Expédition française contre les Ovas/1

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MADAGASCAR.Expédition française contre les Ovas. — Les divers points que la France possède depuis près de 200 ans sur la côte orientale de l’île de Madagascar ayant été envahis par la tribu des Ovas qui tenait sous la plus violente oppression des peuples de cette côte, depuis long-temps nos ficèles alliés, le roi, sur un rapport de M. le baron Hyde de Neuville, en date du 29 janvier 1829, a ordonné qu’une expédition serait dirigée sur Madagascar, à l’effet de faire reconnaître par les Ovas, soit en employant la voie des négociations, soit en recourant, s’il y avait lieu, à la force, les droits de la France à la possession des points envahis.

L’expédition est partie de Bourbon au mois de juin dernier, sous le commandement de M. le capitaine de vaisseau Gourbeyre : elle se composait de la frégate la Terpsichore, de la gabarre l’Infatigable et du transport le Madagascar. Plus tard, ces bâtimens ont été rejoints par l’aviso le Colibri, par la corvette de charge la Nièvre et par les gabarres la Chevrette et la Zélée.

Conformément à ses instructions, le premier soin du commandant de l’expédition a été d’informer la reine des Ovas, qui réside à Émirne, de l’objet de sa mission et des intentions pacifiques de la France. Cette communication indiquait toutefois un délai au-delà duquel le silence du gouvernement des Ovas serait considéré comme un refus de reconnaître nos droits, et le signal des hostilités.

En attendant la réponse de la reine et l’ouverture des négociations qu’il présumait devoir en être la suite, le commandant de l’expédition fit prendre possession de Teintingue qui se trouve placé presque vis-à-vis de l’île de Sainte-Marie, que nous n’avons pas cessé d’occuper. Teintingue était depuis long-temps abandonné par les Ovas.

Un fort a été élevé. Le pavillon blanc y a été arboré le 18 septembre, et c’est avec le plus vif enthousiasme que nos soldats ont juré de le défendre.

Pendant que le commandant de l’expédition pourvoyait à l’établissement du fort de Teintingue, il apprit que les Ovas avaient interdit, sous peine de mort, aux Malgaches, d’y apporter des vivres ; que partout les Français étaient l’objet de leurs insultes, et que même un traitant de Bourbon tombé entre leurs mains avait été fait esclave et vendu par un chef Ova ; traitement jusqu’alors sans exemple de la part de ces peuples barbares.

Le délai accordé au gouvernement d’Émirne pour faire connaître sa détermination étant expiré sans qu’aucune réponse fût parvenue, M. le capitaine de vaisseau Gourbeyre quitta Teintingue dans les premiers jours d’octobre et se porta avec la Terpsichore, la Nièvre et la Chevrette sur Tamatave, où les Ovas avaient un établissement assez important.

Le 10 octobre, l’expédition arriva devant Tamatave. M. Gourbeyre rend compte, dans les termes suivans, de ses opérations : « Pendant que les bâtimens s’embossaient à 300 toises du fort, un officier fut envoyé à terre pour annoncer que je venais recevoir la réponse du gouvernement Ova, dont je voulais connaître les dernières résolutions. Le général qui commandait à Tamatave me fit dire qu’il n’avait pas de lettre pour moi, et qu’il ignorait les intentions de la reine.

« Le lendemain, toutes les dispositions étant faites pour le combat, un des officiers de la Terpsichore se rendit au fort pour demander au général s’il avait des pouvoirs pour traiter ; et, sur sa réponse négative, il lui remit une déclaration de guerre au gouvernement Ova ; il lui remit également une lettre où je lui annonçais que les hostilités allaient immédiatement commencer.

« Il était 8 heures du matin, quand cet officier me rendit compte de sa mission. Je fis aussitôt commencer le feu, et quelques instants après, le fort de Tamatave n’existait plus. Les boulets et la mitraille couvraient la plage et traversaient le fort : quelques boulets bien dirigés causèrent l’explosion du magasin à poudre ; il n’y avait pas un quart-d’heure que l’action était commencée, et déjà tous les bâtimens et les bagages étaient devenus la proie des flammes. Le général, les principaux officiers, entraînés par leurs soldats épouvantés, fuyaient dans toutes les directions ; ils croyaient échapper à la mort que plusieurs trouvèrent sous leurs pas ; car nos boulets les atteignaient dans leur retraite.

« Pour compléter notre succès, j’expédiai, dès 8 heures et quart, les troupes de débarquement sous les ordres de M. Fénix, capitaine au 16e régiment d’infanterie légère. Ces troupes se composaient de 58 marins des 9e et 32e équipages de ligne, de 140 soldats du 16e léger, et de 40 soldats africains de la garnison de Sainte-Marie : en tout 338 hommes.

« Un détachement d’Ovas voulut s’opposer au débarquement ; mais deux coups de canonade, tirés par la chaloupe de la Terpsichore, les dispersèrent, et la colonne, éclairée par deux détachemens de tirailleurs, se mit en marche pour poursuivre l’ennemi.

« À 8 heures et demie, nos troupes approchant du fort, je fis cesser le feu des bâtimens. Les Ovas voulurent alors mettre un peu d’ordre dans leur retraite ; ils essayèrent même de présenter la bataille, mais ils ne tinrent pas long-temps devant les soldats français ; bientôt ils furent dans une déroute complète, beaucoup laissèrent leurs armes sur le champ de bataille ; une vingtaine tombèrent sous les coups de nos tirailleurs.

« Dès neuf heures du matin, le pavillon du roi flottait sur les ruines du fort. Nos soldats et matelots campèrent sur le champ de bataille. Les Ovas se réfugièrent dans les montagnes d’Ivondrou, à 4 lieues de Tamatave.

« Nous avons trouvé dans le fort :

« Vingt-trois canons ou caronades,

« Un pierrier ;

« Deux cent douze fusils.

« Nous n’avons eu que deux blessés : ce sont deux tirailleurs du 16e léger.

« J’ai été on ne peut plus satisfait de la conduite des officiers, sous-officiers et soldats de l’expédition. À terre comme à bord, nos conscrits se sont montrés dignes de marcher à côté de nos vieux soldats ; quelques-uns figuraient parmi nos chefs de pièce.

« La leçon a été forte ; j’espère qu’elle sera efficace.

« J’ai offert au général Ova les secours de nos chirurgiens pour ses blessés ; j’attends sa réponse.

« Les Ovas, retirés au-delà de la rivière d’Ivondrou, se croyaient en sûreté derrière leurs remparts ; ils appelaient près d’eux les Betrionzaracs, leur défendaient, sous peine de mort, de nous porter des vivres, et leur persuadaient que les soldats français, loin de leurs vaisseaux, étaient sans courage, et n’osaient jamais s’éloigner du rivage hors de la portée de leurs canons. Il me parut nécessaire de donner à ces peuples une haute opinion de notre supériorité. Malgré les difficultés qu’opposait la nature des localités, je fis attaquer les Ovas par un détachement commandé par le capitaine d’artillerie de marine Shœel. Le parapet construit par eux fut emporté à la bayonnette. Alors la déroute devint générale : fuyant dans deux directions différentes, une partie des Ovas se jetèrent dans les montagnes, où ils ne purent être poursuivis ; les autres gagnèrent la rivière, sur les bords de laquelle, atteints par quelques voltigeurs et un détachement de noirs Yoloffs, ils trouvèrent la mort. Ces derniers ont fait preuve de beaucoup d’intrépidité ; ils se sont montrés dignes de combattre dans nos rangs. Nous n’avons eu dans cette affaire que deux soldats blessés. Tout le monde a fait son devoir. »

La correspondance de M. le capitaine de vaisseau Gourbeyre s’arrête au 16 octobre, le jour même où a eu lieu l’affaire d’Ivondrou. Il est permis d’espérer que nos succès ayant répandu l’effroi parmi les Ovas, des propositions pacifiques n’auront pas tardé à être faites. S’il en était autrement, toutes les mesures sont prises pour repousser l’ennemi, dans le cas où il oserait nous attaquer, et pour assurer la conservation des avantages que nous avons obtenus.

M. le capitaine de vaisseau Gourbeyre a déployé dans cette circonstance beaucoup d’activité et une grande énergie.