Excursion aux Antilles françaises/Marie-Galante

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H. Lecène et H. Oudin (p. 197-203).

MARIE-GALANTE



Marie-Galante ou Galande est la plus grande des dépendances de la Guadeloupe. Elle fut découverte par Christoph Colomb à son second voyage, en 1493, d’après certains auteurs ; au troisième seulement, en 1494, d’après certains autres. Nous nous rangeons à la première opinion.

Son nom est probablement celui du navire qui portait Colomb, à moins qu’elle ne le doive à l’impression agréable qu’elle produisit sur l’esprit de l’illustre voyageur.

Son histoire peut tenir en quelques lignes. Occupée pour la première fois par des Français en 1647, prise et reprise plusieurs fois par les Anglais ou les Hollandais, restituée définitivement à la France en 1763, au traité de Paris, elle a constamment subi les mêmes vicissitudes de fortune que sa sœur aînée, la Guadeloupe. Marie-Galante est située à 27 kilomètres sud-ouest de la Capesterre, à 48 kilomètres sud de la Pointe-à-Pitre, par 16° latitude nord et 63° 30′ longitude ouest, entre la Guadeloupe et la Dominique, dont elle est séparée par un canal de 33 kilomètres.

L’île, de forme arrondie, a 87 kilomètres de tour, et compte environ 16.500 habitants.

Elle appartient au même soulèvement volcanique que la Guadeloupe. Ses côtes sont bordées par de hautes falaises qui surplombent à pic l’Océan, de la pointe du Nord à la pointe du Gros-Cap, au sud-est, et par des plages de sable depuis la pointe Saragot. Elles sont défendues presque partout par plusieurs rangs de cayes, récifs à fleur d’eau qui rendent l’abordage des plus dangereux, et sur lesquels, même par les temps les plus calmes, les lames se brisent avec un bruit terrible. L’extrémité méridionale de l’île est marquée par la pointe des Basses.

Marie-Galante a une petite chaîne de mornes qui ne dépasse pas 205 mètres d’altitude, mais qui envoient presque jusqu’à la côte de nombreux contreforts. Ils s’étagent du nord au sud en formant deux plateaux. De ces ondulations de terrain s’élancent une foule de ruisseaux, dont les lits sont le plus souvent à sec, mais qui se transforment pendant l’hivernage en torrents impétueux. Citons entre autres la rivière du Vieux-Port et la rivière Saint-Louis. Ses habitants ne peuvent compter sur ces auxiliaires capricieux, et l’on a dû, pour suppléer à leur insuffisance, creuser de vastes citernes où s’emmagasinent les eaux de pluie.

Le sol de l’île est d’une grande fertilité. Du sommet des collines descendent vers la plaine de vertes et vigoureuses forêts, où se pressent des arbres aux riches essences tinctoriales, et les vallées produisent du tabac, de l’indigo, etc. La culture de la canne à sucre a remplacé presque complètement celle du café, qui fut la principale jusqu’en 1789.

C’est à tort, on le voit, que les colons des îles voisines se permettent de plaisanter les habitants de celle-ci sur une pénurie de produits végétaux qui n’existe que dans leur imagination. À les en croire, il ne pousserait à Marie-Galante que des sapotilliers, et, dans le langage familier, c’est une injure plaisante à faire à un Marie-Galantais que de l’appeler mangeur de sapotilles en daube. Le sarcasme est assez comique, mais il porte à faux.

Dans la partie sud-ouest, malheureusement marécageuse et malsaine, on rencontre de riches pâturages où s’élève d’elle-même et dans une liberté presque absolue, une race particulière de petits chevaux justement renommés. Le Père Labat disait de Marie-Galante qu’elle produisait à peu près tout ce qui est nécessaire à la vie, et que si l’on voulait en prendre soin, il s’y ferait une très belle colonie.

Le climat ne diffère de celui de la Guadeloupe que par une élévation de température un peu plus grande ; le thermomètre marque souvent, à l’ombre, de 33 à 35° C. ; la moyenne est de 26°5.

L’établissement principal de Marie-Galante s’est appelé indifféremment, Marigot ou ville de Joinville, ou Grand-Bourg ; maintenant cette dernière dénomination subsiste à peu près seule. C’est une assez gracieuse petite ville, avec une dizaine de rues bien percées, quelques places spacieuses et une jolie église. Elle doit son importance à ce fait que sa rade est le point par où les navires peuvent le plus facilement aborder et qu’il leur est permis d’y mouiller en toute sécurité. Par contre, Grand-Bourg est entouré de terres basses et marécageuses, qui en rendent le séjour malsain. Après Grand-Bourg, c’est la Capesterre, au centre d’une longue plage de sable, sur un sol calcaire et madréporique. C’est dans ce bourg, composé d’une seule rue, qu’on charge les sucres du nord et de l’est de l’île.

On rencontre ensuite, sur la côte ouest, le bourg de Saint-Louis et la baie du même nom, que fréquentent surtout les navires de guerre. « Entre ce village et le Grand-Bourg, s’étend une grande plaine couverte de raisiniers et de mancenilliers, véritable nid à fièvres[1]. »

Enfin, avant d’arriver à la pointe du Nord, nous remarquons le bourg du Vieux-Fort, en face duquel est l’îlot de ce nom. Le quartier du Vieux-Fort est sans aucune importance ; situé sous le vent et couvert de palétuviers et de marais, il est extrêmement insalubre.

Signalons en dernier lieu la Petite-Terre, située à 3 kilomètres environ de la Pointe-des-Châteaux. Cette terre, d’une contenance de 343 hectares, est formée de deux îles : Terre de Haut et Terre de Bas, séparées par un canal d’une largeur minimum de 200 mètres, élevées à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer. On y remarque un feu fixe, blanc, élevé de 36 mètres et ayant une portée de 15 milles. L’île, couverte d’arbres, très sèche, produit des cocos et quelques vivres ; ses habitants y vivent de la pêche.



  1. A. Bouinais, Guadeloupe, politique économique, p. 58.