Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs/01

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CHAPITRE PREMIER.


Considérations générales sur l’état du Peuple Juif, depuis sa dispersion jusqu’à nos jours.


Depuis Vespasien, l’histoire des Juifs n’offre que des scenes de douleur & des tragédies sanglantes : onze cent mille périrent au siège de Jérusalem ; deux cent trente-sept mille autres étoient morts tant à la défense de Jopata, qu’en bataillant dans les plaines de la Palestine ; & cette contrée, jadis florissante, dévastée par le démon de la guerre, étoit une solitude couverte de cadavres & de décombres. Ce Peuple malheureux vit alors son temple brûlé, ses villes rasées, sa capitale en cendres, & son corps politique dissous. Devenu le jouet de la fortune & le rebut de la terre, toujours haletant entre les poignards & la mort, il crut sans doute que la mesure de ses maux étoit comblée ; il se trompoit : un Empereur Romain sut encore enchérir sur les cruautés précédentes. Le fer, le feu, la faim firent périr près de quatre millions de Juifs sous le regne d’Adrien, y compris cinq cent quatre-vingt mille égorgés dans la révolte de Barchochebas(1), & l’on ravit à ceux qui échapperent en petit nombre, la consolation de contempler, même de loin, les ruines de Jérusalem foulée sous les pieds des Gentils. Auparavant, on les voyoit, couverts de haillons, parcourir en sanglotant la montagne des Oliviers & les débris du temple ; ils furent réduits(2) à économiser sur leur misere, pour payer cette grace à l’avarice des Soldats. À ce prix, ils obtinrent la faveur signalée d’y venir pleurer le jour anniversaire du sac de leur Cité ; & les Juifs achetoient le droit de répandre des larmes dans les lieux où ils avoient acheté & répandu le sang de Jesus Christ.

Pour aggraver leur désastre, on les força de quitter à jamais une patrie à laquelle ils étoient attachés par tant de liens, & que des motifs si puissans rendoient chere à leurs cœurs. En s’arrachant des lieux qui les ont vu naître, vers lesquels sans cesse ils tournent les yeux, mais qu’ils ne reverront plus, ils se traînent dans tous les coins du globe pour y mendier des asyles. Ils vont en tremblant baiser les pieds des nations, qui les levent pour les écraser, & chez lesquelles ils n’échappent aux tourmens qu’à la faveur du mépris : leurs soupirs même sont traités comme des cris de rebellion : & la fureur populaire, qui s’allume comme un incendie, parcourt les provinces en les massacrant. On craint de se rappeller les horribles boucheries d’Alexandrie & de Césarée, où les intervalles du carnage n’étoient que le temps nécessaire au délassement des bourreaux.

Au milieu de ces horreurs, l’autorité souveraine tourna quelquefois vers eux des regards pacifiques ; & les Juifs, plus ou moins vexés sous les Princes payens, eurent souvent à se louer de la bonne volonté des Empereurs chrétiens, jusqu’à Théodose II. Honorius leur avoit même accordé la liberté de conscience ; mais son édit, & plusieurs autres insérés dans le code Théodosien, en défendant de maltraiter les Juifs, prouvent par-là même qu’on les maltraitoit. Leurs privileges n’étoient que des concessions momentanées, qui leur donnoient seulement le droit de n’être pas réputés bêtes de somme. D’ailleurs la foiblesse de l’Empire romain, écrasé sous sa propre masse, avoit énervé les loix ; & la haine populaire, que n’éteignent pas des ordonnances, n’étant pas réprimée par la force, ne cessoit de renouveller des fureurs, qui furent même permises authentiquement par des législateurs.

Si jamais Peuple descendant du nord vint mériter dans le midi le surnom de barbare, ce sont les Wisigots. Lecteur sensible, ouvrez leur code(3), & vous y trouverez écrit en caracteres de sang, ce que des ames féroces ont dicté contre un Peuple qu’on y appelle secte détestable, parce qu’elle étoit détestée, & qu’on ravale au rang, j’ai presque dit au-dessous des animaux.

Les effets de la haine étoient ralentis, lorsque les nations étoient occupées de leurs propres désastres ; le Peuple Hébreu n’avoit gueres alors que les malheurs communs à supporter : c’étoient ses momens de paix ; mais la rage de ses ennemis, assoupie quelque temps, se réveilla lors des expéditions dans la terre sainte, & la population Juive parut ne s’être accrue, que pour fournir de nouvelles victimes. À Rouen, on les égorgea sans distinction d’âge ni de sexe(4) ; à Strasbourg, on en brûla quinze cents ; treize cents à Mayence(5), & le feu se communiquant à la Ville, faillit la réduire en cendres. À Trêves, à Yorck, les Juifs enfoncerent eux-mêmes le coûteau dans le sein de leurs femmes, de leurs enfans, disant qu’ils aimoient mieux les envoyer dans le sein d’Abraham, que les livrer aux Chrétiens ; & ne pouvant fuir nulle part, sans rencontrer la mort, ils prenoient le parti de se la donner eux-mêmes, pour se dérober aux tourmens qu’on leur préparoit. Douze mille, au rapport d’Aventin, furent égorgés en Baviere(6). Toute l’Europe, l’Allemagne sur-tout, devint un théâtre de cruauté : en un mot les guerres d’Outremer, que tant de gens jugent sur parole, parce qu’ils sont incapables d’en juger autrement, sont consignées dans l’histoire juive, comme l’époque la plus désastreuse depuis la ruine de Jérusalem. Saint Bernard, après avoir prêché la croisade, s’empressa de prêcher contre la cruauté des croisés ; & non content d’écrire des lettres pathétiques(7), il courut en Allemagne, & protégea efficacement les Juifs par l’ascendant que lui donnoient sa réputation, son savoir & ses vertus.

Souvent on accuse le Clergé d’être intolérant : rien de plus facile à dire ; & tant de gens sont ravis de le répéter, sans avoir de notions précises sur la tolérance, sans pouvoir même discerner les diverses acceptions de ce terme.

L’accusation fût-elle aussi vraie qu’elle l’est peu, l’histoire des Juifs fourniroit une exception ; persécutés sans cesse, ils le furent rarement par le Clergé ; car il ne faut pas juger de son esprit par celui de l’inquisition d’Espagne. Quand même on prouveroit que Saint Cyrille d’Alexandrie, égaré par un zele indiscret, les maltraita dans cette derniere Ville(8) ; d’une faute particuliere, pourroit-on inférer une conclusion générale ? Qu’on nous cite un Agobard de Lyon, aigri contre les Juifs(9), nous alléguerons un Sidoine Apolinaire, Évêque de Clermont, intimement lié avec eux, & multipliant ses bons offices à leur égard ; un Ferreol, Évêque d’Uzès, les admettant à sa table, les comblant de présens ; un Saint Hilaire d’Arles, regretté des Juifs qui courent à ses funérailles, mêler leurs larmes à celles des Chrétiens, & chanter des cantiques hébraïques pour honorer sa mémoire(10). À Mayence, à Spire, nous verrons des Prélats les soustraire à la fureur des croisés, & faire pendre les assassins. La force de la vérité sans doute emporte Basnage, lorsqu’il vante l’humanité constante des Papes envers les Juifs, qui les ont quelquefois payés d’ingratitude. Le zele éclairé des successeurs de Pierre protégea les restes d’Israël. On admire le courage dont s’arma Saint Grégoire le Grand pour les défendre. On lit encore avec transport une épitre d’Alexandre II, adressée aux Évêques de France qui avoient condamné les violences exercées contre les Juifs, & ce monument honorera éternellement la mémoire du Pontife romain & des Prélats françois. En 1235, Grégoire IX écrit en leur faveur à Saint Louis. Deux autres de ses lettres, adressées à tous les Chrétiens, censurent avec force ceux qui, du manteau de la religion, couvroient leur avarice, pour vexer les Juifs ; il y propose l’exemple de ses dévanciers, qui se sont déclarés leurs défenseurs. En 1247, Innocent IV écrit pour les justifier des crimes qu’on leur impute, & dit qu’ils sont plus malheureux sous les Princes chrétiens, que leurs peres sous Pharaon(11). Tandis que l’Europe les massacroit au quatorzieme siecle, Avignon devint leur asyle ; & Clément VI, leur consolateur, n’oublia rien pour adoucir le sort des persécutés, & désarmer les persécuteurs.

Quand la féodalité naquit, les Juifs, soumis aux révolutions des autres Peuples, changerent, comme eux, d’existence dans l’ordre civil. Dès le neuvieme siecle, ils commencerent à porter dans toute l’Europe les chaînes de la servitude, qui les soumit à autant de tyrans qu’il y avoit de Seigneurs. Laissons parler l’Auteur de la félicité publique ; rien de mieux tourné que ce passage : « sous le gouvernement féodal, les Juifs payoient des capitations énormes : lorsqu’un d’eux vouloit se faire Chrétien, à lui permis ; mais il devoit indemniser son Seigneur : c’étoit une ame dérobée à l’enfer, mais un corps à rembourser au monde. Tel étoit l’esprit fiscal qui régnoit alors, qu’une conversion étoit regardée comme une banqueroute, & que le Paradis même n’avoit pas droit d’asyle(12). » Quelle affreuse inconséquence de confisquer les biens de ces malheureux, lorsqu’ils se convertissoient, & de les tourmenter, lorsqu’ils ne se convertissoient pas ! Les Souverains de quelques contrées, les Empereurs allemands sur-tout, ont souvent contesté aux Princes particuliers & aux divers États de l’Empire, le droit de recevoir des Juifs : la bulle d’or le restreignoit aux Électeurs. Si la politique des Potentats eût été plus pénétrante, ils auroient habilement opposé les Juifs aux brigandages, à l’indocilité des grands Vassaux, souvent révoltés, toujours disposés à la révolte. Avec plus de lumieres & d’énergie, un Louis le Débonnaire, protecteur déclaré de la nation juive, dont il étoit aimé, auroit pu mouvoir utilement ce ressort qui, dans la suite des temps, fut en partie cause occasionnelle de la création du Tiers-état ; c’est une vérité paradoxale que nous ne pouvons qu’indiquer, en nous réservant de la développer ailleurs.

La servitude n’empêchoit pas toujours les Juifs d’acquérir des terres ; on voit même qu’en France ils ont possédé de vastes domaines(13) ; mais on sent qu’il étoit facile de ravir la propriété de leurs biens à des gens qui n’avoient pas la propriété de leurs personnes. Les croisés avoient tué les Juifs au nom de la religion, pour s’arroger le droit de les piller ; les usures trop réelles de ces mêmes Juifs servirent de prétexte aux Princes pour les piller à leur tour. L’avarice suspendoit quelquefois les paroxismes de la haine ; une politique également absurde & barbare calculoit ce qu’elle pourroit extorquer de numéraire, en les vexant ; & enfin la haine, réunie à l’avarice, tuoit cette poule d’or, & s’appercevoit alors qu’elle avoit mal calculé.

On commençoit ordinairement par confisquer leurs immeubles ; après avoir débuté par là, Philippe Auguste qui les chassa de France pour les y rappeller ensuite, leur permit seulement de vendre leurs meubles : mais le peuple profitant de la circonstance, refusa d’acheter ou de payer. On arracha même à ces malheureux le peu d’argent qui leur restoit(14), & plusieurs périrent faute de subsistance. Les regnes de trois de nos Rois, Philippe Auguste, Philippe le Bel & Philippe le Long font marqués en caractères de sang dans les fastes des Juifs(15). La justice (si cependant elle peut alors s’honorer de ce nom), la justice aiguisoit les poignards, & donnoit le signal de l’injustice & du carnage. Les Juifs de Bretagne, ayant ruiné les Cultivateurs, méritoient sans doute l’animadversion du Gouvernement ; mais on n’en frémit pas moins en lisant l’édit porté en 1239 par Jean le Roux, Duc de cette province, à la réquisition des trois ordres de la nation Bretonne. Il bannit les Juifs de ses États, décharge leurs débiteurs, permet à ceux qui en avoient des effets de les garder, & défend d’informer contre quiconque auroit précédemment tué des Juifs(16). C’est comme s’il eût dit à ceux-ci, je vous ravis tout, patrie, honneur, biens & même le droit à la commisération publique ; il vous restera la vie ; mais si vous ne trouvez ailleurs, comme ici, que des ames fermées à la pitié, il faudra que vous expiriez tous dans les convulsions du désespoir. Si Néron fut un monstre, qu’étoit-ce que Jean le Roux ?

Qu’on ne croye pas cependant qu’ailleurs ils fussent traités d’une maniere plus humaine. Les chassoit-on ? avant leur sortie du pays, ils étoient sûrs de recueillir des outrages, des tourmens ou la mort. Les rappelloit-on ? c’étoit pour les abbreuver d’humiliations, de douleurs mille fois pires que la mort. À Toulouse, trois fois l'année, on les souffletoit juridiquement. On tenoit sans doute à honneur de remplir cette commission infernale, puisqu’un Vicomte de Rochechouart, auquel on avoit déféré cette invitation, s’en acquita avec une telle vigueur, qu’il fit sauter la cervelle du malheureux Juif, expirant à ses pieds(17). On a prétendu que ce récit étoit exagéré, à cause de l’impossibilité physique d’ouvrir le crane par un soufflet : c’étoit le temps des Tournois, peut-être se servit-il d’un gantelet. Rabattons la moitié de ce récit ; en aura-t-on moins sujet de s’attendrir ? À Beziers on les chassoit de la Ville à coup de pierres, le jour des Rameaux ; ils n’y rentroient que le jour de Pâques. En Angleterre, tous les ans on en choisissoit un, pour lui arracher les dents, depuis que Jean Sans-terre, voulant arracher une somme d’un Juif opulent, le condamna à perdre une dent tous les jours, jusqu’à ce qu’il déliât sa bourse ; ce fut seulement le huitieme jour, à la huitieme dent. Henri III, Roi de ce pays, vendit les Juifs de ses États à son frere Richard, afin, dit un Historien(18), que le Comte arrachât les entrailles à ceux à qui son frere n’avoit arraché que la peau. Par-tout la hache étoit levée sur leurs têtes. Une peste se manifeste en Sardaigne ; on y envoye quatre mille Juifs pour les rendre victimes de la contagion. En 1391, l’Empereur Venceslas, ayant également déchargé les Villes & la Noblesse de dettes contractées envers eux, toute l’Allemagne saisit ce moment pour les massacrer(19). L’Espagne exerçoit alors la même barbarie ; & cent ans après, le Portugal fit fondre sur eux tous les malheurs. Pendant trois jours consécutifs, Lisbonne s’enivra du plaisir de les égorger : les uns étoient attachés vivans à des cadavres, les autres brûlés en tas. Mezence & Phalaris, Cortez & des Adrets n’inventerent jamais des atrocités plus révoltantes.

Passons en Orient pour sangloter à l’aspect de pareilles horreurs. Que pouvoient-ils se promettre des Musulmans, qui les ont en exécration ? Par un accord fait entre les Juifs & le Sophi, si le Messie paroissoit dans soixante-dix ans, toute la Perse devoit professer le Judaïsme, sinon les Juifs devoient embrasser le Mahométisme. Abbas II retrouve ce traité en feuilletant des registres, &, pendant trois ans, les Juifs sont poursuivis avec fureur & massacrés sans pitié(20). On enfleroit des volumes, en racontant les cruautés de cette nature dont les peuples ont souillé leur histoire. Aussi, disent les Rabbins, en style de Rabbins : dans ces diverses persécutions, on versa tant de sang de la nation sainte, qu’il s’en forma des torrens, & ces torrens entraînerent à plus d’une lieue en mer, des rochers qui avoient trois cens pieds de circonférence.

Comme il est essentiel de parler au cœur, ainsi qu’à l’esprit, ces détails préliminaires ne seront pas inutiles ; en rappellant aux Juifs la douceur des Gouvernemens actuels, leurs ames s’ouvriront sans doute à la reconnoissance ; en rappellant aux Chrétiens les forfaits de leurs peres, ils verront ce qui leur reste à faire pour les expier. Souvenons-nous que les Juifs commencent à peine à respirer ; que depuis la prise de Jérusalem, jusqu’au seizieme siecle, il est peu de contrées où ils n’ayent été successivement chassés, rappellés, chassés de nouveau, pillés, massacrés ou brûlés : on peut même prolonger jusqu’à nos jours la durée de leurs maux. L’univers en fureur s’est acharné sur le cadavre de cette nation ; presque toujours leur mieux être fut de ne verser que des larmes, & leur sang a rougi l’univers. Nous ne parlons qu’avec horreur de la Saint Barthelemi : mais les Juifs ont été deux cents fois victimes de scenes plus tragiques ; & quels étoient les meurtriers ?




(1) Voyez les dissertations de M. de Correvon à la suite de sa traduction du traité d’Adisson sur la religion, chrét. Geneve 1771, T. 3. N’est-il pas affreux, dit le Traducteur, de voir les Juifs suivre aveuglément Barchochebas, qui n’avoit que son nom pour étayer sa mission, tandis qu’ils avoient rejetté Jesus-Christ, dont tout annonçoit la divinité ?

(2) St. Jérôme in Sophoni. Chap. X.

(3) Leges Wisigothorum. Chap. XII.

(4) Chronic. rothomag. in novà bibliot. MS. T. I, pag. 363.

(5) Quelques auteurs, comme le Chronographe Saxon, et le Chroniqueur de Wurtzbourg, réduisent ce nombre à 1014. Il a plu à des écrivains modernes de faire une espece d’inversion dans ce calcul, et d’en tuer 14000. N’exagérons pas ; mille innocens égorgés, c’en est bien assez pour déchirer le cœur.

(6) Annales Bolorum. Liv. V.

(7) Epistol. 322 et 323. Metz est peut-être la seule ville où les Croisés n’ayent pas trempé leurs mains dans le sang des Juifs. Louis le jeune, partant pour la Palestine, y assembla son armée, et cependant il n’est pas dit qu’ils y ayent reçu aucun outrage. Le silence de l’histoire à cet égard, vaut une preuve positive, si l’on considere que Metz avoit alors des historiographes.

(8) J’espere tracer un jour les révolutions du peuple dont je plaide aujourd’hui la cause, et discuter la narration infidele des accusateurs de Cyrille ; narration adoptée par Barbeyrac (préface du droit de la nature et des gens), et par le savant Jacques Basnage dans son Histoire des Juifs. N’en déplaise à M. de Boissi, qui vante (Dissertations critiques, &c.) l’impartialité de ce dernier, je motiverai quelque jour mon assertion, en dévoilant les préventions et la partialité de Basnage sur l’article qu’on vient de citer, sur la maniere indécente et calomnieuse dont il traite les Asmonéens, sur le miracle arrivé lorsque Julien tenta de rebâtir le temple, sur, &c. &c.

(9) Agobardi opera de insolentiâ judœor. T. I, pag. 64. édit. de Baluze. Louis-le-Débonnaire, Prince d’un caractere mou, obsédé par des courtisans qui n’aimoient pas le Prélat de Lyon, et qui aimoient les présens des Juifs, se refusa obstinément à toutes les demandes d’Agobard, et ne lui accorda qu’une audience de congé. Ce que c’est (pour le dire en passant) que le caractere des courtisans. Ils poussoient la flatterie envers les Juifs jusqu’à se recommander à leurs prieres. Falloit-il, et pouvoit-on empêcher l’Évêque de baptiser les esclaves payens des Juifs, sans avoir obtenu le consentement de leurs Maîtres, sous prétexte que les loix, défendant à ceux-ci de tenir des esclaves chrétiens, ils auroient perdu le prix de l’acquisition ? La justice demandoit que ces Néophytes fussent soumis à continuer leur servage, si toutefois l’esclavage est admissible. Mais ce qui prouve que le zele d’Agobard étoit modéré, c’est qu’il offroit aux Juifs de leur rendre les sommes déboursées pour l’achat.

(10) Tillemont. Mémoires pour servir à l’Hist. ecclé. T. 16. Vita Ferreol. in append. operis. MS. Ant. Dominici, cui titulus : familia Ansberti rediviva.

Le Cointe. Annales eccl. Fr. vita S. Hilarii, par Saint Honorat, son disciple. Autrefois l’Archevêque de Mayence étoit Avoué (Advocatus) des Juifs.

(11) Raynald. Passim. Pagi breviarium gestor. pontif. T. 1. On raconte que Philippe III, Roi d’Espagne, obligé d’assister à un auto-da-fé, frémit, et ne put retenir ses larmes, en voyant une jeune Juive, et un Maure de quinze à seize ans qu’on livroit aux flammes. Le grand inquisiteur lui en fit un crime, et lui dit que, pour l’expier, il falloit qu’il lui en coûtât du sang. Le Roi se laissa saigner ; et le sang qu’on lui tira fut brûlé par la main du bourreau. Si ce fait, encore douteux, est vrai, pleurons avec Philippe III. Quel contraste entre cette férocité que la religion abhorre, et la douceur compatissante des souverains Pontifes envers les Juifs ; douceur que le christianisme inspire, et qui le fait aimer !

Quand il y a un nouveau Pape, les Juifs vont l’attendre sur le chemin de St. Jean de Latran, pour lui rendre hommage, et lui présenter le rouleau de la loi mosaïque.

(12) Félicité publique. T. 2, chap. I.

(13) Hist. de Languedoc. Par Vaissette. T. 2.

(14) David Gantz. Germen Davidis.

(15) Les Juifs, chassés de France sous Dagobert I, Philippe Auguste, Philippe-le-Long et Charles VI, furent bannis pour la derniere fois en 1615. Louis XIII leur ordonna de vider ses États dans un mois, sous peine de la vie. Ceux de Metz et de Bordeaux furent exceptés. On lit dans les Mémoires de la régence du Duc d’Orléans, qu’en 1718 ils offrirent plusieurs millions pour obtenir un établissement légal et une synagogue à Paris. Le Régent les refusa, quoiqu’il eût besoin d’argent.

(16) Ce fut aux États de Ploermel que Jean I, dit le Roux, donna cet édit foudroyant en 1239, selon les uns, 1240, selon d’autres. Il décharge les débiteurs, quittavimus et quittamus. Basnage dit que l’Édit du Prince déclare innocent quiconque tueroit un Juif. Cette clause ne concerne que le passé. Il défend seulement d’inquiéter ceux qui précédemment en auroient tué : c’est sur quoi sont d’accord et l’Auteur cité par Basnage (d’Argentré, Hist. de Bretagne. Liv. IV), et Lobineau, Hist. de Bretagne. T. 1 et 2, dans les preuves) ; quoique ces deux Écrivains different d’ailleurs, en rapportant chacun le texte de l’Édit. Jean le Roux s’engage, pour lui et ses successeurs, pour le présent et l’avenir, à maintenir cette loi ; et, s’il la viole, il autorise les Évêques à l’excommunier, et à confisquer les terres de sa dépendance situées dans leur diocese, sans égard à aucun privilege.

(17) Ademar Cabillon. Chronic. apud Labbe, in novâ biblio. MS. T. 1, pag. 177.

(18) Ut quos Rex excoriaverat, Cornes evisceraret. Mathieu Paris, an. 1255.

(19) Æneas Sylvius. Hist. Boh. Ch. XXXIV. Crusius. Annales Suevi. &c.

(20) Depuis 1663 jusqu’en 1666. L’exagérateur Dodd a rêvé dans sa prison, qu’on ne trouvoit plus un Juif en Perse depuis la derniere persécution sous Schah-Abbas second (Soliloques du docteur Dodd. Moudon. 1773. Solil. 3). La vérité est que leur nombre, autrefois excessif dans cette contrée, y est seulement diminué, parce qu’on les y maltraite impunément. On trouve encore en Perse, et sur-tout dans les provinces septentrionales, une foule de Juifs fort mal famés pour la probité. Dans les temps de sécheresse, les Persans font des processions pour fléchir le ciel, et obligent les Juifs à en faire de même : Voyez l’Histoire des découvertes faites par divers savans Voyageurs dans plusieurs contrées de la Russie et de la Perse. Berne. 1779. T. 2, pag. 363 et suivantes.