Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre troisième/Chapitre VI

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CHAPITRE VI.

Les origines de la race blanche.

De même qu’on a vu, à côté des civilisations assyrienne et égyptienne, des sociétés de mérite secondaire se former à l’aide d’emprunts faits à la race civilisatrice, de même l’Inde et la Chine sont entourées d’une pléiade d’États, dont les uns sont formés sur le norme hindou, dont les autres s’efforcent d’approcher, d’aussi près que possible, l’idéal chinois, tandis que les derniers se balancent entre les deux systèmes.

Dans la première catégorie, on doit placer Ceylan et, très anciennement, Java, aujourd’hui musulmane (1)[1], plusieurs des îles de l’archipel, comme Bali (2)[2], Sumatra, puis d’autres.

Dans la seconde, il faut mettre le Japon, la Corée, le Laos au dernier rang.

La troisième comprend, avec des modifications infinies dans la mesure où est acceptée chacune des deux civilisations contendantes, le Népaul, le Boutan, les deux Thibets, le royaume de Ladakh, les États de l’Inde transgangétique et une partie de l’archipel de la mer des Indes, de telle sorte que, d’île en île, de groupe en groupe, les populations malaises ont fait circuler jusqu’à la Polynésie des inventions chinoises ou hindoues, qui vont s’effaçant davantage à mesure que le mélange avec le sang de l’une des deux races initiatrices diminue.

Nous avons vu Ninive rayonner sur Tyr, et, par Tyr, sur Carthage, inspirer les Himyarites, les enfants d’Israël, et perdre d’autant plus son action sur ces pays, que l’identité des races était plus troublée entre eux et elle. Pareillement nous avons vu l’Égypte envoyer la civilisation à l’Afrique intérieure. Les sociétés secondaires de l’Asie présentent, avec le même spectacle, l’observation rigoureuse des mêmes lois.

À Ceylan, à Java, à Bali, des émigrations brahmaniques très anciennes apportèrent le genre de culture particulier à l’Inde et le système des castes. Ces colonisations, de plus en plus restreintes, à mesure que les rivages du Dekkhan s’éloignaient, s’échelonnèrent aussi en mérite. Les plus lointaines, où le sang hindou était en moindre abondance, furent aussi les plus imparfaites (1)[3].

Longtemps avant l’arrivée des Arians, des invasions de peuples jaunes étaient venues modifier le sang des aborigènes noirs, et les métis malais, en plusieurs lieux, avaient même commencé déjà à se substituer aux tribus purement mélaniennes. Ce fut une raison déterminante pour que les sociétés dérivées, formées plus tard sous l’influence des métis blancs, ne ressemblassent pas, malgré tous les efforts des initiateurs, à celle des pays où la race noire pure servait de base. Le naturel malais, plus froid, plus raisonneur, plus apathique, s’accommoda mal de la séparation des castes, et aussitôt qu’apparut le bouddhisme, cette religion grossière réussit vite à s’implanter au milieu des multitudes à demi jaunes. Quels succès ne devait-elle pas obtenir auprès de celles dont les éléments étaient plus libres encore de principes mélaniens. Ceylan et Java restèrent longtemps les citadelles de la foi de Bouddha. Comme le principe arian hindou existait dans ces deux îles, le culte de Sakya y resta assez noble. Il construisit de beaux monuments à Java, témoins ceux de Boro-Budor, de Madjapahit, de Brambanan, et, ne s’écartant pas trop, ne dégénérant pas d’une manière complète des données intellectuelles qui font la gloire de l’Inde, il donna naissance à une littérature remarquable, où se trouvaient mêlées les idées brahmaniques et celles du nouveau système religieux. Plus tard, Ceylan et Java reçurent des colonisations arabes. L’islamisme y fit de grands progrès, et le sang malais, ainsi modifié et relevé par les immigrations brahmaniques, bouddhiques et sémitiques, ne rentra jamais dans l’humilité des autres peuples de sa race.

Au Japon, les apparences sont chinoises, et un grand nombre d’institutions ont été apportées par plusieurs colonies venues originairement, et à différentes époques, du Céleste Empire. Il y existe aussi des éléments ethniques tout différents et qui amènent des divergences sensibles. Ainsi, l’État est encore féodal, l’humeur des nobles héréditaires est restée belliqueuse. Le double gouvernement laïque et ecclésiastique ne se fait pas obéir sans peine. La politique soupçonneuse de la Chine, à l’égard des étrangers, a été adoptée par le Koubo, qui prend grand soin d’isoler ses sujets du contact de l’Europe. Il paraît que l’état des esprits lui donne raison, et que, taillés sur un tout autre modèle que ceux de la Chine, ses administrés, doués d’une façon dangereuse, sont âpres aux nouveautés. Le Japon semble donc entraîné dans le sens de la civilisation chinoise par les résultats des nombreuses immigrations jaunes, et en même temps il y résiste par l’effet de principes ethniques qui n’appartiennent pas au sang finnois. En effet, il existe certainement dans la population japonaise une forte dose d’alliage noir, et peut-être même quelques éléments blancs dans les hautes classes de la société (1)[4]. De sorte que, les premiers faits de l’histoire de cette contrée ne remontant pas bien haut, seulement 660 ans avant J.-C., le Japon serait à peu près aujourd’hui dans la situation où la Chine se trouva sous la direction des descendants des kschattryas réfractaires, jusqu’à l’empereur Tsin-chi-hoang-ti. Ce qui confirmerait l’idée que des colonies de race blanche ont civilisé primitivement la population malaise qui fait le fond de ce pays, c’est qu’on y retrouve exactement, aux débuts de l’histoire, les mêmes récits mythiques qu’en Assyrie, en Égypte et même à la Chine, quoique d’une manière plus marquée encore. Les premiers souverains antérieurs à l’époque positive sont des dieux, puis des demi-dieux. Je m’explique le développement d’imagination poétique accusé par la nature de cette tradition, développement qui serait incompréhensible chez un peuple jaune pur, par une certaine prédominance d’éléments mélaniens. Cette opinion n’est pas une hypothèse. On a vu plus haut que Kaempfer constate la présence des noirs dans une île au nord du Japon, peu de siècles avant son voyage, et, au sud du même point, il invoque le témoignage des annales écrites pour établir le même fait (2)[5]. Ainsi s’expliqueraient les particularités physiologiques et morales qui créent l’originalité japonaise (1)[6].

Il n’y a pas, du reste, à s’y tromper : ce coin du monde si peu connu, beaucoup plus mystérieux que son prototype chinois, recèle la solution des questions ethnographiques les plus hautes. Quand il sera permis de l’aborder, de l’étudier en paix, d’y comparer les races, de faire rayonner les observations sur les archipels qui le touchent au nord, on trouvera, sur ce sol, bien des secours décisifs pour l’éclaircissement de ce que les origines américaines présentent de plus ardu.

La Corée est, de même que le Japon, une copie de la Chine, moins intéressante toutefois. Comme le sang arian n’est arrivé dans ces parages reculés que par communication très indirecte, il n’y a produit que des efforts d’imitation bien maladroits. Le Laos, je l’ai déjà fait entrevoir, est encore au-dessous, et, encore plus bas, se place la population de l’archipel Lieou-kieou (2)[7].

Les contrées où les deux principes, hindou et chinois, se partagent les sympathies des populations, sont également étrangères à la plus belle conquête des civilisations qu’elles vénèrent, la stabilité. Rien de plus mouvant, de plus variable, que les idées, les doctrines, les mœurs de ces territoires. Cette mobilité n’a rien à reprocher à la nôtre. Dans les terres transgangétiques, les peuples sont malais, et leurs nationalités se brouillent en nuances imperceptibles autant qu’innombrables, suivant que les éléments jaunes ou noirs dominent. Lorsqu’une invasion de l’est donne la prépondérance aux premiers, l’esprit brahmanique recule, et c’est la situation des derniers siècles, dans bien des provinces, où des ruines imposantes et de pompeuses inscriptions en caractères dévanagaris proclament encore l’antique domination de la race sanscrite, ou, du moins, des bouddhistes chassés par elle.

Quelquefois aussi le principe blanc reprend le dessus. Ainsi, ses missions poursuivent, en ce moment, de véritables succès dans l’Assam (1)[8], les États annamitiques (2)[9], chez les Birmans (3)[10]. Au Népaul, des invasions modernes ont également donné de la puissance au brahmanisme, mais quel brahmanisme ! Aussi imparfait que la race jaune a pu le rendre.

Au nord, vers le centre des chaînes de l’Hymalaya, dans ce dédale de montagnes où les deux Thibets ont établi les sanctuaires du bouddhisme lamaïque, commencent les imitations inadmissibles des doctrines de Sakya qui atteignent, en s’altérant, jusqu’aux rivages de la mer Glaciale, presque jusqu’au détroit de Behring.

Des invasions arianes, de différentes époques, ont laissé, au fond de ces montagnes, de nombreuses tribus mêlées de près au sang jaune. C’est là qu’il faut chercher la source de la civilisation thibétaine et la cause de l’éclat qu’elle a jeté. L’influence chinoise est venue, de bonne heure, combattre sur ce terrain le génie de la famille hindoue, et, soutenue par la majorité des éléments ethniques, elle a naturellement beaucoup gagné de terrain et en gagne chaque jour davantage.

La culture hindoue est en perte visible autour de Hlassa (1)[11].

Plus haut, vers le nord, elle cesse bientôt d’apparaître, lorsque s’ouvrent les steppes parcourues par les grandes nations nomades de l’Asie centrale. La contrefaçon des idées chinoises règne seule, dans ces froides régions, avec un bouddhisme réformé, à peu près complètement dépouillé d’idées hindoues.

Je ne saurais trop le répéter : on s’est représenté comme beaucoup plus barbares qu’ils ne le sont, et surtout qu’ils ne l’étaient, ces puissants amas d’hommes qui ont influé si fort, sous Attila, sous Djen-ghiz-khan, à l’époque de Timour le Boiteux, sur les destinées du monde, même du monde occidental. Mais, en revendiquant plus de justice pour les cavaliers jaunes des grandes invasions, je conviens que leur culture manquait d’originalité et que les constructeurs étrangers de tous ces temples, de tous ces palais, dont les ruines couvrent les steppes mongoles, demeurant isolés au milieu des guerriers qui leur demandaient et leur payaient l’emploi de leurs talents, venaient généralement de la Chine. Cette réserve faite, je puis dire qu’aucun peuple n’a poussé plus loin que les Kirghizes l’amour de l’imprimerie et de ses productions. Des princes, sans grande renommée et d’une puissance médiocre, Ablaï, entre autres, ont semé le désert de monastères bouddhiques, aujourd’hui en décombres. Plusieurs de ces monuments offraient, jusque dans le siècle dernier, où l’académicien Müller les visita (1)[12], le spectacle de leurs grandes salles dévastées depuis des années, à moitié démantelées et sans toits ni fenêtres, pourtant toutes remplies encore de milliers de volumes. Les livres tombés sur le sol, par suite de la rupture des tablettes moisies qui les supportaient jadis, fournissaient des bourres pour les fusils et du papier pour coller les fenêtres, à toutes les tribus nomades et aux Cosaques des environs (2)[13].

D’où avaient pu provenir cette persévérance, cette bonne volonté pour la civilisation, chez les multitudes belliqueuses du XVIe siècle, menant une existence des plus dures, des plus hérissées de privations, sur une terre improductive ? Je l’ai dit plus haut : d’un mélange antique de ces races avec quelques rameaux blancs perdus (3)[14].

C’est maintenant l’occasion de toucher un problème qui va prendre, tout à l’heure, les proportions les plus imposantes et faire presque reculer l’audace de l’esprit.

J’ai cité, dans le chapitre précédent, les noms de six nations blanches connues des Chinois pour avoir résidé, à une époque relativement récente, sur leurs frontières du nord-ouest et de l’est. Par ces mots, relativement récente, j’indique le IIe siècle avant notre ère.

Ces nations ont toutes eu des destinées ultérieures qui sont connues.

Deux d’entre elles, les Yue-tchi et les Ou-soun, habitant sur la rive gauche du Hoang-ho, contre la lisière du désert de Gobi, furent attaquées par les Huns, Hioung-niou, peuple de race turque, venu du nord-est. Obligées de céder au nombre, et séparées dans leurs retraites, elles allèrent se fixer, les Yue-tchi, un peu plus bas vers le sud-ouest, et les Ou-soun, assez loin dans la même direction, sur le versant septentrional du Thian-chan (1)[15].

La redoutable progression des masses ennemies ne les laissa pas longtemps jouir en paix de leur patrie improvisée. Au bout de douze ans les Yue-tchi furent accablés de nouveau. Ils traversèrent le Thian-chan, longèrent le nouveau pays des Ou-soun et vinrent s’abattre au sud, sur le Sihoun, dans la Sogdiane. Là se trouvait une nation blanche comme eux, appelée les Szou par les Chinois, et que les historiens grecs nomment les Gètes ou Hindo-Scythes. Ce sont les Khétas du Mahabharata, les Ghats actuels du Pendjab, les Utsavaran-Kétas du Kachemyr occidental. Ces Gètes, attaqués par les Yue-tchi, leur cédèrent la place, et reculèrent sur la monarchie métisse et dégénérée des Bactriens-Macédoniens. L’ayant renversée, ils fondèrent, au milieu de ses débris, un empire qui ne laissa pas que de devenir assez important.

Pendant ce temps, les Ou-soun avaient résisté avec bonheur aux assauts des hordes hunniques. Ils s’étaient étendus sur les rives de la rivière Yli, et y avaient établi un État considérable. Comme chez les Arians primitifs, leurs mœurs étaient pastorales et guerrières, leurs chefs portaient ce titre que la transcription chinoise fait prononcer kouen-mi ou houen-mo, et dans lequel on retrouve aisément la racine du mot germanique kunig (2)[16]. Les demeures des Ou-soun étaient sédentaires.

La prospérité de cette nation courageuse s’éleva rapidement. L’an 107 avant J.-C., c’est-à-dire 170 ans après la migration, l’établissement de ce peuple offrait assez de solidité pour que la politique chinoise crût devoir s’en faire un appui contre les Huns. Une alliance étroite fut formée entre l’empereur et le kouen-mi des Ou-soun, et une princesse vint, du royaume du Milieu, partager la puissance du souverain blanc et porter le titre de kouen-ti (queen) (1)[17].

Mais l’esprit d’indépendance personnelle et de fractionnement, propre à la race ariane, décida trop tôt du sort d’une monarchie qui, exposée à d’incessantes attaques, aurait eu besoin d’être fortement unie pour y faire tête. Sous le petit-fils de la reine chinoise, la nation se partagea en deux branches, régies par des chefs différents, et, à la suite de cette scission malencontreuse, la partie du nord se vit bientôt accablée par des barbares jaunes, appelés les Sian-pi, qui, accourant en grand nombre, chassèrent les habitants. D’abord les fugitifs se retirèrent vers l’ouest et le nord. Après être restés dans leur asile pendant quatre cents ans, ils furent de nouveau expulsés et dispersés. Une fraction chercha un refuge au delà du Jaxartes, sur les terres de la Transoxiane ; le reste gagna vers l’Irtisch et se retira dans la steppe des Kirghizes, où, en 619 de notre ère, étant tombé sous la sujétion des Turcs, il s’allia à ses vainqueurs et disparut (2)[18].

Pour l’autre branche des Ou-soun, elle fut absorbée par les envahisseurs, et se mêla à eux comme l’eau d’un lac à celle du grand fleuve qui la traverse.

À côté des Ou-soun et des Yue-tchi, quand ils habitaient sur le Hoang-ho, vivaient d’autres peuples blancs. Les Ting-ling occupaient le pays à l’occident du lac Baïkal ; les Khou-te tenaient les plaines à l’ouest des Ou-soun ; les Chou-le s’étendaient vers la contrée plus méridionale où est aujourd’hui Kaschgar ; les Kian-kouan ou Ha-kas montaient vers le Jénisseï où, plus tard, ils se sont fondus avec les Kirghizes. Enfin, les Yan-thsaï, Alains-Sarmates, touchaient à l’extrémité septentrionale de la mer Caspienne (1)[19].

On n’a pas perdu de vue qu’il s’agit ici de l’an 177 ou 200 avant J.-C. On a remarqué aussi que tous ceux des peuples blancs que je viens de nommer, quand ils ont pu se maintenir, ont fondé des sociétés : tels les Szou ou Khétas, les Ou-soun et les Yan-thsaï ou Alains. Je passe à une nouvelle considération qui se déduit de ce qui précède.

Puisque la race noire occupait, dans les temps primordiaux, et avant la descente des nations blanches, la partie australe du monde, ayant pour frontières, en Asie, tout au moins la partie inférieure de la mer Caspienne d’une part, de l’autre les montagnes du Kouen-loun, vers le 36° degré de latitude nord, et les îles du Japon sous le 4° à peu près ; que la race jaune, à la même époque, antérieurement à toute apparition des peuples blancs dans le sud, se trouvait avancée au moins jusqu’au Kouen-loun, et, dans la Chine méridionale, jusqu’au rivage de la mer Glaciale, tandis que, dans les pays de l’Europe, elle allait jusqu’en Italie et en Espagne, ce qui suppose l’occupation préalable du nord (2)[20] ; puisque, enfin, la race blanche, en apparaissant sur les crêtes de l’Imaüs et se laissant voir sur les limites du Touran, envahissait des terres qui lui étaient toutes nouvelles ; pour toutes ces raisons, il est bien évident, bien incontestable, bien positif que les premiers domaines de cette race blanche doivent être cherchés sur les plateaux du centre de l’Asie, vérité déjà admise, mais de plus, qu’on peut les délimiter d’une manière exacte. Au sud, ces territoires ont leur frontière depuis le lac Aral jusqu’au cours supérieur du Hoang-ho, jusqu’au Khou-khou-noor. À l’ouest, la limite court de la mer Caspienne aux monts Ourals. À l’est, elle remonte brusquement en dehors du Kouen-loun vers l’Altaï. La délimitation au nord semble plus difficile ; cependant nous allons, tout à l’heure, la chercher et la trouver.

La race blanche était très nombreuse, le fait n’est pas contestable (1)[21]. J’en ai donné ailleurs les preuves principales. Elle était, de plus, sédentaire et, de plus, malgré les émissions considérables de peuples qu’elle avait faites au dehors de ses frontières, plusieurs de ses nations restèrent encore dans le nord-ouest de la Chine, longtemps après que la race jaune eut réussi à rompre la résistance du tronc principal, à le briser, à le disperser et à s’avancer à sa place dans l’Asie australe. Or, la position qu’occupent, au IIe siècle avant notre ère, les Yue-tchi et les Ou-soun, sur la rive gauche du Hoang-ho, en tirant vers le Gobi supérieur, c’est-à-dire sur la route directe des invasions jaunes, vers le centre de la Chine, a de quoi surprendre, et l’on pourrait la considérer comme forcée, comme étant le résultat violent de certains chocs qui auraient repoussé les deux rameaux blancs d’un territoire plus ancien et plus naturellement placé, si la position relative des six autres nations que j’ai aussi nommées, n’indiquait pas que tous ces membres de la grande famille dispersée se trouvaient réellement chez eux et formaient le jalonnement des anciennes possessions de leur race, au temps de la réunion. Ainsi, il y avait eu extension primitive des peuples blancs au delà du lac Khou-khou-noor vers l’est, tandis qu’au nord ces mêmes peuples touchaient encore, à une époque assez basse, au lac Baïkal et au cours supérieur du Jénisseï. Maintenant que toutes les limites sont précisées, il y a lieu de chercher si le sol qu’elles embrassent ne renferme plus aucun débris matériel, aucune trace, qui puissent se rapporter à nos premiers parents. Je sais bien que je demande ici des antiquités presque hyperboliques. Cependant la tâche n’est pas chimérique en présence des découvertes curieuses et entourées de tant de mystères qui eurent l’honneur, au dernier siècle, d’attirer l’attention de l’empereur Pierre le Grand, et de donner, en sa personne, une preuve de plus de cette espèce de divination qui appartient au génie.

Les Cosaques, conquérants de la Sibérie à la fin du XVIe siècle, avaient trouvé des traînées de tumulus soit de terre, soit de pierres, qui, au milieu de steppes complètement désertes, accompagnaient le cours des rivières. Dans l’Oural moyen, on en rencontrait aussi. Le plus grand nombre était de grandeur médiocre. Quelques-uns, magnifiquement construits en blocs de serpentin et de jaspe, affectaient la forme pyramidale et mesuraient jusqu’à cinq cents pieds de tour à la base (1)[22].

Dans le voisinage de ces sépultures, on remarquait, en outre, des restes étendus de circonvallations, des remparts massifs, et, ce qui est encore aujourd’hui d’une grande utilité pour les Russes, d’innombrables travaux de mines sur tous les points riches en or, en argent et en cuivre (2)[23].

Les Cosaques et les administrateurs impériaux du XVIIe siècle auraient fait peu d’attention à ces restes d’antiquités inconnues, sauf, peut-être, les ouvertures de mines, si une circonstance intéressante ne les avait captivés. Les Kirghizes étaient dans l’habitude d’ouvrir ces tombeaux, beaucoup d’entre eux en faisaient même un métier, et ce n’était pas sans raison. Ils en extrayaient, en grande quantité, des ornements ou des instruments d’or, d’argent et de cuivre. Il ne paraît pas que le fer s’y soit jamais montré. Dans les monuments construits pour le commun peuple, la trouvaille était de médiocre valeur ; aussi les chasseurs kirghizes ont-ils laissé subsister, jusqu’à nos jours, un grand nombre de ces constructions. Mais les plus belles, celles qui annonçaient, chez le mort, du rang ou de la richesse, ont été bouleversées sans pitié, non sans profit, car dans leur sein l’or a été recueilli avec profusion.

Les Cosaques prirent bientôt leur part de ces opérations destructives ; mais Pierre le Grand, l’ayant appris, défendit de fondre ni de détruire les objets déterrés dans les excavations, et ordonna de les lui envoyer à Saint-Pétersbourg. C’est ainsi que fut formé, dans cette capitale, le curieux musée des antiquités tchoudes, précieux par la matière et plus encore par la valeur historique. On appela ces monuments tchoudes ou daours, honneur peu mérité qu’on faisait aux Finnois, faute de connaître les véritables auteurs.

Les découvertes ne devaient pas se borner là. Bientôt on s’aperçut qu’on n’avait pas vu tout. À mesure qu’on avançait vers l’est, on trouvait des tombeaux par milliers, des fortifications, des mines. Dans l’Altaï, on remarqua même des restes de cités, et, de proche en proche, on put se convaincre que ces mystérieuses traces de la présence de l’homme civilisé embrassaient une zone immense, puisqu’elles s’étendaient depuis l’Oural moyen jusqu’au cours supérieur de l’Amour, prenant ainsi toute la largeur de l’Asie et couvrant de marques irrécusables d’une haute civilisation ces terribles plaines sibériennes aujourd’hui désertes, stériles et désolées. Vers le sud, on ne connaît pas la limite des monuments. À Semipalatinsk, sur l’Irtisch, dans le gouvernement de Tomsk, les campagnes sont hérissées de puissantes accumulations de terre et de pierres. Sur le Tarbagataï et la Chaïnda, des débris de cités nombreuses laissent contempler encore des ruines colossales (1)[24].

Voilà les faits. À leur suite se présente cette question : à quels peuples nombreux et civilisés ont appartenu ces fortifications, ces villes, ces tombeaux, ces instruments d’or et d’argent ?

Pour obtenir une réponse, il faut ici procéder d’abord par exclusion. On ne saurait penser à attribuer toutes ces merveilles aux grands empires jaunes de la haute Asie. Eux aussi ont laissé des marques de leur existence. On les connaît, ces marques, et ce ne sont pas celles-là. Elles ont une tout autre apparence, une autre disposition. Il n’y a pas moyen de les confondre avec celles dont il est question ici. De même pour les restes de la grandeur passagère de certaines peuplades, comme les Kirghizes. Les couvents bouddhiques d’Ablaï-kitka ont leur caractère, qui ne saurait être confondu avec celui des constructions tchoudes (1)[25].

Les temps modernes ainsi mis hors de cause, cherchons dans les temps anciens à quelle nation nous pouvons nous adresser. M. Ritter insinue que les habitants de ce mystérieux et vaste empire septentrional pourraient bien avoir été les Arimaspes d’Hérodote.

Je me permettrai de résister à l’opinion du grand érudit allemand, qui ne fait d’ailleurs qu’offrir cette solution sans paraître lui-même convaincu de sa valeur. Pour s’y tenir, il faudrait, ce me semble, forcer le texte du père de l’Histoire. Que dit-il ? Il raconte qu’au-dessus des Hindous demeurent les Arimaspes, et il décrit les Arimaspes ; mais au-dessus des Arimaspes résident les Gryphons, plus loin encore les Hyperboréens. Tous ces peuples sont les mêmes nations à demi fantastiques dont les poètes de l’Inde peuplent l’Uttara-Kourou (2)[26]. Je ne vois aucun motif d’attribuer à ces fantômes, qui cachent d’ailleurs des peuples réels et, sans nul doute, de race blanche, ce que l’on doit reporter à de vrais hommes. On serait plus près de la vérité en ne voyant dans les Issédons, les Arimaspes, les Gryphons, les Hyperboréens, que des fragments de l’antique société blanche, des peuples apparentés aux Arians zoroastriens, aux Sarmates (1)[27]. Ce qui appuie cette opinion, c’est que jusqu’ici les géographes avaient placé ces tribus en cercle autour de la Sogdiane et nullement dans le nord sibérien. C’est le vrai sens d’Hérodote, et rien ne porte à y être infidèle. De plus, les récits d’Aristée de Proconnèse, tels qu’Hérodote les rapporte, ont trait à une époque où les nations blanches de l’Asie étaient trop divisées, trop poursuivies pour pouvoir fonder de grandes choses, et laisser des traces d’une civilisation étendue sur de si immenses contrées.

Si ces peuples avaient été aussi puissants que M. Ritter le suppose, les Chinois n’auraient pu éviter de très nombreux rapports avec eux, et les Grecs, qui savaient de si belles choses de ces Chinois, que je ne fais pas difficulté de reconnaître dans les Argippéens chauves, sages et essentiellement pacifiques (1)[28], auraient donné également des détails plus minutieux et plus exacts sur des faits aussi frappants que ceux dont les monuments tchoudes proclament l’existence. Il ne me paraît donc nullement possible qu’au VIe siècle avant J.-C. tout le centre de l’Asie ait été la possession d’un grand peuple cultivé, s’étendant du Iénisséi à l’Amour, dont ni les Chinois, ni les Grecs, ni les Perses, ni les Hindous n’auraient jamais eu ni vent ni nouvelles, tous persuadés, au contraire, à l’exception des premiers, qui ont le privilège de ne rêver à rien, qu’il fallait peupler ces régions inconnues de créatures à moitié mythologiques.

Si l’on ne peut pas accorder de telles œuvres au temps d’Hérodote, comme il n’est pas possible non plus de les reporter, après lui, à l’époque d’Alexandre, par exemple, où ce prince, s’étant avancé jusqu’à l’extrémité de la Sogdiane, n’aurait rien appris des merveilles du nord, ce qui est inadmissible, il faut, de toute nécessité, se plonger intrépidement dans ce que l’antiquité a de plus reculé, de plus noir, de plus ténébreux, et ne pas hésiter à voir dans les contrées sibériennes le séjour primitif de l’espèce blanche, alors que les nations diverses de cette race, réunies et civilisées, occupaient des demeures voisines les unes des autres, alors qu’elles n’avaient pas encore de motifs de quitter leur patrie, et de s’éparpiller pour aller en chercher une autre au loin.

Tout ce qu’on a exhumé des tombeaux et des ruines tchoudes ou daouriennes confirme ce sentiment. Les squelettes sont toujours ou presque toujours accompagnés de têtes de chevaux. On observe à côté d’eux une selle, une bride, des étriers, des monnaies marquées d’une rose, des miroirs de cuivre, rencontre si commune parmi les reliques chinoises et étrusques, si fréquente encore sous les yourtes tongouses où ces instruments servent aux opérations magiques. Ils se trouvent abondamment dans les plus pauvres tombeaux daouriens (2)[29]. Chose plus remarquable : au siècle dernier, Pallas aperçut sur un monument en forme d’obélisque et sur des pierres tumulaires des inscriptions étendues. Un vase retiré d’un sépulcre en portait une également, et W. G. Grimm n’hésite pas à signaler entre les caractères de ces inscriptions et les runes germaniques, non pas une identité complète, mais une ressemblance imméconnaissable (1)[30]. J’arrive au trait frappant, concluant, selon moi : au nombre des ornements les plus fréquents, comme les cornes de bélier, de cerf, d’élan, d’argali, en métal, or ou cuivre, le sujet le plus ordinaire, le plus répété, c’est le sphinx. Il se trouve au manche des miroirs et même taillé en relief sur des pierres (2)[31].

Il sied bien aux énigmatiques habitants de la Sibérie antique de s’être rendu justice devant la postérité, en lui léguant, comme leur plus parfait emblème, le symbole de l’impénétrable. Mais, trop prodigué, le sphinx finit par se révéler lui-même. Comme nous le trouvons chez les Perses sculpté aux murailles de Persépolis, comme nous le rencontrons en Égypte s’étendant silencieux en face du désert, et que sur les croupes du Cithéron des Grecs il erre encore tandis qu’Hérodote, ce soigneux observateur, le voit chez les Arimaspes, il devient possible de poser la main sur l’épaule de cette créature taciturne, et de lui dire, sinon qui elle est, du moins le nom de son maître. Elle appartient évidemment en commun à la race blanche. Elle fait partie de son patrimoine, et bien que le secret de ce qu’elle signifie n’ait pas encore été pénétré, on est autorisé à déclarer que, là où on l’aperçoit, là furent aussi des peuples arians.

Ces steppes du nord de l’Asie, aujourd’hui si tristes, si désertes, si dépeuplées, mais non pas stériles, comme on le croit généralement (1)[32], sont donc le pays dont parlent les Iraniens, l’Airyanemvaëgo, berceau de leurs aïeux. Ils racontaient eux-mêmes qu’il avait été frappé d’hiver par Ahriman, et qu’il n’avait pas deux mois d’été. C’est l’Uttara-Kourou de la tradition brahmanique, région située, suivant elle, à l’extrême nord, où régnait la liberté la plus absolue pour les hommes et pour les femmes ; liberté réglée cependant par la sagesse, car là habitaient les Rischis, les saints de l’ancien temps (2)[33]. C’est l’Hermionia des Hellènes, patrie des Hyperboréens, des gens de l’extrême nord, macrobiens, dont la vie était longue, la vertu profonde, la science infinie, l’existence heureuse. Enfin, c’était cette contrée de l’est dont les Suèves germaniques ne parlaient qu’avec un respect sans bornes, parce que, disaient-ils, elle était possédée par leurs glorieux ancêtres, les plus illustres des hommes, les Semnons (3)[34].

Ainsi, voilà quatre peuples arians qui, depuis la séparation de l’espèce, n’ont jamais communiqué ensemble, et qui s’accordent à placer dans le fond du nord, à l’est de l’Europe, le premier séjour de leurs familles. Si un pareil témoignage était repoussé, je ne sais plus sur quelle base solide pourrait compter l’histoire.

La terre de Sibérie garde donc dans ses solitudes les vénérables monuments d’une époque bien autrement ancienne que celle de Sémiramis, bien autrement majestueuse que celle de Nemrod. Ce n’est ni l’argile, ni la pierre taillée, ni le métal fondu que j’en admire. Je réfléchis que, dans une antiquité aussi haute, la civilisation que je constate touche de près aux âges géologiques, à cette époque encore troublée par les révoltes d’une nature mal soumise qui a vu la mise à sec de la grande mer intérieure dont le désert de Gobi faisait le fond. C’est vers le soixantième siècle avant J.-C. que les Chamites et les Hindous apparaissent au seuil du monde méridional. Il ne reste donc plus pour atteindre la limite que la religion et les sciences naturelles semblent imposer à l’âge du monde qu’un ou deux milliers d’années environ, et c’est pendant cette période que se développa avec une vigueur dont les preuves sont nombreuses et patentes un perfectionnement social qui ne laisse pas le moindre espace de durée à une barbarie primitive. Ce que j’ai répété plusieurs fois déjà sur la sociabilité et la dignité innées de l’espèce blanche, je crois que je viens de l’établir définitivement ici, et, en écartant, en repoussant dans un néant inexorable l’homme sauvage, le premier homme des philosophes matérialistes, celui dont le spectre constamment évoqué sert à combattre ce que les institutions sociales ont de plus respectable et de plus nécessaire, en chassant définitivement dans les kraals des Hottentots et jusqu’au fond des cabanes tongouses, et par delà encore, dans les cavernes des Pélagiens, cette misérable créature humaine qui n’est pas des nôtres, et qui se dit fille des singes, oublieuse d’une origine meilleure bien que défigurée, je ne fais autre chose que d’accepter ce que les découvertes de la science apportent de confirmation aux antiques paroles de la Genèse.

Le livre saint n’admet pas de sauvages à l’aurore du monde. Son premier homme agit et parle, non pas en vertu de caprices aveugles, non pas au gré de passions purement brutales, mais conformément à la règle préétablie, appelée par les théologiens loi naturelle, et qui n’a d’autre source possible que la révélation, asseyant ainsi la morale sur un sol plus solide et plus immuable que ce droit ridicule de chasse et de pêche proposé par les docteurs du socialisme. J’ouvre la Genèse, et, au second chapitre, si les deux ancêtres sont nus, c’est qu’ils sont dans l’état d’innocence : « c’est », dit le livre saint, « qu’ils ne le prennent point à honte. » Aussitôt que l’état paradisiaque cesse, je ne vois pas les auteurs de l’espèce blanche se mettre à vaguer dans les déserts. Ils reconnaissent immédiatement la nécessité du travail, et ils la pratiquent. Immédiatement ils sont civilisés, puisque la vie agricole et les habitudes pastorales leur sont révélées. La pensée biblique est si ferme sur ce point, que le fondateur de la première ville est Caïn, le fils du premier homme, et cette ville porte le nom d’Hénoch, le petit-fils d’Adam (1)[35].

Inutile de débattre ici la question de savoir si le récit sacré doit être entendu dans un sens littéral ou de toute autre façon : ce n’est pas de mon sujet. Je me borne à constater que, dans la tradition religieuse, qui est en même temps le récit le plus complet des âges primitifs de l’humanité, la civilisation naît, pour ainsi dire, avec la race, et cette donnée est pleinement confirmée par tous les faits qu’on peut grouper à l’entour.

Encore un mot sur l’espèce jaune. On la voit, dès les âges primordiaux, retenue par la digue épaisse et puissante que lui oppose la civilisation blanche, contrainte, avant d’avoir pu surmonter l’obstacle, de se partager en deux branches et d’inonder l’Europe et l’Asie orientale, en se coulant le long de la mer Glaciale, de la mer du Japon et des plages de la Chine. Mais il n’est pas possible de supposer, à voir quelles masses effrayantes se pressaient, au second siècle avant J.-C., dans le nord de la Mongolie actuelle, que ces multitudes aient pris naissance et continuassent à se former uniquement dans les misérables territoires des Tongouses, des Ostiaks, des Yakouts, et dans la presqu’île du Kamtschatka.

Tout indique, en conséquence, que le siège originaire de cette race se trouve sur le continent américain. J’en déduis les faits suivants :

Les peuples blancs, isolés d’abord, à la suite des catastrophes cosmiques, de leurs congénères des deux autres espèces, et ne connaissant ni les hordes jaunes ni les tribus noires, n’eurent pas lieu de supposer qu’il existât d’autres hommes qu’eux. Cette manière de juger, loin d’être ébranlée par le premier aspect des Finnois et des nègres, s’en confirma au contraire. Les blancs ne purent s’imaginer voir des êtres égaux à eux dans ces créatures qui, par une hostilité méchante, une laideur hideuse, une inintelligence brutale et le titre de fils de singes qu’elles revendiquaient, semblaient se repousser d’elles-mêmes au rang des animaux. Plus tard, quand vinrent les conflits, la race d’élite flétrit les deux groupes inférieurs, surtout les peuplades noires, de ce nom de barbares, qui resta comme le témoignage éternel d’un juste mépris.

Mais à côté de cette vérité se trouve encore celle-ci, que la race jaune, assaillante et victorieuse, tombant précisément au milieu des nations blanches, devint semblable à un fleuve qui traverse et détruit des gisements aurifères : il charge son limon de paillettes, et s’enrichit lui-même. Voilà pourquoi la race jaune apparaît si souvent, dans l’histoire, à demi civilisée et relativement civilisable, importante au moins comme instrument de destruction, tandis que l’espèce noire, plus isolée de tout contact avec la famille illustre, reste plongée dans une inertie profonde.



  1. (1) Le commencement de l’ère javanaise de Aje-Saka reporte les souvenirs au temps de Sâliwâhana, et répond à l’année 78 après J.-C. Ce fut une époque de civilisation brahmanique, nais non pas de première civilisation de ce genre. Ce ne fut que le renouvellement et comme un rajeunissement d’une domination hindoue beaucoup plus ancienne qui avait vu l’île occupée par des nègres pélagiens fort abrutis. Le Fo-koue-ki raconte que les navigateurs chinois trouvèrent ces aborigènes horriblement laids et sales, avec les cheveux semblables au « gazon naissant. » Ils se nourrissaient de vermine. La loi brahmanique de Java a conservé le souvenir de cet état de choses par la défense formelle qu’elle adresse aux personnes d’un rang élevé de ne manger ni chiens, ni rats, ni couleuvres, ni lézards, ni chenilles. Il semblerait que le brahmanisme n’a jamais pu s’établir à l’état pur dans l’île. Le bouddhisme ne fut pas plus heureux. Au commencement du XVIIe siècle de notre ère, les Javanais adoptèrent l’islamisme. (W. v. Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 10, 11, 15, 18, 43, 49, 208.)
  2. (2) Les coutumes et la religion brahmaniques se sont, jusqu’ici, conservées à Bali pures de tout mélange mahométan ou européen. C’est, au jugement de Raffles, l’image vivante de ce qu’était Java avant sa conversion par les musulmans. (W. v. Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 111.)
  3. (1) Guillaume de Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache.
  4. (1) Kaempfer, Histoire du Japon. — Ce voyageur, d’ailleurs judicieux, sacrifie, comme il était de mode de son temps, à la manie de faire venir d’Assyrie tous les peuples, et il trace ainsi, d’une manière assez curieuse, l’itinéraire de ses Japonais : « Mais, pour finir ce chapitre, il résulte que, peu de temps après le déluge, lorsque la confusion des langues à Babel força les Babyloniens d’abandonner le désir qu’ils avaient de bâtir une tour d’une hauteur extraordinaire et les obligea de se disperser par toute la terre ; lorsque les Grecs, les Goths et les Esclavons passèrent en Europe, d’autres en Asie et en Afrique, d’autres en Amérique, qu’alors, dis-je, les Japonais partirent aussi ; que, selon toutes les apparences, après avoir voyagé plusieurs années et souffert plusieurs incommodités, ils rencontrèrent cette partie éloignée du monde ; que, trouvant sa situation, sa fertilité fort à leur gré, ils résolurent de la choisir pour le lieu de leur demeure, etc., etc. (p. 83.) »
  5. (2) Kaempfer, Histoire du Japon, p. 81 et pass.
  6. (1) M. Pickering, jugeant sur ses observations personnelles, tient les Japonais pour identiques de race avec les Malais polynésiens (p. 117). — Il n’est pas impossible qu’avant toute invasion hindoue à Java, les Japonais n’y aient eu des établissements. Un des noms anciens de l’île est Cha-po. On y connaît deux districts appelés, l’un Ja-pan et l’autre Ji-pang. On sait, d’ailleurs, qu’à une époque très lointaine, les Japonais ont navigué dans tout l’archipel. (W. v. Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 19 ; Crawfurd, Archipelago, t. III, p. 465.)
  7. (2) M. Jurien de la Gravière a fait justice de l’espèce d’Arcadie que les voyageurs anglais avaient installée dans ces îles. (Revue des Deux-Mondes, 1852.)
  8. (1) La civilisation de ce pays affecte des formes brahmaniques. Les rois ont la prétention de descendre des dieux de l’Inde ; mais ils ne font pas dater leurs annales plus haut que l’ère des Vikramaditya (deux siècles av. J.-C.). Il y a eu des immigrations de kschattryas assez récentes, puis le brahmanisme fut étouffé pendant quelque temps pour être rétabli au XVIIe siècle. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 298 et pass.)
  9. (2) Les Siamois sont, à coup sûr, le peuple le plus avili de la terre, parmi les nations relativement civilisées ; et ce qui est assez remarquable, c’est qu’ils savent tous lire et écrire. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 1152.) Ceci semblerait fort contraire à l’avis des économistes anglais et français, qui ont, d’un commun accord, adopté ce genre de connaissances pour le criterium le plus irréfragable de la moralité et de l’intelligence d’un peuple.
  10. (3) Le brahmanisme s’étend jusqu’au Tonkin ; il y est, à la vérité, très défiguré. (Ritter, ibid., p. 956.)
  11. (1) Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 238, 273 et pass., 744. Les idées religieuses du Thibet portent témoignage de l’extrême mélange de la race. On y remarque des notions hindoues, des traces de l’ancien culte idolâtrique du pays, puis des inspirations chinoises, enfin, s’il faut en croire un missionnaire moderne, M. Huc, des traces probables de catholicisme importées au XVIe siècle par des moines européens et acceptées dans la réforme de Tsong-Kaba. (Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, t. I.) — Au Xe siècle, une grande invasion de Kalmoucks et de Dzoungars avait presque anéanti le bouddhisme. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 242.) — Depuis cette époque, et particulièrement sous le règne réparateur de Srong-dzan-gambo, il y a eu quelques immigrations de religieux venus du nord de l’Inde, c’est-à-dire du Bouran et du Népaul. (Ritter, ibid., p. 278.) Mais, désormais, c’est le sens chinois qui domine et progresse chaque jour davantage. La double origine de la civilisation actuelle du Thibet est très bien symbolisée par l’histoire du mariage de Srong-dzan-gambo. Ce monarque épousa deux femmes, l’une que les chroniques appellent Dara-Nipol, la Blanche, et qui était fille du souverain du Népaul ; l’autre, nommée Dara-wen-tching, la Verte, qui venait du palais impérial de Péking. Hlassa fut fondée sous l’influence de ces deux reines, et l’architecture des monuments de cette ville est tout à la fois chinoise et hindoue. (Ritter, ibid., p. 238.)
  12. (1) Ce savant avait une manière, toute particulière à lui, d’explorer les contrées sur lesquelles devait s’escrimer son érudition. Il s’établissait de son mieux dans une ville ou dans un village, et s’entourait de tout le confortable disponible. Puis il envoyait à la découverte un caporal et trente Cosaques, et consignait gravement dans ses notes les observations que ces doctes militaires lui rapportaient. (Ritter, ibid., p. 734.)
  13. (2) Ritter, t. I, p. 744 et pass.
  14. (3) Les langues turques et mongoles, le tongouse et son dérivé, le mandchou, portent des marques de ce fait si considérable. Tous ces idiomes contiennent un grand nombre de racines indo-germaniques. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. I, p. 436.) — Au point de vue physiologique, on observe encore que les yeux bleus ou verdâtres, les cheveux blonds ou rouges se rencontrent fréquemment chez certaines populations actuelles de la Mongolie. (Ibid.)
  15. (1) Ritter, t. I, p. 431 et pass.
  16. (2) Ritter, Erdkunde, Asien, t. I, p. 433-434.
  17. (1) Ritter, Erdkunde, Asien, t. I, p. 433-434.
  18. (2) Ritter, loc. cit.
  19. (1) Ritter, t. I, p. 1110 et 1114. — Les Kirghizes ont absorbé, à la fois, les Ting-ling et les Ha-kas.
  20. (2) Les invasions dans l’ouest étaient extrêmement facilitées à la race jaune par la configuration du terrain. M. le baron A. de Humboldt remarque que, depuis les rives de l’Obi, par le 78° de longitude, jusqu’aux bruyères du Lunebourg, de la Westphalie et du Brabant, le pays offre exactement le même aspect, triste et monotone. (Asie centrale, t. I, p. 55.)
  21. (1) Les territoires sibériens qu’elle occupait étaient assez vastes pour la contenir, car ils ne mesurent pas moins de 300,000 lieues carrées. (Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 176.) Les ressources que présentaient ces pays pour la nourriture de masses considérables étaient également très suffisantes. Les plaines de la Mongolie actuelle, appelées par les Chinois la Terre des Herbes, offraient des pâturages immenses aux nombreux troupeaux d’une famille humaine essentiellement pastorale. Le seigle et l’orge réussissent très avant dans le nord. À Kaschgar, à Khoten, à Aksou, à Koutché, dans le parallèle de la Sardaigne, on cultive le coton et les vers à soie. Plus au nord, à Yarkand, à Hami, à Kharachar, les grenades et les raisins arrivent à maturité. (Asie centrale, t. III, p. 20.) — « Au delà du Jenisséï, à l’est du méridien de Sayansk, et surtout au delà du lac Baïkal, la Sibérie même prend un caractère montueux et agréablement pittoresque. » (Ibid., p. 23.)
  22. (1) Ritter, Erdkunde, Asien, t. II, p. 332 et pass., p. 336.
  23. (2) La limite des tombeaux et des mines tchoudes s’arrête vers le nord, au 58° ; et, du côté du sud, elle descend jusqu’au 45°. L’extension de l’est à l’ouest va depuis l’Amour moyen jusque sur le Volga, jusqu’au pied oriental de l’Oural. (Ritter, ibid., p. 337.)
  24. (1) Ritter, ibid., p. 325 et pass. Il semblerait que les monuments puissent se distinguer en deux classes, et celle à laquelle appartient la plus haute antiquité indique aussi la civilisation la plus complète. (Ibid., t. II, p. 333.)
  25. (1) M. Ritter fait ici une observation pleine de sens et de profondeur. Comment, dit-il, se pourrait-il faire que des populations jaunes, que des Kalmouks, ces hommes absolument dénués d’imagination, eussent donné cours au mythe des Gryphons, et, devenus les Arimaspes, se fussent entourés de tant de peuples si singulièrement fabuleux ? En effet, le génie finnois n’atteint pas à de tels résultats. (Ritter, ibid., p. 336.)
  26. (2) Lassen, Zeitschrift für d. K. d. Morgenl., t. II, p. 62 et 65. Les Grecs avaient puisé leurs connaissances à demi romanesques des peuples de l’Asie centrale à la source bactrienne à peu près identique avec celle du Mahabharata. L’Uttara-Kourou, le pays primitif des Kauravas, les Attacori de Pline, était aussi l’Hataka, la terre de l’or. Près de là demeuraient les Risikas qui, ayant des chevaux merveilleux, ressemblent fort aux Arimaspes. (Hérodote, IV, 13 et 17.)
  27. (1) Il est incontestable que les Arimaspes portent, dans la première syllabe de leur nom, une sorte de témoignage de leur origine blanche. Ne pourrait-on retrouver encore actuellement dans le nord de la Sibérie la même racine are avec quelques-unes de ses conséquences ethnologiques ? Strahlenberg raconte que les Wotiaks se nomment, en leur langue, Arr, et appellent leur pays Arima. Il ne s’ensuivrait pas, sans doute, que les Wotiaks fussent un peuple de race ariane ; mais on pourrait conclure que ce sont des métis blancs et jaunes qui ont conservé le nom d’une partie de leurs ancêtres. Strahlenberg, das Nord-und-œstliche Theil von Europa und Asien, p. 76.) Nota. — Are est le mot mongol pour dire homme, par opposition à came, femme. (Ibid., 137.) — De même, arion signifie pur, etc.
  28. (1) Hérodote, IV, 23.
  29. (2) Chez les Bouriates, il est peu de tentes où l’on ne rencontre de ces sortes de miroirs suspendus aux piliers. Le lama s’en sert en y faisant
  30. (1) W. C. Grimm, Ueber die deutschen Runen, in-12, p. 128 ; Strahlenberg, das Nord und-œstliche Theil von Europa und Asien, in-4o ; Stockholm, 1730. Le capitaine suédois, premier auteur qui ait parlé des monuments tchoudes, fait une remarque on ne peut plus intéressante : il dit qu’en Islande, dans les temps anciens, on écrivait sur des os de poissons avec une couleur rouge indélébile ; que des caractères tracés avec la même matière se rencontrent chez les Permiens et sur les bords du Iéniséi, puis à la source de l’Irbyht, et ailleurs encore (p. 363). On entrevoit sans peine les conclusions à tirer d’un fait aussi remarquable, et il est temps de se rappeler ici que le mot qui, chez les nations gothiques, signifiait écrire, était mêljan ou gameljan dont le sens véritable est peindre ; mèl, peinture, et de là, écriture ; ufarmêli, inscription. (W.C. Grimm, Ueber die deutschen Runen, p. 47.)
  31. (2) « Dans le vestibule du musée (à Barnaul) était un sphinx taillé en pierre, reposant sur un bloc carré, et long de quatre pieds sur un pied et demi de large. Ce monument fut, pour moi, d’un grand intérêt, ayant été découvert dans un tombeau tchoude. Le travail en était, à la vérité, grossier ; mais trouver en ce lieu une production d’une si haute antiquité me frappa beaucoup. Je vis aussi plusieurs pierres sépulcrales, provenant également de tombeaux tchoudes, ornées de bas-reliefs représentant des figures d’hommes, peu saillantes et d’une exécution également assez rude. » (C. F. von Ledebour, Reise durch das Altaï-Gebirge und die soongorische Kirgisen-Steppe, 1er Theil ; Berlin, 1829, p. 371-372.)
  32. (1) Voir plus haut, p. 430 et suiv.
  33. (2) Lassen, Zeitschrift der deutsch. morgenl. Gesellsch., t. II, p. 59.
  34. (3) Mannert, Germania, p. 2.
  35. (1) Gen., IV, 17 : « Caïn... ædificavit civitatem, vocavitque nomen ejus ex nomine filii sui, Henoch. » La suite du récit n’est pas moins curieuse, et ne concorde pas moins avec ce que j’ai dit des mœurs primitives de la race blanche et de ses habitudes : 20. « Genuit Ada Jabel, qui fuit pater habitantium in tentoriis, arque pastorum. » 21. « Et nomen fratris ejus Jubal ; ipse fuit pater canentium cithara et organo. » 22. « Sella quoque genuit Tubalcaïn, qui fuit malleator et faber in cuncta opera æris et ferri » Ainsi, cinq générations après Caïn, fondateur de la première ville, les peuples menaient la vie pastorale, connaissaient l’art du chant, c’est-à-dire conservaient des annales et savaient travailler les métaux. Je n’ai pas tiré des résultats différents de la série des témoignages physiologiques, philologiques et historiques que j’ai interrogés jusqu’ici dans ces pages.