et le peu qu’il y en a ne ressemble pas à ridée que nous nous faisons d’une plaine. Cela ne suggère pas l’étendue et ne se perd pas dans les brumes de l’horizon. Les montagnes et les collines ne servent exactement à rien ; on ne les cultive pas et elles ne nourrissent point de bétail. Les vallées, au contraire, sont cultivées jusque dans le moindre recoin et vues de haut ressemblent aux cases d’un échiquier. Petits champs de riz, petits bosquets, nouveaux petits carrés de riz, petits groupes de toits gris abrités sous la verdure, se succèdent régulièrement tant que la pente n’est pas trop forte. Dès qu’elle s’accuse viennent des buissons dominés tout en haut sur les arêtes par quelques arbres isolés extrêmement pittoresques. Cet aspect du paysage est familier à quiconque use de paravents japonais. Dans les fonds, des torrents accidentés, des cascades, des arbres qui se penchent sur l’eau ; près de la mer, le torrent s’élargit en estuaire de fleuve : un désert de sable et de cailloux où se perdent des filets d’eau. Et comme la nature est aussi à rebours que le peuple, c’est le lit de la rivière qui est plus élevé que le pays environnant, si bien que le chemin de fer, au lieu de le franchir sur un pont, est obligé de passer dessous en tunnel ! Beaucoup de lacs charmants, pas très sauvages, mais de forme irrégulière et reflétant la verdure qui les sertit. De l’eau partout, comme on peut s’y attendre dans un pays où il pleut tant, et partout des pêcheurs : je crois qu’on ne voit pas au Japon un baquet oublié sans qu’il y ait des gens à pêcher autour. La mer fourmille de barquettes ; plus près du rivage toute la population barbote dans l’eau jusqu’aux genoux, pêchant. Partout où un peu d’eau coule ou s’amasse, on voit pêcher : au filet, à la ligne, à la traîne, à la main, toujours on pêche et des poissons excellents. Nulle part au monde on ne mange une telle variété de créatures aquatiques, toutes meilleures les unes que les autres. D’ailleurs le poisson frais ou séché avec les coquillages et les crustacés forme en compagnie du riz le régime des Japonais : régime qui nourrit son monde apparemment puisque la densité de la population est la plus forte après celle de la Belgique. On ne s’en aperçoit pas en traversant le pays. Sans les statistiques, on croirait l’Inde bien autrement grouillante, mais elle a des déserts : on n’en trouve pas au Japon. Nous ne pensons guère que le « petit Japon » a ses 44 000 000 d’habitants ; que la capitale, Tokyo, compte plus d’un million ; Osaka, 800 000 habitants. Comme le pays s’étend tout en longueur, le climat est assez différent selon les endroits : très doux au sud, rigoureux au nord, et, j’en suis fâché, vilain partout. Car il pleut toujours et en toute saison ; c’est, disent les géographes, pire qu’en Angleterre : je n’ai pas vu que ce soit une exagération. Le Japon n’est pas laid par la pluie : peut-être gagne-t-il quelque chose, comme certaines estampes, à être rayé en travers par les continuelles averses ; et la pluie tombe avec une continuité, une assurance, un air d’être chez elle et dans son droit, qui, s’il enlève toute espérance, porte à un acquiescement résigné. Ce serait un paradoxe très soutenable de baser les mœurs et le caractère des Japonais, leur art et leurs coutumes, en un mot le Japon tout entier, sur l’humidité de son climat. Quoi de plus naturel que d’attribuer à cette pluie perpétuelle et inévitable la docilité inusitée de ce peuple toujours mouillé ? N’est-ce pas la pluie qui le fait voir gris et en teintes atténuées ? La pluie qui fait adopter une forme de vêtements bien gainée au corps, facile à abriter par conséquent ? Les hauts patins de bois n’ont pas d’autre origine, les vérandas autour des maisons non plus ; on pourrait dire que l’habitude de renfermer ses objets précieux en les sortant l’un après l’autre de temps en temps vient de la crainte de les voir moisir. Sûrement c’est à la pluie que le Japon doit son incomparable verdure et le charme de ses eaux courantes. C’est la pluie qui transforme en jours de fête les rares beaux jours et qui fait un événement des floraisons successives quand elles peuvent avoir lieu. C’est probablement à la pluie qu’il faut attribuer l’abondance de poisson. C’est la pluie qui empêche les fleurs d’avoir du parfum et qui habille les vieux bouddhas d’un si doux velours vert ; elle qui patine le bois des maisons et la laque rouge des temples. Elle qui a fait inventer les jardins ornés seulement de pierres et d’arbrisseaux : une pierre luisante n’est pas laide sous une averse, mais que dire d’un rosier trempé ? On n’aurait point élaboré les interminables cérémonies de thé dans un pays ensoleillé, ni tant prolongé les parties de go si on pouvait sortir quand on veut. Un touriste exaspéré par ces déluges aurait le droit de mettre la pluie en avant pour tout expliquer, ce qui lui plaît et ce qui l’irrite, le charme du pays et le sourire figé de ses habitants.

Quelque chose de plus frappant encore que la pluie : l’absence de troupeaux. Point de vaches rentrant le soir du pâturage ou ruminant dans un pré en vous regardant avec un étonnement placide. Point de chevaux pris de gaîté dans un paddock. Point de chèvres grimpant partout, mordillant les ronces, dressées sur leurs pieds de derrière pour tirailler les branches basses d’un jeune arbre. Pas de porcs trottant et grognant à travers les routes. Pas de canards barbotant dans les ruisseaux, presque pas de poules autour des maisons. C’est une des choses qui font qu’on se sent exilé au Japon plus qu’ailleurs : partout, si on ne comprend pas les gens, on comprend du moins les bêtes ; sans avoir appris aucune langue étrangère, on sait où chaque animal aime à être gratté ; tout au moins prend-on plaisir à suivre des yeux ses mouvements familiers. Pas au Nippon. On n’entend pas meugler ni braire, le chevrotement de la chèvre ni le bêlement de la brebis n’appellent point le petit égaré. Les oiseaux mêmes chantent sur d’autres notes, et combien peu !

L’absence de bétail a une importance capitale à un point de vue autrement sérieux que le désappointement du voyageur qui passe. C’est une des plus fortes raisons que le Japonais a d’être autrement que nous. Sa mentalité ne peut pas être la nôtre parce qu’il n’a pas d’ancêtres pasteurs. Aryens ou sémites, tous nous descendons de peuples bergers : à l’aube de nos civilisations on trouve l’homme occupé du soin des troupeaux. Nomade ou déjà fixé, la plus grande partie de sa vie se passe à garder les animaux aux pâturages. Pendant les longues journées, il rêve ; les nuits à la belle étoile, il rêve encore ; il se groupe à la veillée pour raconter d’interminables histoires ; pour passer le temps, il coupe un roseau et s’en fait une flûte. Jamais le Japonais toujours courbé sur son petit carré de riz n’a eu le temps de rêver ; jamais ses yeux ne se sont perdus pendant des heures sur un horizon vague, écoutant inconsciemment les harmonies de la nature et se demandant ce qu’il y a plus loin. Jamais pendant les nuits étoilées il n’a eu l’occasion d’interroger ces points brillants, d’en observer le cours et de bâtir des hypothèses sur leur nature et leur raison d’être. On ne peut pas rester seul nuit après nuit sous les étoiles sans se perdre en conjectures sur elles et sans que l’idée d’une loi supérieure et d’un au-delà surgisse dans l’esprit. À qui est sans cesse en présence de la nature et obligé de rester inactif, la Grande Mère suggère bien des questions et de poétiques réponses ; elle s’anime et se personnifie. L’inaction et la vie dehors engendrent les spéculations sur la nature et l’origine des choses : la science et la philosophie. Le Japonais qui n’a pas de bêtes à garder sur le sommet de ses montagnes n’a jamais eu le temps de rêver à l’inconnu ; il n’a pas inventé d’astronomie et sa cosmogonie n’a pas dépassé l’acte sexuel. Son carré de riz ne pouvait lui enseigner que l’enchaînement de cause à effet avec la patience, la persévérance et la résignation. J’ai remarqué qu’il n’a pas de poème épique. D’où serait-il sorti ? Là-bas, pendant les longues veilles, les pâtres n’ont pas redit en les embellissant sans cesse ces contes qui, partis d’une banale histoire de vol de bétail, s’enflent jusqu’aux mythes qui feront pâlir plus tard le savant perplexe. Comme il n’a jamais eu de temps à perdre, il n’a pas essayé de reproduire, sur un chalumeau emprunté au prochain bocage, les harmonies qu’on n’entend qu’en les écoutant longtemps et il n’est pas devenu musicien[1]. Presque tous les mots importants, primitifs de nos langues, rappellent la vie pastorale, nos images familières encore plus. Nous usons sans cesse et sans y penser de métaphores empruntées à la garde et à l’élève des troupeaux. Nos idées de gens modernes, habitants des villes, industriels ou intellectuels, se sont coulées dans ce vieux moule, legs des lointains ancêtres inconnus. Rien n’est plus sûr que l’origine pastorale des mythes et de la poésie grecque ; ce sont les bergers de Chaldée qui ont observé et fixé le cours des astres, nous nous servons encore de leur division du temps en sept jours. La cosmogonie biblique — quelle que soit la valeur qu’on lui attribue — est toute pastorale, basée sur l’observation de la nature, qu’elle nous montre créée tout entière avant l’homme. Tandis qu’au Japon on ne trouve au commencement qu’un mâle et une femelle qui se rencontrent et s’accouplent. Le chef de troupeaux qui conduit ses bêtes à de nouveaux pâturages et les ramène a dû conclure aisément du retour périodique des astres qu’il y a derrière eux un grand berger invisible qui les dirige et les maintient en ordre. Ces grandes rêveries qui ont mené loin la pensée humaine, auxquelles on doit les grands livres, les observations exactes et les énormes constructions primitives, ont manqué au Japonais. Il n’a pas eu le temps de se perdre dans les spéculations abstraites parce qu’il fallait sans cesse arroser son champ, et il n’a pas été troublé par le ciel étoile parce que le cultivateur se retire sous un toit dès le soleil couché. Il n’a pas eu l’idée de personnifier la nature parce qu’il n’a jamais vécu dehors jour et nuit ; il l’a toujours tourmentée pour la cultiver ; il l’aime tendrement mais il la met en petits pots.

Je crois que cette différence radicale d’origine est au fond de cette incompréhension, de cette inaptitude à s’entendre, de ce manque de sympathie si évident entre Japonais et Européens. C’est tout ce vieux patrimoine de l’humanité aryenne, sémite, touranienne, même, qui manque à ce petit peuple isolé dans son île, courbé sur son petit champ, limité par ses petits canaux, qui ne connaît de dieux que ses parents morts, et d’idéal que son propre pays. Il reste en nous bien plus que nous ne croyons du vieux fonds pastoral et je n’en veux citer ici pour preuve que la facilité avec laquelle les citadins ruinés reprennent goût à la vie en pleine nature dans les steppes du Canada. Tout de suite des plantes humaines rétrécies, étiolées par des générations de vie artificielle se développent et s’épanouissent dans les grands espaces au milieu des immenses troupeaux. L’Australie est un témoignage imposant de la vitalité de cet ancien instinct primordial de notre race et de sa rapide réadaptation à la vie pastorale. Je ne crois pas que les Japonais se fassent cow-boys ni éleveurs de moutons.

Si l’absence de bétail fait le Japonais si différent de nous, c’est à elle qu’il faut attribuer le charme verdoyant du pays, les montagnes boisées jusqu’en haut, le manque de déserts. Qui dit troupeau, dit déprédation, ruine de la végétation, sécheresse concomitante et finalement désert. La dent rapace de l’animal, encouragée par la rapacité plus grande encore de l’homme qui le conduit, n’épargne rien et ne prévoit pas le lendemain. Regardez une carte et voyez ce que sont devenues les anciennes contrées pastorales : partout le désert. Pour nourrir les troupeaux il faut déboiser, quand on déboise il cesse de pleuvoir. Quand il ne pleut plus assez, la terre donne à peine une rare verdure, les troupeaux la broutent sans lui laisser le temps de se développer et il ne pleut plus du tout. Alors, c’est le sable ou le roc nu. On voit cela encore de nos jours en Algérie où les forêts disparaissent peu à peu malgré tous les efforts de l’État, sous la dent insidieuse des troupeaux arabes. Le Japon n’a pas eu à souffrir de cette plaie, il est délicieusement vert et il y pleut toujours… oh combien !

Jusqu’à aujourd’hui le Japon n’avait pas éprouvé le besoin de s’étendre par des colonies : c’est un trait curieux de caractère chez des insulaires que cette absence de ce qui fait les navigateurs. On ne connaît pas un voyageur japonais, pas une entreprise ayant pour but l’ouverture de relations d’échange avec un autre peuple, pas une exploration. Les Japonais paraissent être un peu parents des Javanais, pas trace de relations avec eux. Toute leur expansion est récente et imitée de l’Europe ; d’eux-mêmes, ils n’y pensaient point. Un peuple navigateur et colonisateur ne se fût pas laissé enclore pendant deux siècles et demi dans les limites de son archipel — difficile à garder, semble-t-il. S’il a enfin rompu sa chaîne, c’est qu’une escadre américaine a forcé le blocus. À supposer que le Japonais ait souffert de son isolement, — ce dont je doute — il a attendu qu’on lui apportât la liberté et qu’on la lui imposât de vive force.

Pourquoi les Japonais n’ont-ils jamais cherché à s’étendre ? On peut répondre : c’est qu’ils ne sont pas commerçants et c’est qu’ils se trouvent bien chez eux. C’est généralement le désir de gagner de l’argent qui fait s’aventurer les hommes loin de leur pays : les navigateurs de l’antiquité étaient surtout les Phéniciens et les Grecs, probablement avant eux les Égyptiens ; de nos jours, les Anglais. À remarquer ici que le mythe de la barque (arche) si répandu chez tous les anciens peuples manque dans la mythologie japonaise et c’est où on s’attendrait à le trouver d’abord, dans un archipel, et chez un peuple qui n’a pu arriver que par mer. Le Japon étant un pays pauvre par lui-même, si ses habitants se trouvent bien chez eux au point de n’avoir pas la velléité d’en sortir, c’est qu’ils sont modérés dans leurs désirs et c’est aussi que l’imagination ne les tourmente point. Ils ne sont pas poussés par cet indéfinissable besoin d’aller plus loin, cette hantise de l’inconnu, cette attirance de l’ailleurs, de voir ce qu’il y a derrière la montagne ou de l’autre côté de la mer. Car tous les navigateurs ne sont pas commerçants : les anciens Scandinaves étaient poussés par ce besoin d’aller en avant. Sans doute ils pillaient, mais il est probable que le plaisir de se risquer et de courir plus loin dépassait celui du pillage. Ni les Espagnols ni les Portugais qui ont découvert la moitié du monde ne sont de grands commerçants, l’esprit d’aventure les poussait. Rien de semblable chez le Japonais : ce n’est pas le soin de son individu qui le retient, nul peuple plus que lui ne méprise la mort, c’est bien l’élan qui fait défaut, la curiosité, l’inquiétude, si l’on veut. Encore une raison d’être tout différent de nous et incompréhensible. Au fond c’est parce qu’il a cette insouciance de l’au-delà, cette incuriosité de l’inconnu qu’il n’est pas religieux ; ce qui en lui l’empêche de tenter les longues aventures, l’empêche aussi de spéculer sur les causes premières et sur les problèmes de l’inconnaissable. Il a une corde de moins ou il est mieux équilibré ; le quelque chose en excès d’où jaillissent les grandes audaces du génie lui manque, mais il ne connaît pas les effroyables révoltes et les abîmes du désespoir. Sa lyre monte moins haut, mais n’est pas sujette à se détendre. Elle rend un son plus uni, plus soutenu, sans atteindre aux accents surhumains et sans tomber aux hoquets du délire. Le Japonais n’est pas le fils de Prométhée qui dérobait jusqu’au feu du ciel — très inutilement du reste — il est plutôt cousin de la fourmi, docile, infatigable, brave à la guerre et indifférente à la mort comme lui.

Est-ce là le Japon moderne, dira-t-on ? Comment concilier cette psychologie avec les guerres récentes et l’ubiquité soudaine de ce petit homme jaune que l’on voit partout ? Le Japon est un problème insoluble, une désolante énigme, son dernier avatar renverse tout son passé, il semble se renier lui-même en ce moment. Est-ce l’aurore de la grandeur de la race ? et tout le reste est-il balbutiement de l’enfance ? Ou est-ce l’explosion finale du feu qui va s’éteindre ?

En fait de prophétie, chacun vaticine selon l’inspiration de son propre esprit. De tout ce que j’ai cru comprendre du Japon je ne peux m’empêcher de conclure que l’époque actuelle doit être considérée comme une décadence et le commencement de la fin. Un peuple ne surgit pas ainsi du jour au lendemain sans racines dans le passé et en contradiction avec lui-même : celui-ci témoigne assurément d’une force surprenante, mais y a-t-il rien de plus puissant que les convulsions de l’agonie ? Ce qui me frappe surtout, c’est que tout ce qui a fait la gloire et le bonheur du pays jusqu’à présent est en voie de disparaître et pour être remplacé par des emprunts faits à des peuples dont on ne peut dire qu’ils soient à l’apogée de leur gloire ni de leur bonheur. Il n’est guère à supposer que les mêmes causes engendrent des effets différents et que ce qui ne réussit qu’à moitié — est-ce à moitié ? — dans l’Ouest réussira tout à fait dans l’Est ? Pourquoi ce qui engendre ici guerre de classes et démoralisation ferait-il naître en Extrême-Orient bien-être universel et moralité supérieure ? On a vu des peuples se renouveler, mais c’est en retournant aux sources, en se retrempant dans la saine nature, non en important la fumure intensive de civilisations décadentes qui ne se maintiennent elles-mêmes que parce que personne ne les attaque plus. Je me figure que quand l’effort superbe qui tend l’âme japonaise si au-dessus de son diapason faiblira, le vieux petit Japon heureux et résigné, artiste et pittoresque aura péri, et le Plus Grand Japon moins heureux succombera à son tour dans une lutte inégale. Toujours à la fin de la fable éclate la grenouille qui a voulu se faire aussi grosse que le bœuf, toujours le pot de terre, fût-il le chef-d’œuvre du potier, finit par tomber en morceaux.

  1. Remarquer que les plus belles voix du temps présent viennent d’Australie, pays d’élevage s’il en fût, et d’Amérique où il y a encore beaucoup de troupeaux.