Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre deuxième/Chapitre I

La bibliothèque libre.


CHAPITRE PREMIER.

Les Chamites.

Les premières traces de l’histoire certaine remontent à une époque antérieure à l’an 5000 avant la naissance de Jésus-Christ[1]. Vers cette date, la présence évidente des hommes commence à troubler le silence des siècles. On entend bourdonner les fourmilières des nations du côté de l’Asie inférieure. Le bruit se prolonge au sud, dans la direction de la péninsule arabique et du continent africain ; tandis que, vers l’est, partant des hautes vallées ouvertes sur les versants du Bolor[2], il se répercute, d’échos en échos, jusque vers les régions situées sur la rive gauche de l’Indus.

Les populations qui appellent d’abord nos regards sont de race noire.

Cette diffusion extrême de la famille mélanienne ne peut manquer de surprendre (1)[3]. Non contente du continent qui lui appartient tout entier, nous la voyons, avant la naissance d’aucune société, maîtresse et dominatrice absolue de l’Asie méridionale, et lorsque, plus tard, nous monterons vers le pôle nord, nous découvrirons encore d’anciennes peuplades du même sang, oubliées jusqu’à nos jours dans les montagnes chinoises du Kouenloun et au delà des îles du Japon. Si extraordinaire que le fait puisse paraître, telle fut pourtant, aux premiers âges, la fécondité de cette immense catégorie du genre humain (2)[4].

Soit qu’il faille la tenir pour simple ou composée (3)[5], soit qu’on la considère dans les régions brûlantes du midi ou dans les vallées glacées du septentrion, elle ne transmet aucun vestige de civilisation, ni présente ni possible. Les mœurs de ces peuplades paraissent avoir été des plus brutalement cruelles. La guerre d’extermination, voilà pour leur politique ; l’anthropophagie, voilà pour leur morale et leur culte. Nulle part, on ne voit ni villes, ni temples, ni rien qui indique un sentiment quelconque de sociabilité. C’est la barbarie dans toute sa laideur, et l’égoïsme de la faiblesse dans toute sa férocité. L’impression qu’en reçurent les observateurs primitifs, issus d’un autre sang, que je vais bientôt introduire sur la scène, fut partout la même, mêlée de mépris, de terreur et de dégoût. Les bêtes de proie semblèrent d’une trop noble essence pour servir de point de comparaison avec ces tribus hideuses. Des singes suffirent à en représenter l’idée au physique, et quant au moral, on se crut obligé d’évoquer la ressemblance des esprits de ténèbres (1)[6].

Tandis que le monde central était, jusque très avant dans le nord-est, inondé par de pareils essaims, la partie boréale de l’Asie, les bords de la mer Glaciale et l’Europe, presque en totalité, se trouvaient au pouvoir d’une variété toute différente (2)[7]. C’était la race jaune, qui, s’échappant du grand continent d’Amérique, s’était avancée à l’est et à l’ouest sur les bords des deux océans, et se répandait, d’un côté, vers le sud, où, par son hymen avec l’espèce noire, elle donnait naissance à la populeuse famille malaye, et, de l’autre, vers l’ouest, ce qui la conduisait sur les terres européennes encore inoccupées.

Cette bifurcation de l’invasion jaune démontre, d’une manière évidente, que les flots des arrivants rencontraient, sur leur front, une cause puissante qui les contraignait à se diviser. Ils étaient brisés, vers les plaines de la Mantchourie, par une digue forte et compacte, et bien du temps se passa avant qu’ils pussent inonder, à leur aise, les vastes régions centrales où campent, aujourd’hui, leurs descendants. Ils ruisselaient donc, en nombreux courants, sur les flancs de l’obstacle, occupant d’abord les contrées désertes, et c’est pour ce motif que les peuples jaunes devinrent les premiers possesseurs de l’Europe.

Cette race a semé ses tombeaux et quelques-uns de ses instruments de chasse et de guerre dans les steppes de la Sibérie, comme dans les forêts scandinaves et les tourbières des îles Britanniques (1)[8]. À prononcer d’après la façon de ces ustensiles, on ne saurait juger la race jaune beaucoup plus favorablement que les maîtres noirs du sud. Ce n’était pas alors, sur la plus grande partie de la terre, le génie, ni même l’intelligence, qui tenait le sceptre. La violence, la plus faible des forces, possédait seule la domination.

Combien de temps dura cet état de choses ? En un sens, la réponse est facile : ce régime se prolonge encore partout où les espèces noire et jaune sont demeurées à l’état tertiaire. Ainsi, cette ancienne histoire n’est pas spéculative. Elle peut servir de miroir à l’état contemporain d’une notable portion du globe. Mais de dire quand la barbarie a commencé, voilà ce qui dépasse les forces de la science. Par sa nature même elle est négative, parce qu’elle reste sans action. Elle végète inaperçue, et l’on ne peut constater son existence que le jour où une force de nature contraire se présente pour la battre en brèche. Ce jour fut celui de l’apparition de la race blanche au milieu des noirs. De ce moment seul, nous pouvons entrevoir une aurore planant au-dessus du chaos humain. Tournons-nous donc vers les origines de la famille d’élite, afin d’en saisir les premiers rayonnements.

Cette race ne paraît pas être moins ancienne que les deux autres. Avant ses invasions, elle vivait en silence, préparant les destinées humaines et grandissant, pour la gloire de la planète, dans une partie de notre globe qui, depuis, est redevenue bien obscure.

Il est, entre les deux mondes du nord et du sud, et, pour me servir de l’expression hindoue, entre le pays du midi, contrée de la mort, et le pays septentrional, région des richesses (1)[9], une série de plateaux qui semblent isolés du reste de l’univers, d’un côté par des montagnes d’une hauteur incomparable, de l’autre par des déserts de neige et une mer de glace (2)[10].

Là un climat dur et sévère semblerait particulièrement propre à l’éducation des races fortes, s’il en avait élevé ou transformé plusieurs. Des vents glacés et violents, de courts étés, de longs hivers, en un mot, plus de maux que de biens, rien de ce que l’on dit propre à exciter, à développer, à créer le génie civilisateur : voilà l’aspect de cette terre. Mais, à côté de tant de rudesse, et comme un véritable symbole des mérites secrets de toute austérité, le sol recouvre d’immenses richesses minérales. Ce pays redoutable est, par excellence, le pays des richesses et des pierres fines (3)[11]. Sur ses montagnes habitent des animaux à fourrures et à lainage précieux, et le musc, cette production si chère aux Asiatiques, devait un jour en sortir. Tant de merveilles restent pourtant inutiles quand des mains habiles ne sont pas là pour les dévoiler et leur donner leur prix.

Mais ce n’étaient ni l’or, ni les diamants, ni les fourrures, ni le musc, dont ces régions devaient tirer leur gloire : leur honneur incomparable, c’est d’avoir élevé la race blanche.

Différente, tout à la fois, et des sauvages noirs du sud et des barbares jaunes du nord, cette variété humaine, bornée, dans ses débuts, à la part du monde la plus restreinte, la moins fertile, devait évidemment conquérir le reste, s’il était dans les desseins de la Providence que ce reste fût jamais mis en valeur. Un tel effort dépassait trop absolument le pouvoir des misérables multitudes maîtresses du tout. La tâche semble d’ailleurs tellement difficile, même pour les blancs, que cinq mille années n’ont pas encore suffi à son entier accomplissement.

La famille prédestinée ne peut, comme ses deux servantes, qu’être très obscurément définie. Elle porta partout de grandes similitudes, qui autorisent et forcent même à la ranger, tout entière, sous une même dénomination : celle, un peu vague et très incomplète, de race blanche. Comme, en même temps, ses principales ramifications trahissent des aptitudes assez diverses et se caractérisent facilement à part, on peut juger qu’il n’y a pas d’identité complète dans les origines de l’ensemble ; et, de même que la race noire et les habitants de l’hémisphère boréal présentent, dans le sein de leurs espèces respectives, des différences bien tranchées, il est vraisemblable aussi que la physiologie des blancs offrait, dès le principe, une semblable multiplicité de types. Plus tard nous rechercherons les traces de ces divergences. Ne nous occupons ici que des caractères communs.

Le premier examen en met en lumière un bien important : la race blanche ne nous apparaît jamais à l’état rudimentaire où nous voyons les autres. Dès le premier moment, elle se montre relativement cultivée et en possession des principaux éléments d’un état supérieur, qui, développé, plus tard, par ses rameaux multiples, aboutira à des formes diverses de civilisation.

Elle vivait encore réunie dans les pays reculés de l’Asie septentrionale, qu’elle jouissait déjà des enseignements d’une cosmogonie que nous devons supposer savante, puisque les peuples modernes les plus avancés n’en ont pas d’autre, que dis-je ? n’ont que des fragments de cette science antique consacrée par la religion (1)[12]. Outre ces lumières sur les origines du monde, les blancs gardaient le souvenir des premiers ancêtres, tant de ceux qui avaient succédé aux Noachides, que des patriarches antérieurs à la dernière catastrophe cosmique. On serait en droit d’en induire que, sous les trois noms de Sem, de Cham et de Japhet, ils classaient non pas tous nos congénères, mais uniquement les branches de la seule race considérée par eux comme véritablement humaine, c’est-à-dire de la leur. Le mépris profond qu’on leur connut, plus tard, pour les autres espèces en serait une preuve assez forte.

Lorsqu’on a appliqué le nom de Cham, tantôt aux Égyptiens, tantôt aux races noires, on ne l’a fait qu’arbitrairement dans un seul pays, dans des temps relativement récents et par suite d’analogies de sons qui ne présentent rien de certain et ne suffisent pas à une étymologie sérieuse.

Quoi qu’il en soit, voilà ces peuples blancs, longtemps avant les temps historiques, pourvus, dans leurs différentes branches, des deux éléments principaux de toute civilisation : une religion, une histoire.

Quant à leurs mœurs un trait saillant en est resté : ils ne combattaient pas à pied, comme, probablement, leurs grossiers voisins du nord et de l’est. Ils s’élançaient contre leurs ennemis, montés sur des chariots de guerre, et, de cette habitude conservée, unanimement, par les Égyptiens, les Hindous, les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Galls, on est en droit de conclure un certain raffinement dans la science militaire, qu’il eût été impossible d’atteindre sans la pratique de plusieurs arts compliqués, tels que le travail du bois, du cuir, la connaissance des métaux, et le talent de les extraire et de les fondre. Les blancs primitifs savaient, aussi, tisser des étoffes (1)[13] pour leur habillement et vivaient réunis et sédentaires dans de grands villages (2)[14], ornés de pyramides, d’obélisques et de tumulus de pierre ou de terre.

Ils avaient su réduire les chevaux en domesticité. Leur mode d’existence était la vie pastorale. Leurs richesses consistaient en troupeaux nombreux de taureaux et de génisses (3)[15]. L’étude comparée des langues, d’où jaillissent, chaque jour, tant de faits curieux et inattendus, paraît établir, d’accord avec la nature de leurs territoires, qu’ils ne s’adonnaient que peu à l’agriculture (4)[16]. Voilà donc une race en possession des vérités primordiales de la religion, douée à un haut degré de la préoccupation du passé, sentiment qui la distinguera toujours et qui n’illustrera pas moins les Arabes et les Hébreux que les Hindous, les Grecs, les Romains, les Gaulois et les Scandinaves. Habile dans les principaux arts mécaniques, ayant assez médité déjà sur l’art militaire pour en faire quelque chose de plus que les rixes élémentaires des sauvages, et souveraine de plusieurs classes d’animaux soumises à ses besoins, cette race se montre à nous, placée vis-à-vis des autres familles humaines, sur un tel degré de supériorité, qu’il nous faut, dès à présent, établir, en principe, que toute comparaison est impossible par cela seul que nous ne trouvons pas trace de barbarie dans son enfance même. Faisant preuve, à son début, d’une intelligence bien éveillée et forte, elle domine les autres variétés incomparablement plus nombreuses, non pas encore en vertu d’une autorité acquise sur ces rivales humiliées, puisque aucun contact notable n’a eu lieu, mais déjà de toute la hauteur de l’aptitude civilisatrice sur le néant de cette faculté.

Le moment d’entrer en lutte arriva vers la date indiquée plus haut. Cinq mille ans pour le moins avant notre ère, le territoire occupé par les tribus blanches fut franchi. Poussées probablement par des masses parentes qui commençaient, elles-mêmes, à s’ébranler dans le nord sous la pression des peuples jaunes, les nations de cette espèce qui se trouvaient placées le plus au sud, abandonnèrent leurs demeures antiques, traversèrent les contrées basses, connues des Orientaux sous le nom de Touran (1)[17], et, attaquant à l’ouest les races noires qui leur barraient le passage, parurent en dehors des limites qu’elles n’avaient encore jamais touchées ni même jamais vues.

Cette descente primordiale des peuples blancs est celle des Chamites, et développant, ici, ce que j’indiquais quelques pages plus haut, je réclamerai contre l’habitude, peu justifiée à mon sens, de déclarer ces multitudes primitivement noires. Rien dans les témoignages anciens, n’autorise à considérer le patriarche, auteur de leur descendance, comme souillé par la malédiction paternelle, des caractères physiques des races réprouvées. Le châtiment de son crime ne se développa qu’avec le temps, et les stigmates vengeurs ne s’étaient pas encore réalisés à cet instant où les tribus chamites se séparèrent du reste des nations noachides.

Les menaces mêmes dont l’auteur de l’espèce blanche, dont le père sauvé des eaux a flétri une partie de ses enfants, confirment mon opinion. D’abord, elles ne s’adressent pas à Cham lui-même, ni à tous ses descendants. Puis, elles n’ont qu’une portée morale, et ce n’est que par une induction très forcée que l’on a pu leur attribuer des conséquences physiologiques. « Maudit soit Chanaan, dit le texte, il sera serviteur des serviteurs de ses frères (1)[18] ».

Les Chamites arrivèrent ainsi flétris d’avance dans leur destinée et dans leur sang. Pourtant, l’énergie qu’ils avaient empruntée au trésor des forces particulières à la nature blanche ne leur en permit pas moins de fonder plusieurs vastes sociétés. La première dynastie assyrienne, les patriciats des cités de Chanaan, sont les monuments principaux de ces âges éloignés, dont le caractère se trouve, en quelque sorte, résumé dans le nom de Nemrod (1)[19].

Ces grandes conquêtes, ces courageuses et lointaines invasions, ne pouvaient être pacifiques. Elles s’exerçaient aux dépens de peuplades de la variété la plus inepte, mais aussi la plus féroce  : de celle qui appelle davantage l’abus de la contrainte. Naturellement portée à résister à ces étrangers irrésistibles qui venaient la dépouiller, elle leur opposa l’incurable sauvagerie de son essence, et les obligea à ne compter que sur l’emploi incessant de leur vigueur. Elle n’était pas à convertir, puisqu’il lui manquait l’intelligence nécessaire pour être persuadée. Il fallait donc n’en pas espérer une participation réfléchie à l’œuvre civilisatrice, et se contenter de plier ses membres à devenir les machines animées appliquées au labeur social.

Ainsi que je l’ai déjà annoncé, l’impression éprouvée par les Chamites blancs, à la vue de leurs hideux antagonistes, est peinte des mêmes couleurs dont les conquérants hindous ont plus tard revêtu leurs ennemis locaux, frères de ceux-là. Ce sont, pour les nouveaux venus, des êtres féroces et d’une taille gigantesque. Ce sont des monstres également redoutables par leur laideur, leur vigueur et leur méchanceté. Si la première conquête fut difficile, et par l’épaisseur des masses attaquées, et par leur résistance, soit furieuse, soit stupidement inerte, le maintien des États qu’inaugurait la victoire ne dut pas exiger moins d’énergie. La compression devint l’unique moyen de gouvernement. Voilà pourquoi Nemrod, dont je citais le nom tout à l’heure, fut un grand chasseur devant l’Éternel (1)[20].

Toutes les sociétés issues de cette première immigration révélèrent le même caractère de despotisme altier et sans bornes.

Mais, vivant en despotes au milieu de leurs esclaves, les Chamites donnèrent bientôt naissance à une population métisse. Dès lors, la position des anciens conquérants devint moins éminente, et celle des peuples vaincus moins abjecte.

L’omnipotence gouvernementale ne pouvait pourtant rien perdre de ses prérogatives, trop conformes, par leur nature excessive, à l’esprit même de l’espèce noire. Aussi n’y eut-il aucune modification dans l’idée qu’on se faisait de la façon et des droits de régner. Seulement, le pouvoir, désormais, s’exerça à un autre titre que celui de la supériorité du sang. Son principe fut limité à ne plus supposer que des préexcellences de familles et non plus de peuples. L’opinion qu’on avait du caractère des dominateurs commença cette marche décroissante, qui toujours s’accomplit dans l’histoire des nations mêlées.

Les anciens Chamites blancs allèrent se perdant chaque jour, et finirent par disparaître. Leur descendance mulâtre, qui pouvait très bien encore porter leur nom comme un titre d’honneur, devint par degrés, un peuple saturé de noir. Ainsi le voulaient les branches génératrices les plus nombreuses de leur arbre généalogique. De ce moment, le cachet physique qui devait faire reconnaître la postérité de Chanaan et la réserver à la servitude des enfants plus pieux, était à jamais imprimé sur l’ensemble des nations formées par l’union trop intime des conquérants blancs avec leurs vaincus de race mélanienne.

En même temps que cette fusion matérielle s’opérait, une autre toute morale avait lieu, qui achevait de séparer, à jamais, les nouvelles populations métisses de l’antique souche noble, à laquelle elles ne devaient plus qu’une partie de leur origine. Je veux parler du rapprochement entre les langages. Les premiers Chamites avaient apporté du nord-est un dialecte de cet idiome originellement commun aux familles blanches, dont il est encore aujourd’hui si facile de reconnaître les vestiges dans les langues de nos races européennes. À mesure que les tribus immigrantes s’étaient trouvées en contact avec les multitudes noires, elles n’avaient pas pu empêcher leur langage naturel de s’altérer ; et quand elles se trouvèrent alliées de plus en plus avec les noirs, elles le perdirent tout à fait. Elles l’avaient laissé envahir par les dialectes mélaniens de façon à le défigurer.

À la vérité, nous ne sommes pas complètement en droit d’appliquer, péremptoirement, aux langues de Cham les réflexions que suggère ce que nous connaissons du phénicien et du libyque. Beaucoup d’éléments, développés postérieurement par les migrations sémitiques, se sont infusés dans ces idiomes métis, et on pourrait objecter que les apports nouveaux possédèrent un autre caractère que celui des langues formées d’abord par les Chamites noirs. Je ne le crois cependant pas. Ce que nous savons du chananéen, et l’étude des dialectes berbères, paraissent révéler un système commun de langage imbu de l’essence qu’on a appelée sémitique, à un degré supérieur à ce qu’en possèdent les langues sémitiques elles-mêmes, par conséquent s’éloignant davantage des formes appartenant aux langues des peuples blancs, et conservant ainsi moins de traces de l’idiome typique de la race noble. Je ne fais pas difficulté, pour ma part, de considérer cette révolution linguistique comme une conséquence de la presque identification avec les peuples noirs, et je donnerai plus bas mes raisons.

Le Chamite était dégénéré  : le voilà au sein de sa société d’esclaves, entouré par elle, dominé par son esprit, tandis qu’il domine lui-même sa matière, engendrant, de ses femmes noires, des fils et des filles qui portent, de moins en moins, le cachet des antiques conquérants. Cependant, parce qu’il lui reste quelque chose du sang de ses pères, il n’est pas un sauvage, il n’est pas un barbare. Il maintient debout une organisation sociale qui, depuis tant de siècles qu’elle a disparu, laisse encore tomber sur l’imagination du monde l’ombre de quelque chose de monstrueux et d’insensé, mais de non moins grandiose.

Le monde ne saurait plus rien voir de comparable, par les effets, aux résultats du mariage des Chamites blancs avec les peuples noirs. Les éléments d’une pareille alliance n’existent nulle part, et il n’est pas étonnant que, dans la production si fréquente des hybrides des deux espèces, rien ne représente plus au physique ni au moral l’énergie de la première création Si l’élément noir a généralement assez conservé de la pureté pour montrer des qualités à peu près analogues à celles de ses plus anciens types, il n’en est pas de même du blanc. L’espèce ne se retrouve nulle part dans sa valeur primitive. Nos nations les plus dégagées d’alliages ne sont que des résultats très décomposés, très peu harmoniques, d’une série de mélanges, soit noirs et blancs comme, au midi de l’Europe, les Espagnols, les Italiens, les Provençaux ; soit jaunes et blancs comme, dans le nord, les Anglais, les Allemands, les Russes. De sorte que les métis, produits d’un père soi-disant blanc, dont l’essence originelle est déjà si modifiée, ne saurait nullement s’élever à la valeur ethniquement possédée par les Chamites noirs.

Chez ces hommes, l’hymen s’était accompli entre des types également et complètement armés de leur vigueur et de leur originalité propres. Le conflit des deux natures avait pu s’accuser fortement dans leurs fruits et y portait ce caractère de vigueur, source d’excès aujourd’hui impossibles. L’observation de faits contemporains en fournit une preuve concluante : lorsqu’un Provençal ou un Italien donne le jour à un hybride mulâtre, ce rejeton est infiniment moins vigoureux que lorsqu’il est né d’un père anglais. C’est qu’en effet le type blanc de l’Anglo-Saxon, quoique loin d’être pur, n’est pas du moins affaibli d’avance par des séries d’alluvions mélaniennes comme celui des peuples du sud de l’Europe, et il peut transmettre à ses métis une plus grande part de la force primordiale. Cependant, je le répète, il s’en faut que le plus vigoureux mulâtre actuel équivaille au Chamite noir d’Assyrie, qui, la lance à la main, faisait trembler tant de nations esclaves.

Pour présenter de ce dernier un portrait ressemblant, je ne trouve rien de mieux que de lui appliquer le récit de la Bible sur certains autres métis plus anciens encore que lui, et dont l’histoire trop obscure et en partie mythique ne doit pas trouver place dans ces pages. Ces métis sont les êtres antédiluviens donnés comme fils des Caïnites et des anges. Ici il est indispensable de se débarrasser de l’idée agréable dont les notions chrétiennes ont revêtu le nom de ces créatures mystérieuses. L’imagination chananéenne, origine de la notion mosaïque, ne prenait pas les choses ainsi. Les anges étaient, pour elle, comme, du reste, pour les Hébreux, des messagers de la divinité, sans doute, mais plutôt sombres que doux, plutôt animés d’une grande force matérielle que représentant une énergie purement idéale. À ce titre, on se les imaginait sous des formes monstrueuses et propres à inspirer l’épouvante, non pas la sympathie (1)[21].

Lorsque ces créatures robustes se furent unies aux filles des Caïnites, il en naquit des géants (2)[22] dont on peut juger le caractère par le morceau littéraire le plus ancien, peut-être, du monde, par cette chanson, que disait à ses femmes un des descendants du meurtrier d’Abel, parent probablement bien proche de ces redoutables métis :

« Entendez ma voix, femmes de Lamech ; écoutez ma parole  : De même « que j’ai tué un homme pour une blessure et un enfant pour un affront, de « même la vengeance septuple de Caïn sera pour Lamech soixante-dix-sept fois septuple[23] ! »

Voilà, je m’imagine, ce qui peint le mieux les Chamites noirs, et je me laisserais aller aisément à voir un rapport étroit de similitude entre le mélange d’où ils sont sortis et l’hymen maudit des aïeules de Noé avec cet autre type inconnu que la pensée primitive relégua, non sans quelque horreur, dans un rang surnaturel.



  1. L’opinion de Klaproth (Asia polyglotta) ne les reporte pas plus haut que l’an 3000 ; mais d’autres chronologistes sont plus larges dans leur estimation, entre autres M. Lepsius, dans ses travaux sur l’Égypte. Il rend l’opinion de Klaproth tout à fait inadmissible, puisqu’il fait remonter une classe entière de monuments égyptiens à l’an 4000. (Lepsius, Briefe über Ægypten, Æthiopien und der Halbinsel des Sinaï ; Berlin, 1852). Je n’ai pas, du reste, à m’occuper d’un tel problème. Il importe peu à mon sujet. Je ne prétends ici qu’à fixer, à peu près, la pensée du lecteur.
  2. J’entends désigner la chaîne qui, s’attachant à l’Hindou-Kho septentrional, remonte au nord, coupe le Thian-Chan et incline à l’ouest vers le lac Kabankoul. (Voir M. A. de Humboldt, Asie centrale, carte.)
  3. (1) Il résulte, des plus récentes découvertes opérées dans le centre et le sud de l’Afrique, que les populations de cette partie du monde ont été étrangement agitées et déplacées à des époques inconnues. (Voir dans la Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes et dans la Zeitschrift der deutschen morgenlændischen Gesellschaft, les travaux de Pott, d’Ewald et du missionnaire protestant Krapf.)
  4. (2) Sur les habitants noirs du Kouenloun, voir Ritter, Erdkunde, Asien ; Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 391. — On trouve encore d’autres noirs à cheveux crépus et laineux dans le Kamaoun, où ils s’appellent Rawats et Rajeh. C’est, probablement, une branche des Thums du Népal. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. II, p. 1044.) — Dans l’Assam, au sud du district de Queda, habitent les Samang, sauvages à cheveux crépus, ressemblant du reste aux Papouas de la Nouvelle-Guinée (Ritter, ouvr. cité, t. III, p. 1131.) — À Formose, autres nègres ressemblant aux Haraforas. (Ritter, t. III, p. 879.) — Kæmpfer parle d’habitants noirs dans les îles au sud du Japon (p. 81.) — Elphinstone (Account of the kingdom of Cabul, p. 493) mentionne dans le Sedjistan, sur le lac Zareh, la présence d’une peuplade nègre, etc.
  5. (3) Elle comptait, certainement, plusieurs variétés, puisque la note précédente indique des nègres à cheveux crépus dans le Kamaoun, dans l’Assan, etc., tandis que la plupart des nègres asiatiques ont les cheveux plats. M. Lassen a donc eu tort de dire (Indische Alterthumskunde, t. I, p. 390) que les nègres asiatiques n’ont pas les cheveux laineux des Africains ni le ventre saillant des Pélagiens. C’est une race très mélangée, un type tertiaire incontestable et qui tient, par tous les côtés, aux familles africaines et océaniennes.
  6. (1) Deuteron., II, 9. « Filiis Loth tradidi Ar in possessionem, 10. Enim primi fuerunt habitatores ejus, populus magnus, et validus, et tam excelsus, ut de Enacim Stirpe, 11. Quasi gigantes crederentur. » Et encore dans le même livre : « 20. Terra gigantum reputata est, et in ipsa olim habitaverunt gigantes quos Ammonitæ vocant Zomzommim, 21. Populus magnus, et multus et proceræ longitudinis, sicut Enacim. » (Voir, plus bas, la note sur les Chorréens.)
  7. (2) Les nègres affectionnent les généalogies qui commencent, non pas au soleil, ni à la lune, mais aux bêtes. Les Sahos, sur la mer Rouge, non loin de Massowa, se disent descendus, à la treizième génération, d’un certain Aa’saor, آعسور fils d’une lionne et habitant des montagnes. Le choix de l’animal est, cette fois, assez noble, il faut l’avouer. Les fréquents contacts avec les Arabes ont produit quelque ennoblissement de l’imagination. (Voir Ewald, Ueber die Sahosprache in Æthiopien, dans la Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes. (t. V, p. 13.)
  8. Prichard, Histoire naturelle de l’homme (trad. de M. Roulin), t. I, p. 259.
  9. (1) Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I.
  10. (2) A. de Humboldt, Asie centrale, t. I.
  11. (3) A. de Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 389. — « Les recherches des dernières années et la conviction que l’on a obtenue de la richesse métallique que possède encore de nos jours l’Asie boréale, jusque dans la région des plaines, nous conduit presque involontairement aux Issédons, aux Arimaspes et à ces griffons, gardiens de l’or, auxquels Aristée de Proconnèse et, deux cents ans après lui, Hérodote, ont donné une si grande célébrité. J’ai visité ces vallons où, à la pente méridionale de l’Oural, on a trouvé, il n’y a que quinze ans, à peu de pouces sous le gazon, et très rapprochées les unes des autres, des masses arrondies d’or, d’un poids de 13, de 16 et de 24 livres. Il est assez probable que des masses plus volumineuses encore ont existé jadis à la surface même du sol, sillonnée par les eaux courantes. Comment donc s’étonner que cet or, analogue aux blocs erratiques, ait été recueilli par des peuples chasseurs ou pasteurs, etc. » C’est le Hataka, le pays de l’or de la géographie mythologique des Hindous. Les trésors y sont abondants et gardés par des gnomes appelés Guhyakas (de guh, cacher), dans lesquels on reconnaît les Finnois, les mineurs à la taille ramassée. Nous leur verrons jouer le même rôle chez les Scandinaves. (Lassen, Ind. Alterth., t. II, p. 62.)
  12. (1) Suivant Ewald, les Sémites reconnaissent, comme leur lieu commun d’origine, le haut pays du nord-est, c’est-à-dire le lieu d’où sortirent les Zoroastriens. Il existe aussi, entre les premiers peuples de l’Asie intérieure et les Arians, des traditions communes qui ont devancé la formation des systèmes idiomatiques respectifs, tels que les quatre âges du monde, les dix ancêtres primitifs, le déluge, etc. (Lassen, Indisch. Alterth., t. I, p. 528 ; Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. I, p. 304)
  13. (1) Lassen, Indisch. Alterth., t. I, p. 815.
  14. (2) Id., ibid., t. I, p. 816.
  15. (3) Il semble que l’existence pastorale ait d’abord été inventée par l’espèce blanche. Ce qui l’indiquerait, c’est que plusieurs familles jaunes ont ignoré l’usage du lait, et cela dans un état de civilisation avancée. Les habitants de certaines parties de la Chine et de la Cochinchine ne traient jamais leurs vaches. Les Aztèques ne pratiquent même pas la domestication des animaux. (Voir Prescott, History of the conquest of Mejico, t. III, p. 257 ; et A. de Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, t. III, p. 58.)
  16. (4) Les méthodes que l’on a employées pour tirer, en quelque sorte, du néant ces renseignements, que l’on pourrait appeler l’histoire antéhistorique, ne sont pas sans analogie avec les ingénieux travaux des géologues, et, trouvées par non moins de sagacité et d’acutesse d’esprit, elles conduisent à des résultats aussi précis, aussi incontestables, et tels que les annales positives sont loin de les donner toujours. Ainsi, de ce qu’on rencontre l’usage du char de guerre chez tous les peuples que j’ai énumérés, on conclut, et avec toute raison, que cette mode guerrière était pratiquée par les rameaux blancs d’où sont descendus les Égyptiens, les Hindous, les Galls. En effet, l’idée de combattre en voiture n’est pas de ces notions essentielles qui, comme celles de manger et de boire, viennent indifféremment à toutes les créatures, sans consultation ni entente préalable. D’autre part, c’est une de ces découvertes compliquées qui, une fois faites et jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par de plus heureuses, ou entravées dans leur application par des circonstances locales, persistent dans les nations et contribuent à leur luxe comme à leur force. On a pu préciser de la même manière le genre de vie des populations blanches primitives. L’examen des langues qu’on nomme indo-germaniques a fait reconnaître dans le sanscrit, le grec, le latin, les dialectes celtiques et slaves, une parfaite identité de termes pour tout ce qui touche à la vie pastorale et aux habitudes politiques. C’est en considérant les mots de près et dans leurs racines qu’on a appris de quelles idées découlaient les notions simples ou complexes que ces mots étaient chargés de reproduire. On a trouvé que, pour nommer un bœuf, un cheval, un chariot, une arme, les blancs primitifs avaient des expressions qui sont demeurées inébranlablement attachées au lexique de la plupart des langues de la même famille. Les habitudes guerrières et pastorales avaient donc chez eux de profondes racines. En même temps, on remarquait, dans toutes ces langues, la diversité des formes employées pour tout ce qui ressort de l’agriculture, comme les noms des végétaux et des instruments aratoires. Le travail de la terre est donc une invention postérieure aux séparations de la grande famille, etc. En poursuivant le même travail étymologique, on a de même connu ce que les blancs primitifs entendaient par un Dieu ; l’idée qu’emportaient, pour eux, le mot roi, celui de chef. L’étude comparée des idiomes a donné, ainsi, trois grands résultats à l’histoire : 1° la preuve de la parenté des nations blanches les plus séparées par les distances géographiques ; 2° l’état commun dans lequel ces nations vivaient antérieurement à leurs migrations ; 3° la démonstration de leur précoce sociabilité et de ses caractères.
  17. (1) M. A. de Humboldt fait observer que les contrées à l’est de la Caspienne subissent une dépression considérable (Asie centrale, t. I, p. 31). Le passage est intéressant ; le voici tout entier : « Ces deux grandes masses (le monde anglo-hindou et le monde russe-sibérien) ou divisions politiques ne communiquent, depuis des siècles, que par les basses régions de la Bactriane, je pourrais dire par la dépression du sol qui entoure l’Aral et le bord oriental de la Caspienne entre Balkh et Astrabad, comme entre Tachkend et l’isthme de Troukhmènes. C’est une bande de terrains, en partie très fertile, à travers laquelle l’Oxus a tracé son cours... C’est le chemin de Delhy, de Lahore et de Kaboul à Khiva et à Orenbourg... La dépression du sol asiatique, sur laquelle des mesures très récentes et de la plus haute précision ont rectifié les notions, se prolonge sans doute aussi au delà du rivage occidental de la Caspienne ; mais en descendant du plateau de la Perse par Tebriz et par Erivan (plateau de 600 à 700 toises d’élévation), vers Tiflis, on rencontre la chaîne du Caucase touchant presque au bassin des deux mers et offrant une route militaire très fréquentée, qui a 7530 pieds de hauteur. »
  18. (1) Genèse, ch. IX, v. 25 : « Ait : Maledictus Chanaan, servus servorum erit fratribus suis. » Jamais l’expression de Chanaan n’a indiqué un peuple nègre ni même complètement noir. Elle s’applique, historiquement, à des populations métisses inclinant, sans doute, vers l’élément mélanien, mais non pas identiques avec lui, et la Vulgate a parfaitement établi le fait en reproduisant rigoureusement le terme hébreu (hébreu) et non pas (hébreu) de sorte qu’il n’est même pas possible de se méprendre au sens du passage. D’ailleurs, si l’on veut un commentaire, il se trouve clair et précis au chap. XX, v. 5, de l’Exode, où il est dit : « Ego sum Dominus Deus tuus fortis, zelotes, visitans iniquitatem patrum in filios, in tertiam et quartam generationem eorum qui oderunt me. » La punition des coupables dans la décadence de leur famille est trop fréquemment racontée par les livres saints pour que je ne sois pas dispensé d’en fournir ici tous les exemples. Je conclus que la Bible ne déclare pas que Cham, personnellement, sera noir, ni même esclave, mais seulement que Chanaan, c’est-à-dire un des fils de Cham, sera un jour dégradé dans son sang, dans sa noblesse, et réduit à servir ses cousins. — J’ajouterai encore une dernière observation. La postérité de Cham ne s’est pas bornée au seul Chanaan. Le patriarche eut encore trois fils, outre celui-là : Chus, Mesraïm et Phuth (Gen., X, 6), et le texte ne dit nullement qu’ils aient été atteints par la malédiction. N’y a-t-il pas quelque chose de singulier dans un récit qui respecte le vrai coupable et la plus grande partie de sa postérité, pour ne faire tomber les effets vengeurs du crime que sur un seul membre de la famille, Chanaan, sur celui-là même qui se trouva en compétition territoriale et religieuse avec les enfants d’Israël ? Il s’agirait donc ici bien moins d’une question physiologique que d’une haine politique.
  19. (1) M. le colonel Rawlinson pense que Nemrod est un mot collectif, participe passif régulier d’un verbe assyrien, et signifie : ceux qui sont trouvés ou les colons, les premiers possesseurs, c’est-à-dire, ici, les premiers habitants blancs de la basse Chaldée. (Rawlinson, Report of the Royal Asiatic Society, 1852, p. XVII.)
  20. (1) Movers, das Phoenizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 271.
  21. (1) Tels étaient, par exemple, les chérubins à tête de bœuf. Gesénius les définit ainsi : « (hébreu) in Hebræcorum theologia natura quædam sublimior et cœlestis cujus formam ex humana, bovina, leonina et aquilina (quæ tria animalia cum homine potentiæ et sapientiæ symbola sunt), compositam sibi fingebant. » (Lexicon manuale hebraïcum et chaldaïcum.)
  22. (2) Gen., VI. 2, 4. : « Videntes filii Dei filias hominum quod essent pulchræ, acceperunt sibi uxores ex omnibus quas elegerant... Gigantes autem erant super terram in diebus illis. Postquam enim ingressi sunt filii Dei ad filias hominum, illæque genuerunt, isti sunt potentes a sæculo viri famosi. »
  23. Gen., IV, 23, 24 : « Dixitque Lamech uxoribus suis Adæ et Sellæ : Audite vocem meam, uxores Lamech, auscultate sermonem meum. — Quoniam occidi virum in vulnus meum et adolescentulum in livorem meum, septuplum ultio dabitur de Caïn ; de Lamech vero septuagies septies. » — Le sel de cette composition ne consiste pas seulement dans la rudesse du sentiment. Il y a encore là plus d’orgueil que d’esprit de vengeance. Dieu, en condamnant Caïn, n’avait cependant pas voulu le punir de mort, et il l’avait couvert de sa protection, en déclarant que celui qui le tuerait serait puni au septuple. Lamech se mettait au-dessus même de son aïeul, objet de la vénération de la famille, en promettant soixante-dix-sept fois plus de châtiment à ses agresseurs.