Euclide - Les quinze livres des éléments géométriques et le livre des Données - Traduction de Henrion, 1632/Element I
1. Le point, est ce qui n’a aucune partie.
es Phyſiciens diſent que le point eſt le moindre objet de la veuë ; & iceluy peut eſtre deſcrit avec ancre ou autre chose. Mais les Mathématiciens rejettans ceſte definition, diſent que le point eſt un object de l’intellect ſi ſubtil qu’il ne peut eſtre diviſé en aucune parties : Et iceluy ne ſe peut eſcrire, mais seulement entendre & imaginer : Bien est vrai que pour le repreſenter à nos ſens exterieurs nous nous ſervons du point Phyſique. Le point n’a donc aucunes des dimenſions geometriques, c’est à dire qu’il n’a longueur, largeur, ny eſpaiſſeur, mais bien eſt il principe d’icelles.
2. La ligne, est une longueur sans largeur.
compris entre les deux points A & B est vrayement une longueur sans largeur & eſpaisseur, puis que le point A, par le coullement duquel elle est produite, est privé de toute dimension.
3. Les extremitez de la ligne, sont poincts.
Cecy est intelligible, puis que toutes les lignes terminees commencent à un point, & achevent auſſi à un point, comme les lignes precedentes AB, qui ont pour leurs extremitez les points A & B : car Euclide n’entend parler icy ny des lignes infinies ny des circulaires, ny de toutes autres formes de lignes, auſquelles on ne peut aſſigner aucun terme ny extrémité.
4. La ligne droite, eſt celle qui eſt également compriſe & eſtendue entre ſes poincts.
Or tout ainsi que les Mathématiciens conçoivent la ligne eſtre deſcripte par le flux & mouvement imaginaire du point, ainsi aussi entendent-ils la qualité de la ligne deſcripte par la qualité d’iceluy mouvement : car si on entend que le point coulle droit par le plus court chemin ne se deſtournāt ça ne là, la ligne ainsi deſcrite sera appellee ligne droite : mais ſi le point fluant vacille en ſon mouvement, & s’eſcarte ça & là ; la ligne deſcrite sera appellee mixte ; & finalement si le point fluant ne vacille en ſon mouvement, mais eſt porté en rond d’un certain mouvement uniforme & regulier, gardant touſjours une eſgale diſtance à quelque certain point à l’entour duquel il eſt porté ; cette ligne deſcrite sera appellee circulaire. Or Euclide ne traite icy que des deux ſimples lignes, ſçavoir est de la droite & de la circulaire. Il a défini celle-là cy-deſſus, & il definira ceſte-cy à la 15. def. Mais quant à la mixte, il en obmet la definition, pource qu’elle n’a aucun usage en ses elements Geometriques : il y en a de pluſieurs ſortes, & d’icelles traitent amplement Apollonius, Pergeus, Nicomedes, Archimedes & autres Autheurs.
5. Superficie, eſt ce qui a longueur & largeur tant ſeulement.
6. Les extremitez de la ſuperficie, ſont lignes.
Il faut icy entendre des ſuperficies bornees, & terminees par lignes droites, comme la ſuperficie ABCD cy deſſus, de laquelle les extrémitez ſont les lignes AB, BC, CD, & DA : car il y a bien pluſieurs superficies encloses, d’une ſeule ligne, comme de la circulaire, & autres, dont Euclide ne fait mention en ces Elemens-cy : mais il n’en veut icy parler, non plus que la ſuperficie ſphérique, qui circuit & environne un corps entierement rond & ſpherique. Comme donc la ligne terminee commence à un point, & finit à un autre point, ainſi aussi la ſuperficie terminee commence par une ligne, & finit par une ligne, tant ſelon sa longueur, que ſelon ſa largeur.
7. Superficie plane, est celle qui eſt également compriſe entre ſes lignes.
Ceſte definition de la superficie plane a quelque ſimilitude & rapport à celle de la ligne droite : car comme la ligne qui est également eſtendue entre ses points, est appellee ligne droite, ainſi auſſi la superficie qui eſt également eſtendue entre ſes lignes, tellement que toutes les parties du milieu ne ſont plus eſlevees ny abaiſſees que les extremes, eſt appellee superficie plane. Et derechef, comme la ligne droite eſt la plus courte d’entre ses extremitez, ainſi auſſi la superficie plane est la plus courte, ou brieſue de toutes celles qui ont les meſmes extremitez. C’est encore pour la méme raiſon que quelques autres deſcrivans la superficie plane, diſent que c’est celle-là de laquelle toutes les parties du milieu ombragent ſes extremes : ou bien celle-là à toutes les parties de laquelle une ligne droite peut eſtre accommodee. Comme par exemple, la superficie ABCD sera dite plane, si la ligne droite AE se mouvant à l’entour du point immobile A, en ſorte qu’elle vienne à eſtre la meſme que AF, puis la meſme que AG, & puis encore la meſme que AH, en apres la meſme que AI, & finalement la meſme que AK ; elle ne rencontre rien en la superficie de plus eſlevé ou abaiſſé l’un que l’autre, ainſi que tous les points de ladite ſuperficie ſoient touchez d’icelle ligne mouvante AE, & en quelque ſorte raclez par icelle. Mais toutes ſuperficies eſquelles il y a des endroits les uns plus eſlevez que les autres, tellement qu’on n’y peut pas accommoder une ligne droite par tous les lieux & endroits d’icelles, telle qu’eſt la superficie interieure d’une voulte ou arcade, ou bien l’exterieure d’un globe, ou d’une colomne ronde, & aussi d’un cone, &c. ſont appellees ſuperficies courbes : & icelles sont de pluſieurs ſortes, c’est à ſçavoir convexe, comme la ſuperficie exterieure d’une ſphere, ou d’une colomne ronde : & concave, comme la ſuperficie interieure d’une voulte ou arcade : mais la contemplation de toutes ces choſes appartient à la Stereometrie dont traite Euclide és cinq derniers livres : c’est pourquoy il explique ſeulement icy la ſuperficie plane, de laquelle il traite és ſix premiers livres. Et cependant eſt à noter que ceſte superficie eſt souventesfois appellée plan par les Mathématiciens : tellement que quand ils parlent de plan, il faut touſjours entendre une ſuperficie plane. 8. Angle plan, eſt l’inclination de deux lignes, l’une à l’autre se touchant en un plan non directement.Euclide enſeigne ici que quand deux lignes conſtituées en quelque ſuperficie plane concurrent en vn point d’icelle ſuperficie, et ne ſe rencontrent directement, alors l’inclination d’icelles deux lignes s’appelle angle plan.
Comme par exemple, pour ce que les deux lignes AB et AC, concurrent en A, et ne ſe rencontrent pas directement ; le concours ou inclination qu’icelles deux lignes font au point A, s’appelle angle : Et d’autant qu’iceluy angle eſt constitué au même plan qu’icelles deux lignes AB et AC, on l’appelle angle plan, à la différence d’autres angles, dont les uns sont nommés angles solides, deſquels traite ci-après Euclide en la Stéréométrie ; et les autres ſont appelés angles ſphériques, deſquels traite amplement Menelaus et Théodose en leurs éléments ſphériques, comme nous avons auſſi fait en nos triangles ſphériques.Or quant à l’angle plan ci-deſſus déſſini eſt à remarquer, premièrement que la grandeur ou quantité dudit angle plan conſiste en la seule inclination des lignes qui le conſtituent, et non pas en la longueur d’icelles lignes ; car le prolongement deſdites lignes n’augmente point leur inclination, ni par conſéquent la grandeur de l’angle. En apres que quelques géomètres ont eſtimé qu’afin que deux lignes faſſent angle, il était néceſſaire qu’étant continuées du point de leur rencontre, elles s’entrecoupaſſent en icelui, dont s’ensuiuroit que deux cercles s’entretouchant en un plan, ou qu’une ligne droite touchant un cercle ne ferait angle, ce qui eſt contre l’intention d’Euclide, ainsi qu’il appert, tant par cette définition de l’angle plan, que par la 16. p. 3. et comme l’a auſſi bien démontré Clavius sur la même proposition où il réfute Pelletier, qui diſoit que la ligne droite touchant le cercle ne faiſoit angle ; c’est pourquoi ceux qui tiennent encore cette opinion, ſe moquent bien d’Euclide, de Clavius, et autres géomètres, qui diſent qu’une ligne droite touchant un cercle, fait un angle contigent, ou d’attouchement.
9. Que ſi les lignes comprenant l’angle ſont droites, l’angle ſera appelé rectiligne.
Tout angle plan est fait, ou de deux lignes droictes, et alors il ſe nomme angle rectiligne, comme dit ici Euclide, ou de deux lignes courbes, et alors on l’appelle angle curuiligne ou bien d’vne ligne droite & d’vne courbe, & alors on le nomme angle mixte. Or les angles curvilignes peuvent varier en trois manières, & les mixtes en deux, à cause de la diverse inclination ou habitude des lignes courbes, ainſi qu’il appert manifeſtement aux angles plans de la figure cy appoſée.
10. Quand une ligne droite tombant ſur une autre ligne droite, fait les angles de part & d’autre eſgaux entr’eux, les angles ſont droits ; & la ligne tombante, eſt perpendiculaire à celle-là, ſur laquelle elle tombe.
Il y a de trois ſortes d’angles rectilignes, ſçavoir eſt droits, obtus & aigu : le premier deſquels Euclide definit icy avec la ligne perpendiculaire, & quant aux deux autres, il les définit aux deux définitions prochainement ; ſuiuantes. Il dit donc icy que ſi une ligne droite tombe ſur une autre ligne droite, en ſorte quelle faſſe les angles de part & d’autre eſgaux, ce qui advient lors que ladite ligne ne ſ’incline ou panche plus d’un coſté que de l’autre ; chacun d’iceux angles eſt appellé angle droit, & la ligne ainſi tombante, est ditte perpendiculaire a celle-là sur laquelle elle tombe. Comme par exemple, si la ligne droicte AB tombe sur la ligne droite CD, en ſorte qu’elle ne ſ’incline pas plus d’un coſté que de l’autre, les deux angles, quelle fait au point B seront eſgaux entr’eux, & chacun d’iceux sera nommé angle droit, mais la ligne AB ſera dite perpendiculaire à CD, sur laquelle elle tombe. Par meſme raison, la ligne droite CB ſera aussi dicte perpendiculaire à la ligne droite AB, encore qu’icelle CB faſſe un seul angle droit avec AB ; Et ce d’autant que ſi ladite ligne AB estoit prolongée directement de la part de B, elle y feroit un autre angle eſgal au premier. Parquoy en Geometrie, pour conclure, que quelque angle est droit, ou que la ligne qui le constinue eſt perpendiculaire à une autre, il faut seulement prouver que ledit angle eſt egal à celuy de l’autre coſté. Semblablement, ſi quelque angle eſt dit droict, ou que l’une des lignes qui le conſtitue ſoit perpendiculaire à l’autre, on pourra aussi conclurre que ledit angle est égal à celuy de l’autre coſté, car ſi ces angles-là n’eſtoient égaux, ils ne ſeroient nommez angles droicts, ainſi qu’il apperttant par la ſusdite définition, que par les deux ſuivantes.
11. Angle obtus, est celuy qui eſt plus grand qu’un droict.
12. Mais l’aigu, est celuy qui est plus petit qu’un droict.
Et d’autant que ſouventefois en un plan concurrent plus de deux lignes à un même poinct, & par conſequent y conſtituent pluſieurs angles, les Geometres ont accouſtumé (pour eviter confuſion) d’exprimer l’angle dont ils parlent par trois lettres, deſquelles celle du milieu denotte le poinct auquel les lignes conſtituent l’angle, & celles des extremes signifient les commancemens d’icelles lignes qui font iceluy angle : tellement qu’en la figure cy-dessus l’angle obtus que nous avons dit eſtre celuy de la part de B, ſera exprimé & entendu par ces trois lettres ECB ou BCE, à cauſe qu’il eſt constitué au poinct C, & contenu par les deux lignes droictes EC, & BC, qui commançant en E & B, ſe vont rencontrer au susdit poinct C. Mais l’angle aigu que nous avons dit eſtre de la part de A, s’exprimera par ces trois lettres ECA ou ACE, par ce qu’il eſt constitué au poinct C, & fait par les deux lignes droictes EC & AC, qui commencent en E & A, & se vont rencontrer au suſdict poinct C. Ce qu’on doit bien notter, afin de connoiſtre & diſcerner facilement les angles, dont sera faict mention és démonſtrations ſuivantes.
13. Terme, eſt l’extrémité de quelque chose.
Ainsi les poincts ſont termes ou extremitez des lignes, les lignes des ſuperficies, & les ſuperficies des corps.
14. Figure, eſt ce qui eſt compris & environné d’un, ou de pluſieurs termes.
Toute quantité ayant ternies, n’eſt pas dicte figure : mais ſeulement celles que les termes environnent : ainsi la ligne terminée par deux poincts, n’eſt pas dite figure : mais toutes ſuperficies, & ſolides, finis & limitez, ſont nommez figures, pource qu’ils ſont environnez d’un ſeul, ou de plusieurs termes : d’un ſeul, comme le Cercle, l’Ellipse, & la Sphere : de pluſieurs, comme le triangle, le quarré, le cube, la pyramide, &c.
15. Cercle, eſt une figure plane, contenue par vne ſeule ligne qu’on appelle circonference, vers laquelle toutes les lignes droictes menées d’un ſeul poinct de ceux qui ſont en icelle figure, ſont égales entr’elles.
16. Et ce poinct-là eſt appellé centre du cercle.
Quelques Geometres definiſſent autrement le cercle, & disent que c’est une figure plane, deſcrite par une ligne droicte finie, laquelle ayant un des points extremes fixe, est meuë à l’entour d’iceluy iusques à ce qu’elle retourne au meſme lieu où elle a commencé à mouvoir : comme ſi la ligne droicte AF ayant le poinct F fixe, eſt entendue ſe mouvoir à l’entour d’iceluy poinct F, tirant de A vers C, E, iusques à ce qu’elle revienne au meſme lieu FA, où elle a commencé ſon mouvement, elle deſcrira par iceluy mouvement le cercle ou espace ACE, duquel la circonférence eſt deſcrite & traſſee par le poinct mobile A ; & le poinct fixe F, est le centre d’iceluy cercle, duquel centre toutes les lignes droictes menées à la suſdite circonference ACE, ſont egales entr’elles, puis qu’elles proviennent toutes d’une seule & meſme meſure, c’est à ſçavoir de la ligne FA.
17. Diametre du cercle, eſt une ligne droicte menée par le centre du cercle, & finiſſant de part & d’autre à la
circonference d’iceluy cercle, le diviſe en deux également.
De ceſte demonſtration il appert que le diametre ne couppe pas ſeulement la circonference en deux egallement, mais aussi toute l'aire & superficie du cercle : Car puisque les demyes circonferences conviènnent & s’accordent entr’elles, comme il a eſté demonſtré ; les superficies contenues et encloſes entre le diametre & chacune d’icelles demy circonferences conviendront aussi entr’elles, puiſque l’une n’excede l’autre ; & par conſequent elles ſeront égales entr’elles. 18. Demy cercle, est une figure çomprise du diametre, & de moitié de la circonférence.
19. Portion ou segment de cercle, est une figure comprise d’une ligne droicte, & de partie de la circonférence.
BCD tomberoit dehors BGD, ainsi que la portion BAD : Derechef FA, qui seroit lors la mesme que FC, seroit plus grande que EG, c’est à dire que EC ; & partant la partie FC seroit derechef plus grande que le tout EC : Ce’qui est absurde. Il est donc manifeste que la portion BAD, en laquelle est le centre E, est plus grande que l’autre portion BCD, puis que celle-cy est égale à la portion BGD, qui est partie de la portion BAD. Car puisque i a esté demonstré que la portion BCD, meüé à l’entour de 1a ligne droicte BD, ne peut convenir sur la portion BAD, ne tomber hors icelie ; elle tombera totalement au dedans comme BGD. Or ces deux définitions n’estoient pas proprement de ce lieu, veu qu’elles ne sont employées en ce premier liure, mais bien au troisiesme, auquel la derniere est repetée.
20. Figure rectiligne, est celle qui est comprise de lignes droictes.
21. Figure de trois costez, est celle qui est comprise de trois lignes droictes.
Euclide voulant descrire divers genres de figures rectilignes, commence par les figures trialteres, ou de trois costez, & dit que ce sont celles qui sont contenues & environnees de trois lignes droictes : & d’autant que telles figures ont tousiours trois angles, on les appelle communement triangles. Ainsi la figure A cy dessus, laquelle est contenue soubs trois lignes droictes, qui constituent trois angles, sera nommee figure trilatere, ou plustost triangle rectiligne, il y en a de diverses especes, qui seront declarees cy après, mais la figure D, circuite & enclose de trois lignes courbes, sera dicte triangle curviligne.
22. Figure de quatre costez, est celle qui est comprise de quatre lignes droictes.
Apres les figures trilateres viennent en ordre les quadrilatères, ou de quatre costez, c’est à sçavoir les figures contenues soubs quatre lignes droictes lesquelles constituent aussi quatre angles ; & pour ce sont elles souvent appellees quadrangles : ainsi entre les figures précédentes celle cottée B, comprise & enclose de quatre lignes droictes qui constituent quatre angles, sera appellee quadrilatere, ou quadrangle rectiligne ; & y en a de diverses especes cy après declarees : mais la figure cottee E enclose de quatre lignes courbes sera dicte quadrangle curviligne.
23. Figures multilateres, ou de plusieurs costez, sont celles qui sont comprises de plus de quatre lignes droictes.
Le nombre des especes de figures rectlignes estant infiny, Euclide s’est contenté de définir, & particulièrement denommer les deux premières especes cy dessus déclarées, c’est à sçauoir celles contenues foubs trois & quatre lignes droictes : & quant aux autres especes de figures, qui sont contenues & encloses par plus de quatre lignes droictes, il les appelle de ce nom general, mnltilateres : mais les Geometres denommant particulièrement quelqu’unes de ces figures multilateres, prennent leurs denominations du nombre de leurs angles : ainsi les figures cy devant cottees C, & F, lesquelles font comprises & environnees de cinq lignes, qui constituent cinq angles, sont appellees Pentagones : Et celles contenues de six lignes, sont nommées Hexagones ; de sept, Heptagones ; de huict, Octogenes ; de neuf, Enneagones ; de dix, Decagones ; de unze, Endecagones ; de douze, Dodecagones, &c.
24. Or des figures de trois costez, celle se nomme Triangle equilateral, qui a les trois costez egaux.
25. Triangle Isoscele, qui a deux costez egaux seulement.
26. Scalene, qui a les trois costez inegaux.
le triangle qui a tous les trois costez egaux, comme le triangle A, s’appelle triangle equilateral : Mais les triangles qui n’ont que deux costez egaux, comme B & C, s’appellent triangles lsoscelles. Et finalement, le triangle qui a cous les trois costez inégaux, comme D, est nommé triangle scalene. Or les triangles Equilateraux sont toujours uniformes & d’une mesme sorte : mais les isoscelles, & les Scalenes sont diversifiez en infinies manieres.
27. Encores des figures de trois costez, celle se nomme triangle rectangle qui a un angle droict.
28. Ambligone, qui a un angle obtus.
29. Oxigone, qui a les trois angles aigus.
30. Mais des figures de quatre costez ; celle qui a les quatre costés égaux, & les quatre angles droicts s’appelle quarré.
31. Quarré long, qui a les quatre angles droicts, mais non pas tous les costez égaux.
La seconde figure quadrilatere s’appelle quarré long, à cause qu’estat plus long d’une part que de l’autre, elle a tous les quatre angles droicts. Ainsi la fig. quadrilatère ABCD sera appellée quarré lôg, car elle a les quatre angles droicts & non pas tous les costés égaux entr’eux, ainsi seulement les costés opposez AB, DC, qui sont plus longs que les deux autres opposez AD, BC, qui sont aussi egaux entr’eux.
32. Rhombe, qui a les quatre costez egaux, mais non pas les quatre angles droicts.
33. Rhomboide, qui a les angles opposez, & les costez opposez aussi egaux entr’eux, sans estre equilateral, ny rectangle.
34. Toutte autre figure de quatre costez, est appellée trapeze.
35. Lignes droictes paralleles, sont celles qui estans sur un mesme plan, & prolongées infiniment de part & d’autre ne se rencontrent iamais.
Or icy finissent les definitions du premier livre d’Euclide : Mais d’autant qu’en ce mesme livre est souvent parlé de parallelogramme, & de leurs complemens, lesquels Euclide n’a point definy, nous adjousterons icy leurs definitions.
36. Parallélogramme, est une figure quadrilatere qui a les costez opposez parallels, ou equidistans.
Telle figure est tousiours l’une de ces quatre : Quarré, Quarré long, Rhombe, & Rhomboide, car elles ont toutes leurs costez opposés parallels.
37. Mais quand en un parallelogramme on mene un diametre, & deux lignes droictes paralleles aux costez lesquelles couppant iceluy diametre à un méme poinct, divisent le parallelogramme en quatre autres parallelogrammes ; ces deux là par lesquels le diametre ne passe
point, sont appellez complemens ; mais les deux autres par lesquels le diametre passe, sont dicts estre à l’entour du diametre.
1. D’un poinct donné à un autre poinct mener une ligne droicte.
2. Continuer infiniment une ligne droicte donnée & terminée.
3. Descrire un cercle de quelque centre & intervalle que ce soit.
Aux trois petitions precedentes, Clauius a adiousté la suivante.
4. Estant donné quelconque grandeur, on en peust prendre une autre plus grande, ou moindre.
Car d’autant que toute quantité continue peust estre infiniment augmentee par additition, & diminuée par division, il ne se peut donner quantité continue si grande, qu’il ne s’en puisse donner encore une plus grande ; ny une si petite qu’il ne s’en puisse encore donner une plus petite. Ce qui est dit icy touchant l’addition, est aussi veritable aux nombres ; car chaque nombre peut estre augmenté à l’infiny par l’addition continuelle de l’unité, jaceoit qu’en la diminution d’iceluy on parvienne à l’unité indivisible.
1. Les choses esgales à une mesme, sont egales entr’elles.
A ce premier axiome, Clauius a adjousté qu’une chose qui est plus grande ou plus petite qu’une des eales, est aussi plus grande ou plus petite que l’autre : Et si l’une des choses egales est plus grande on plus petite que quelque grandeur, l’autre est pareillement plus grande ou plus petite que la mesme grandeur.
2. Si à choses egales, on adjouste choses egales, les touts sont egaux.
3. Si de choses egales, ou ofte choses egales, les restes sont egaux.
4. Si à choses inegales, on adjouste choses egales, les touts sont inegaux.
A cet axiome Clauius a adjousté, que si à choses inegales on adiouste choses inegales, c’est à sçauoir la plus grande à la plus grande, & la plus petite à la plus petite, les touts sont inegaux, sçavoir est celuy-là plus grand, & cestuy-cy plus petit.
5. Si de choses inegales, on oste choses egales, lès restes sont inegaux.
A ceste notion Clauius adiouste aussi, que si de choses inegales on oste choses inegales, c’est à sçavoir de la plus grande, moins, & de la plus petite, plus ; les restes sont inegaux, sçavoir est celuy-là plus grand, & cestuy-cy plus petit.
Or en toutes les quatre notions precedentes par le mot de choses ou quantitez egales, il faut aussi entendre vne mesme commune à plusieurs ; Car si à choses égales on y en adjouste une mesme commune, les touts seront égaux. Et si de chofes égales on en retranche une commune, les restes seront aussi égaux. Et si a choses inegales on en adjouste une commune, où à une mesme chose commune, on adjouste choses inegales, les tous seront inegaux. Et si de choses inegales ; on en retranche une mesme commune, ou d’une mesme chose, on en retranche d’inegales, les restes seront inegaux.
6. Les choses doubles d’une autre sont egales entr’elles.
Clauius adjouste à cet axiome, que ce qui est double d’une des choses égales est pareillement double de l’autre ; Mais il est aussi manifeste que les choses qui sont triples d’une mesme, ou bien quadruple, ou quintuple, &e. sont égales entr’elles.
7. Les choses qui sont moitiez d’une mesme, sont egales entr’elles.
Il est aussi evident que les choses égales entr’elles sont moitiés d’une mesme : Et semblablement que les choses qui sont tierces parties d’une mesme, ou quartes, ou cinquiesmes, &c. sont aussi egales entr’elles.
En ces deux derniers axiomes, par une mesme quantité on doit aussi entendre les quantitez egales, car les choses doubles, triples, quadruples, &c. de choses egales, sont aussi egales entr’elles ; item, les choses qui sont moitiez, ou tierces parties &c. de choses egales, sont pareillement egales entr’elles. 8. Les choses qui conviennent entr’elles, sont egales entr'elles.
C’est à dire, que deux grandeurs seront egales entr’elles, si estans posees l’une sur l’autre, l’une n’excede l’autre, mais toutes deux ensemble s’adjustent entr’elies : côme deux lignes droites, seront dictes estre egales entr'elles, si l’une estant posee sur l’autre, celle qui est posée dessus s’adjuste à toute l’autre, tellement qu'elle ne l’excede, ny ne soit excedee d’icelle. Ainsi aussi deux angles rectilignes seront egaux entr’eux quand le sommet de l'un, estant posé sur le sommet de l’autre, l'un n’excede l’autre, mais les lignes de l’un tombent totalement sur celles de l’autre : car par ainsi lés inclinations des lignes seront, egales combien que souventefois icelles lignes soient inegales entr’elles. Ainsi aussi deux superficies seront esgaîes entr'elles, quand l’une estant posee sur l’autre, elle ne l’excede, ny n’est excedee par icelle, mais s’adjustent totalement entr’elles. Quelqu’un expliquant cette notion a dit que convenir, c’est avoir ses extremitez sur les extremitez : ce qui n’est pas vray en toutes grandeurs ; Car pour exemple, une ligne droicte peut bien avoir lès extremitez sur les extremitez d’une ligne courbe, laquelle neantmoins, ne luy sera egale. Ainsi aussi une ligne courbe peut bien avoir ses extremitez sur les extremitez d’une autre ligne courbe, laquelle ne luy sera pas pourtant egale. Or il est manifeste que de cet axiome on peut bien convertir & prendre pour principe, que les lignes droictes egales conviennent : Aussi que les angles rectilignes égaux conviennent : Semblablement, Que les superficies planes egales & semblables conviennent. On peut bien encore tirer quelques autres converses de cet axiome : mais de le vouloir convertir universellement (comme quelques-uns) c’est se moquer, veu que si on trouve une ligne courbe egale à une droicte, elles ne conviendront pas pourtant : & aussi qu’à tout angle rectiligne, il s'en peut bailler un curviligne egal, lesquels neantmoins ne conviendront iamais : voire mesme faire un quarré egal à un triangle, ou à quelconque autre figure rectiligne ; lesquels pourtant ne peuvent iamais convenir.
9. Le tout est plus grand que sa partie.
10. Tous les angles droicts sont egaux entr'eux.
De ce principe, nous pouvons convertir & prendre pour maxime, que tout angle rectiligne egal à un angle droict, est aussi droict.
11. Si une ligne droicte tombant sur deux autres lignes droictes, faict les angles interieurs d’un mesme costé plus petits que deux droicts, icelles deux lignes estans. continuées à l'infiny, se rencontreront du costé où les angles sont plus petits que deux droicts.
Comme par exemple, si la ligne droicte AB, tombant sur les deux lignes
droictes CD, EF, & les couppant aux poincts G, H, faict les deux angles intérieurs DGH, FHG, pris ensemble plus A petis que deux droicts, icelles deux lignes CD, EF, estans continuees à l’infiny se rencontreront de la part de D, F, où les susdits angles intérieurs sont faits moindres que deux droicts ; Car il est manifeste que de l’autre costé, sçavoir est vers C, E, l’espace d’entre lesdites deux lignes CD, EF, s’eslargira tousiours de plus en plus ; mais de cestuy cy, il s’estrecira en sorte que finallement icelles lignes se rencontreront à un poinct
12. Deux lignes droictes n’enferment pas un espace.
A ces 12 axiomes, Clauius & autres interpretes d’Euclide, ont encore adiousté les 8 suivans.
13. Deux lignes droictes se rencontrans indirectement n’ont pas un mesme & commun segment.
sa partie & le tout : ce qui est absurde. Donc deux lignes droictes, &c.
Or nous n'avons pas rapporté cet axiome, ny aussi les sept autres suivans, tout de mesme qu’ils se trouvent dans Clauius & autres Interpretes d'Euclide, ains avons changé quelques mots aux uns, & adiousté aux autres, afin d’oster de ceux-là tout doubte & ambiguité, & ne laisser en ceux-cy aucune defectuosité : comme par exemple, en cestuy-cy nous avons adiousté se rencontrant indirectement, pource que deux lignes droi-ctes peuvent bien avoir un commun segment, quand elles sont posees directement, & constituent comme une seule ligne droicte, ainsi qu’il appert icy aux deux lignes droictes DC & BA, qui ont la partie ou segmenc AC commun ; mais quand elles sont posees de travers & indirectement, elles ne peuvent avoir aucune partie cômune outre le poinct leur rencontre.
14. Deux lignes droictes se rencontrans à un poinct indirectement, si elles sont toutes deux prolongees, elles s’entrecoupperont necessairement en iceluy poinct.
15. Si à choses egales on adjouste choses inégales, lexcez des toutes sera le mesme que l’excez des adioustees.
16. Si à choses inégales on adiouste choses egales, l’excez des toutes sera le mesme que l’excez de celles qui estoient au commencement.
Comme si (en la figure precedente) aux grandeurs inegales BE, DF, dont l’excez ou difference est GE, on adiouste les grandeurs inegales AB, CD : il est manifeste que la toute AE excedera la toute CF du mesme excez GE.
17. Si de chofes egalés on retranche choses inegales, l’excez des restantes sera le mesme que l’excés des retranchees.
18. Si de choses inegales on oste choses egales, l’excez des reliantes sera le mesme que l’excez des toutes.
19. Le tout est egal à toutes ses parties prises ensemble.
20. Si un tout est doublé d’un tout, & le retranché du retranché ; le reste sera aussi double du reste.
Sur une ligne droicte donnee & terminee, descrire un triangle équilatéral.
Soit la ligne droicte donnee AB, sur laquelle il faut faire un triangle equilateral.Du centre A, & de l'intervale de AB, soit descrit le cercle BCD : Item, du centre B, & de i’intervalle de la mesme AB, soit descrit un autre cercle A C D, couppant le premier ès poincts C & D, de l'un desquels, sçavoir de G, soient menees les deux lignes droictes CA, & CB : ie dis que le triangle ABC, construit sur la ligne droicte donnee AB, est equilateral.
Car le costé AB, est egal au costé AC, par la 15. deff. d’autant qu’ils procedent de mesme centre vers mesme circonference ; & par la mesme raison, le costé BA est égal au coste BC. Doc par la 1. composent. les costés CA, & CB seront égaux, chacun estant égal à AB : & partant le triangle A B C decrit sur AB, est equilateral qui est ce qu’il falloit faite.Quelques interpretes ont icy enseigné à descrire aussi sur une ligne droicte donnee un triangle isocelle, & un scalent, ce que nous serons aussi en cette maniere, soit une ligne droicte donnee AB, à l'entour de laquelle des centres A & B, soient descrits deux cercles, ainsi que dessus. En apres soit prolongee icelle AB, de part & d'autre
vers les circonférences iusques en C & D : puis du centre A, & intervale AD, soit descrit ie, cercle DEF : Item, du centre B, & intervale EC, le cercle CEF, couppant le premier és poincts E & F, de l’un ou l’autre desquels, sçavoir de E, soient memes aux poincts A & B, les deux lignes EA, EB : Ie dis que le triangle AEB, fait sur la ligne donnee AB, est isocelle, qui est que les deux costez AE, EB, sont egaux entr’eux, & plusgrands que AE. Car d’autant que par la 15 def. AE, est egale à la ligne droicte AD, & icelle AD est double de AB, veu que BA, & DB, sont egales entr’elles ; aussi AE sera double de AB. Derechef, parce que BE est egale à BC, & icelle BC est double de AB aussi BE, sera double d’icelle AB. Veu donc que l’un & l’autre costé AE & BE est double de la mesme AB, ils seront egaux entr’eux par la 6.com, sent. & partant plus grands que la ligne AB. Donc le triangle AEB est isocelle. Maintenant, si du poinct A on tire la ligne droicte AG a la circonference EGF, qui ne sont la mesme que AE, ou AD, couppant la circonference EHD en H, & de G on mene à B la ligne droicte GB, sera constitué le triangle AGB sur la ligne AB, lequel ie dis estre scalene,. Car par la 15.def.tant AH, AD, que BG, BC sont egales. Mais AD, BC sont doubles de AB : d’icelle seront donc aussi doubles AH, BG : & partant plus grandes qu’icelle AB. Veu donc que AG est plus grande que AH, ou que BG : fe triangle AGB sera scalene : ce qu’il falloit faire.Or est icy à noter que pour, briefucté nous mettons souventesfois ce mot ligne au lieu de ligne droicte : & quelquesfois aussi nous posons simplement, ou bien deux lettres capitales : comme par exemple AB au lieu de dire la ligne droicte AB, c’est pourquoy quand on trouvera ledit mot ligne posé simplement, ou bien deux lettres capitales de suite, il faudra entendre une ligne droite. Semblablement quand on trouvera ce mot angle, où trois lettres capitales posees simplement de suite sans aucune explication, il faudra entendre un angle rectiligne, le lieu duquel sera toujours denotté par la lettre du milieu, ainsi que nous avons desia remarqué à la 11. Def.
Et d’autant qu’en la constraction & demonstration de la plus part des problemes de ces Elements-cy, Euclide employe beaucoup de paroles, & tire plusieurs lignes qui ne sont necessaires pour pratiquer lesdits problemes, nous enseignerons en suitte de leurs demonstrations comme on peut facilement & briefvement construire lesdits problemes, & principalement ceux qui sont les plus envsage ckez les Mathematiciens, & en la pratique desquels on peut apporter quelque briefvete.
Premierement donc, pour descrire un triangle equilateral sur une ligne droicte donnee AB, des centres A & B, mais de l’intervalle d’icelle AB, soient descrits deux arcs de cercle s’entrecouppans en C, puis à iceluy poinct C, soient tirees les lignes droictes AC, BC, & sera fait le triangle equilateral ACB, Mais pour descrire un triangle isoscelle sur ladite ligne AB : des centres A & B, mais d’un infernale plus grand qu’icelle AB, fi on veut les costés plus grands que la ligne donnée, ou moindre (& toutesfois plus grand que la moitié d’icelle AB) si on veut les costez moindres : & soient descrits deux arcs s’entrecouppans en C,puis tirées les deux lignes AC, BC, lesquelles seront sur AB le triangle isoscelle ACB.
Et pour construire un triangle scalene sur ladite AB du centre B, & d’un intervalle plus grand que BA soit descrit un arc, puis du centre A, & d’un intervalle encore plus grand que le precedent, soit descrit un autre arc qui couppe le premier en C, auquel poinct soient memes les deux lignes droictes AC, BC, & sera fait le triangle scalene ACB.
Voila donc comme il faut descrire sur une ligne donnée un triangle ou equilateral, ou isoscelle, ou scalene, & sur la 22. prop. de ce livre nous enseignerons comme il faut construire quelconque triangle ayant les trois costez egaux à trois lignes droictes donnees.
PROB. 2. PROP. II.
D’un poinct donné, mener une ligne droicte egale à une ligne droicte donnee.
Soit le poinct donné A, & la ligne droicte donnee BC ; & il faut du poinct A mener une ligne droicte egale à icelle donnée BC.
De l’un ou l’autre extreme de la ligne donnee BC, sçavoir est de B, comme centre, & de l’intervalle d’icelle BC, soit descrit le cercle CG : puis du poinct donné A, au centre B, soit menee la ligne droicte AB (sinon que le poinct A fut donné en la ligne BC, comme en la 2. fig.) sur laquelle ligne AB par la precedente proposition soit descrit le triangle equilateral ADB, & soit continué le costé DB, iusques à ce qu’il renconrencontre la circonference en G : mais le costé DA tant qu’on voudra en E. En apres, du centre D, & de l’intervalle de la ligne droicte DG, soit descrit le cercle GKL couppant la ligne DE en L : Ie dis que la ligne AL, qui est menee du poinct donné A, est egale à la ligne droicte donnee BC.
Cari les lignes droictes DG & DL sont egales, d’autant qu’elles procedent de mesme centre vers une mesme circonference, desquelles lignes si on oste DA & DB,qui sont egales, estant DAB triangle equilateral ; les restantes BG & AL seront aussi egales par la 3. com. sent. Mais BG est egale à BC, parce qu’elle procede de mesme centre vers mesme circonference. Donc AL sera egale à BC, parce que les choses egales à une mesme sont egales entr‘elles. Nous avons donc un poinct donné A mené la ligne droicte AL egale à la ligne droicte donnee BC. Ce qu’il falloit faire.
SCHOLIE.
Ce problème peut avoir divers cas : car où le poinct donné est posé en la mesme ligne droicte donnée, ou hors icelle : & selon chacune de ces positions il y peust encor avoir divers cas, deux desquels seulement nous avons rapporté icy, d'autant qu'en tous les autres cas il y a tousiours une mesme construction & demonstration.
Que si en la construction on fait sur la ligne droifcte AB le triangle ABD isoscelle au lieu qu'il a esté fait equilateral, on demonstrera en la mesme maniere la ligne droicte AL estre egale a la ligne droicte BC.
Quant a la pratique de ce probleme, elle est fort facile : car il n'y a qu'à prendre la ligne donnee BC, & de son intervalle descrire un arc du centre A, & quelconque ligne droicte menée d’iceluy centre a cet arc, sera egale à la ligne droict donnee BC.
PROB. 5. PROP. III.
Deux lignes droictes inegales estans donnees, oster de la plus grande, une ligne droicte egale à la plus petite.
Soient les deux lignes droictes inegales AB & C, desquelles AB est la plus grande : & d’icelle il faut oster une ligne egale à C.
A l’un ou l’autre des extremes de la plus grande ligne AB, sçauoir est au poinct A, soit posee par la precedente prop. la ligne drocite AD egale à la moindre C : puis du centre A, & de l’intervalle AD soit descrit un cercle couppant AB en E, Ie dis que la ligne AE est egale à C. Car d’autant que par la 15. def. les lignes droictes AD, AE sont egales : & par la construction AD, est egale à C ; par la 1. com. sent. AE sera aussi egale à C. Nous avons donc osté de AB, la ligne AE egale à C, ainsi qu’il falloit faire.
SCHOLIE.
Il y peut bien avoir divers cas en ce problème, à cause des diverses positions ausquelles se peuvent rencontrer les deux lignes donnees, mais en tous ces cas-là on peut tousiours faire la mesme construction & demonstation que cy-dessus, comme Proclus a fort bien remarqué fur ceste prop.
Quant à la pratique de ce probleme, elle est tres-aisee, veu qu’il n’y a qu’à prendre la moindre ligne donnee, & de l’intervalle d’icelle, descrire de l'un ou l'autre extreme de la plus grande ligne un petit arc, qui couppera d’icelle, une ligne egale a la moindre donnée.
THEOREME I. PROP. IV.
Si deux triangles ont deux costez egaux à deux costez, chacun au sien, & l’angle contenu d'iceux, egal a l'angle : la base sera egale à la base, & les autres angles egaux aux autres angles, chacun au sien, & le triangle egal au triangle.
Soient les deux triangles ABC & DEF, desquels le costé AB soit egal au costé DE, & AC à DF, & l’angle A egal à l’angle D : Ie dis que la base BC sera egale à la bafe EF, & l’angle B egal à l’angle E, & l'angle C à l’angle F, & le triangle ABC egal au triangle DEF.
Qu ’il ne soit ainsi ; si on entend le triangle DEF, estre posé sur le triangle ABC, en sorte que le poinct D soit sur le poinct A, & que DE tombe sur AB, aussi DF tombera sur AC : autrement l’angle A ne seroit pas egal à l’angle D. Et d’autant que les costez AB & AC sont egaux aux costez DE & DF, chacun au sien, ils conviendront par la 8. com. sent. convertie, & partant les extremitez E & F tomberont sur les extremitez B & C ; ainsi la base EF conviendra auec la base BC : car si elle ne convenoit, elle tomberoit ou au dessus d’icelle BC, comme BGC, ou au dessous, comme BHC : ce qui est impossible, attendu que deux lignes droictes ne peuvent enclore une espace par la 12. com. sent. Donc les deux bases BC, & EF conviendront, & partant seront egales entr’elles par la susdite 8. com. sent. Et par ainsi tout le triangle DEF conviendra avec tout le triangle ABC, consequemment egal à iceluy, & l'angle B convienndra aussi avec l'angle E, & l'angle C avec l'angle F, partant égaux. Si donc deux triangles ont deux costez egaux à deux costez, chacun au sien, &c. Ce qu'il falloit demontrer.
Euclide met deux conditions en ce theoreme qui y ſont du tout neceſſaires, la Premiere deſquelles eſt que deux coſtez d’un triangle ſoient egaux aux deux coſtez de l’autre chacun au ſien : & la ſeconde, que les deux angles contenus d'iceux coſtez egaux, ſoient auſſi egaux Car defaillant l'une ou l’antre de ſes deux conditions, ny les baſes, ny les autres angles ne pourroient iamais eſtre egaux : & la derniere defaillant, les triangles peuuent bien eſtre quelquefois egaux, mais le plus souuent ils ſont inegaux : ce que nous pourrions facilement demonſter : icy n'eſtoit que pluſieurs choſes à ce requiſes n’ont encore eſté demonſtrees : neantmoins afin de rendre aucunement euidente la neceßité des ſuſdites conditions nous rapporterons icy ce qu'en dit Proclus ſur ceſte propoſition, & Clauius apres luy.
Pour la premiere condition de ce theoreme, ſoient deux triangles ABC, DEF, ayans les angles A & D egaux aux deux coſtez DE, DF, non cha- cun au ſien, mais ces deux-là pris enſemble egaux à ces deux-cy außi pris enſemble : & ſoit AB3 & AC4, qui adiouſtez enſemble font 7, mais DE ſoit 2, & DF 5, qui Vont außi enVemble 7. Ce qu'eſtant ainſi, la baſe BC BC ſera 5, & la baſe EF, racine quarree de ce nombre 29, laquelle eſt plus grande que 5, mais moindre que 6, & l'aire ou ſuperficie du triangle ABC ſera 6 : mais l'aire du triangle DEF ne Vera que 5. Finalement les angles ſur la baſe BC ne ſeront pas egaux aux angles de deſſus la baſe EF, chacun au ſien. Toutes leſquelles inegalitez adviennent à cauſe de ce que les coſtez AB, AC ne ſont pas egaux aux coſtez DE, DF chacun au ſien. Quant a la ſeconde condition : les coſtez AB, AC du triangle ABC ſoient égaux aux coſtez DE, DF du triangleDEF, chacun au ſien, & chacun d’iceux ſoit 5, mais les angles A & D contenus d’iceux coſtez ſoient inégaux, & ſoit plus grand que D. Toutes leſquelles choſes eſtans ainſi, la baſe B C ſera plus grande que la baſe EF, comme il ſera demonſtré en la 14. prop, de ce liure.
Que ſi nous poſons la baſe IC eſtre 8, & la baſe EF 4, l'aire du triangle ABC, ſera 12 ; mais l'aire du triangle DEF ſera la racine quarree de ce nombre 84, laquelle eſt plus grande que 9, mais moindre que 10. Ce qui eſt très-bien cogneu des Geometres.
Et afin qu'on n’eſtime pas que ceſte inégalité aduienne a raifon de ce que tous les quatre coſtez des triangles ſont egaux, & rendre tant plus manifeſte la neceßité de
la ſeconde condition de ce theoreme, ſont vn triangle ABC duquel le coſté AB ſoit moindre que le coſté AC, & außi que la baſe BC. Du centre : A & de l’interualle du petit coſté AB, ſoit deſcrit vn cercle BDE qui couppera tant le plus grand coſté AC, que la baſe BC ; Car autrement il paſſeroit ou par ie poinct C, ou au-delà d’iceluy ; ce qui eſt abſurde, veu que toutes les lignes droites tirées du centre A à la circonférence du cercle BDE, doiuent eſtre. égales entr’elles par la 15. def. Qu’il couppe donc la baſe BC en D, & ſoit tirée la ligne AD. Par la meſme 15. def ? AB eſt égalé a AD & à AC eſt commun à tous les deux triangles ABC, ADC, & partant iceux triangles auront les deux coſtez, AB, AC égaux aux deux coſtez AD, AC, chacun au ſien ; mais l’angle DAC, contenu des deux coſtez AD & AC n’eſt que partie de l’angle BAC, contenu des coſtez egaux à ceux-là ; & partant la baſe DC ne fera außi que partie de la baſe BC 21, le coſté AD ſera außi 13, & la baſe DC 11 ; mais l’aire ou contenu du triangle ABC ſera 126, & celuy du triangle DAC ne ſera que 66. Donc afin que de deux triangles les baſes ſoient égales entr’elles, & leurs angles außi égaux entr’eux, & pareillement les trian-gles égaux ; il eſt du tout neceſſaire que non ſeulement chaque coſté de l’vn ſoit égal a chaque coſté de l’autre, mais außi que les angles contenus d’iceux coſtez ſoient égaux entr’euxt comme a fort bien dit Euclide.Finallement, nous remarquerons vne fois pour toutes qu’Euclide n’entend parler en ces Elemens cy que des triangles rectilignes, car combien que cette propoſition & pluſieurs autres ſi puiſſent faire generales eſtans ueritables, tant au regard des triangles rectilignes que des ſpheriques, ſi eſt-ce toutefois que celà n’aduient pas en toutes propoſitions, comme on peut voir en noſtre traité des triangles ſpheriques, c’eſt pourquoy nous eſtendrons toutes ſes propoſitions ſeulement aux triangles rectilignes, encores qu’Euclide ne les ſpecifie pas.
Les triangles Iſoſceles, ont les angles ſur la baſe égaux : & les coſtez égaux eſtans continuez, les angles extérieurs ſous la baſe ſont egaux.
Soit le triangle iſoſcele ABC : Ie dis premièrement que les angles ABC, & ACB, ſur la baſe BÇ, ſont egaux.
Qu’il ne ſoit ainſi. Soient prolongez AB & AC, coſtez égaux iuſques en D & G ; & ſoit fait AF egale à AG par la 3. prop. & Voient menees les lignes BG & C. Les deux triangles ABG, & ACF, ayans l’ang]é A commun, ont les deux coſtez AB & AG égaux aux deux coſtez AC & AF, chacun au ſien ; & par 4. propoſition, la baſe BG ſera egale à la baſe CF, & l’angle ABG egal à l’angle ACF, & l’angle C egal à l’angle F. Item les triangles GCB