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Essai sur la propriété foncière indigène au Sénégal/Arrêté du 15 mai 1822

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Arrêté du 15 mai 1822.

Lorsqu’après une occupation anglaise de 16 ans pour Gorée et de 8 ans pour Saint-Louis, le Sénégal nous fut rendu par le traité de Paris, le gouvernement du roi Louis XVIII eut alors une pensée grande et généreuse. Au lieu d’enlever à la Sénégambie l’élite de ses enfants pour les envoyer cultiver les îles d’Amérique, il résolut de leur faire exploiter la fertilité du sol natal. En conséquence, il prescrivit au colonel Schmaltz, nommé commandant et administrateur, de se procurer les terrains nécessaires pour faire de la colonisation sur une vaste échelle.

Le colonel Schmaltz, aussitôt son installation, entra en pourparlers avec le brak du Oualo, Amar-M’Bodj, dont les États confinaient à notre possession de Saint-Louis, et il conclut avec ce chef indigène un traité, en date du 8 mai 1819, dont voici les principales dispositions :

Article premier. — Le brak et les chefs de Oualo cèdent aux Français les terres qui leur paraîtront convenables pour fonder des établissements.

Art. 2. — Ils promettent, en exécution de l’article 1er, de céder et remettre aux Français, en toute propriété et pour toujours, les îles ou autres parties des terres du royaume du Oualo qui paraîtront convenables pour des établissements de culture que le Gouvernement jugera à propos d’entreprendre à présent et par la suite. Cette concession est faite moyennant les coutumes stipulées en l’article 1er.

Un arrêté du 15 mai 1882 détermina les formes et les conditions dans lesquelles se feraient les concessions ; leur étendue devait être d’au moins 65 hectares. Les concessionnaires étaient soumis aux charges suivantes : 1° justification de la possession d’un capital ; 2° dans les deux premiers mois de la concession, construction de logements pour les travailleurs et défrichement de 15 hectares au moins ; 3° mise en valeur du tiers de la concession dans les deux premières années et du deuxième tiers dans les trois années suivantes ; 4° défense d’aliéner le terrain si un tiers, au moins, n’est pas défriché. À côté de ces charges, des faveurs étaient accordées elles consistaient en : 1° une prime à l’exportation des denrées coloniales ; avances faites par le Gouvernement d’outils, bestiaux, instruments aratoires, machines agricoles, graines et végétaux ; 3° main-d’œuvre gratuite dans certains cas.

Une disposition de l’arrêté sauvegardait les droits des indigènes en décidant que, si sur les terrains concédés, il se trouvait des champs cultivés par des indigènes, ceux-ci auraient droit pour les défrichements qu’ils auraient accomplis, à une indemnité annuelle.

Le traité de 1819 et les arrêtés qui en ont réglé l’exécution sont à retenir, car ils démontrent à l’évidence que les chefs indigènes avaient la libre disposition des terres, même de celles qui étaient cultivées, puisqu’ils nous ont cédé en toute propriété, au commencement du siècle, sans réserve aucune, toutes les terres du Oualo qu’il nous conviendrait de prendre.

Sans doute, nous avons indemnisé les cultivateurs dont les champs se trouvaient compris dans le périmètre des concessions, mais, en agissant ainsi nous n’avons entendu nullement leur reconnaître un droit de propriété.

Nous avons seulement voulu concilier les intérêts de la colonisation avec les principes de bienveillance et d’équité dont on ne doit jamais se départir vis-à-vis des indigènes. Nous avons pensé que les concessionnaires devant profiter des travaux de défrichement accompli par les cultivateurs, il était de toute justice d’indemniser ceux-ci.