Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs/27

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CHAPITRE XXVII.


Résumé. Conclusion.


Après avoir exposé le tableau des malheurs du peuple juif, nous avons détruit beaucoup d’imputations calomnieuses dont on les a chargés ; nous avons remonté aux causes qui ont produit & perpétué la haine entr’eux & les nations, qui ont altéré le caractere physique & moral des Juifs, nous avons établi le danger de les tolérer tels qu’ils sont, la nécessité de les réformer, & la possibilité d’y parvenir. Rarement en avons-nous appellé à l’expérience future, car le passé est presque toujours venu appuyer nos raisonnemens. Nous croyons avoir fait entrer dans ce plan tous les moyens qui peuvent changer les opinions & rectifier l’homme moral ; mais les avons-nous prescrites avec assez d’énergie pour émouvoir les cœurs en portant la conviction dans les esprits ? Il est des détails dans lesquels nous ne sommes pas entrés, pour ne pas injurier la pénétration du lecteur, & parce que les questions rentrant l’une dans l’autre, se décident par les mêmes principes. Le peintre qui esquisse un grand tableau, s’occupe-t-il de la bordure ?

On nous pardonnera sans doute d’avoir employé quelquefois un ton décisif, si l’on considere que les probablement, les peut-être, déja trop multipliés, ne pouvoient que ralentir la marche didactique de l’ouvrage. Persuadés que nous défendons une bonne cause, ce sentiment n’exclut pas la défiance que doivent inspirer la jeunesse & la médiocrité. En cas d’insuccès, nous serions encore consolés par le motif qui nous entraîne ; mais nous serions abondamment récompensés de notre travail, s’il pouvoit alléger les peines d’une nation malheureuse, & lui procurer un défenseur plus éloquent. Elle n’en trouvera pas un plus zélé.

Gens ennemis de toutes innovations, ne niez pas les succès avant d’avoir fait des tentatives ; votre humeur chagrine exigeroit-elle que dès le début, la révolution fût consommée, & que le coup d’essai fût le point de perfection ? n’épiloguez pas sur de petits inconvéniens ; car si l’homme étoit réduit à n’adopter que des plans qui n’en offrissent aucun, il ne se décideroit jamais. Félicitons-nous d’avoir pour contemporains, quelques souverains qu’on peut louer sans les flatter, c’est-à-dire, sans s’avilir ; espérons que des projets inspirés par l’humanité, conseillés par la nécessité, & appuyés par la religion, le seront un jour par les dépositaires de l’autorité publique. Déja Gustave & la Suede, Joseph & l’Allemagne, Louis XVI & la France, ouvrent aux Juifs un sein pacifique, Pierre-le-Grand n’osa tenter d’en faire des Russes : il vouloit auparavant créer son peuple ; mais l’ouvrage s’achevera, & Catherine II vit encore.

Ô nations, depuis dix-huit siecles vous foulez les débris d’Israël ! La vengeance divine déploie sur eux ses rigueurs ; mais vous a-t-elle chargés d’être ses ministres ? La fureur de vos peres a choisi ses victimes dans ce troupeau désolé ; quel traitement réservez-vous aux agneaux timides, échappés du carnage, & réfugiés dans vos bras ? Est-ce assez de leur laisser la vie, en les privant de ce qui peut la rendre supportable ? Votre haine fera-t-elle partie de l’héritage de vos enfans ? Ne jugez plus cette nation que sur l’avenir ; mais si vous envisagez de nouveau les crimes passés des Juifs & leur corruption actuelle, que ce soit pour déplorer votre ouvrage ; auteurs de leurs vices, soyez-le de leurs vertus ; acquittez votre dette & celle de vos aïeux.

Un siecle nouveau va s’ouvrir : que les palmes de l’humanité en ornent le frontispice, & que la postérité applaudisse d’avance à la réunion de vos cœurs. Les Juifs sont membres de cette famille universelle qui doit établir la fraternité entre tous les peuples ; & sur eux, comme sur vous, la révélation étend son voile majestueux. Enfans du même pere, dérobez tout prétexte à l’aversion de vos freres, qui seront un jour réunis dans le même bercail ; ouvrez-leur des asyles ou ils puissent tranquillement reposer leurs têtes & sécher leurs larmes, & qu’enfin le Juif, accordant au Chrétien un retour de tendresse, embrasse en moi son concitoyen & son ami.