Exposé élémentaire de la théorie d’Einstein et de sa généralisation/relativité généralisée

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II. — RELATIVITÉ GÉNÉRALISÉE.
Note 11.
Les tenseurs.

1o TRANSFORMATION DU DÉPLACEMENT ÉLÉMENTAIRE. — Passons d’un système de coordonnées (, , , ) à un autre (, , , ) l’élément de ligne se transforme d’après les quatre équations

.....................

qu’on résume sous la forme abrégée

(11-1)

étant le même indice dans les deux membres et la sommation étant faite, pour chaque indice , en remplaçant successivement par 1, 2, 3, 4.

2o QUADRIVECTEURS. — Tout groupe de quatre quantités qui se transforment suivant la même loi que les .

(11-2)

constitue un quadrivecteur ou tenseur de premier ordre contrevariant. On met l’indice en haut (sauf pour qui est cependant contrevariant).

Tout groupe de quatre quantités (indice en bas) qui se transforment suivant la loi

(11-3)

constitue un quadrivecteur ou tenseur de premier ordre covariant.

On voit facilement que

(11-4)

invariant.

Un invariant, appelé aussi scalaire, est un tenseur d’ordre nul.

Remarque. — La sommation est faite par rapport à l’indice qui figure deux fois sous le signe Cet indice n’a pas de signification propre puisque dans l’expression complète d’une même composante on lui donne successivement les valeurs 1, 2, 3, 4 : on l’appelle indice muet. La lettre qui le désigne peut être à volonté remplacée par une autre pourvu que la nouvelle lettre ne figure pas déjà dans le terme considéré. Dans la suite nous supprimerons le  ; il sera sous-entendu qu’on doit toujours sommer par rapport aux indices muets, faciles à reconnaître d’après ce qui vient d’être dit.

3o TENSEURS D’ORDRE SUPÉRIEUR. — Seize grandeurs qui se transforment suivant la loi

(11-5)

sous-entendu

sont les composantes d’un tenseur du second ordre contrevariant.

Seize grandeurs qui se transforment suivant la loi

(11-6)

forment un tenseur du second ordre covariant.

On généralise aisément pour définir des tenseurs d’ordre . Un tenseur d’ordre possède composantes (dans une multiplicité à 4 dimensions). Un tenseur qui participe à la fois des deux modes de transformation est dit mixte : il est contrevariant vis-à-vis de certains indices et covariant vis-à-vis des autres.

Ex. :

Un tenseur tel que est dit symétrique par rapport à et . Un tenseur tel que est dit symétrique gauche par rapport à et . Un tenseur symétrique gauche d’ordre 2 possède six composantes distinctes (au signe près) : il n’y a pas de tenseur symétrique gauche d’ordre supérieur à quatre (du moins dans une multiplicité quadridimensionnelle).

4o MULTIPLICATION. — Si l’on multiplie deux à deux les composantes d’un tenseur d’ordre et celles d’un tenseur d’ordre , on obtient un tenseur d’ordre .

Ex. :

5o CONTRACTION. — Partant d’un tenseur mixte, on peut former un tenseur d’ordre inférieur de deux unités en égalant un indice de caractère covariant et un indice contrevariant. Ex. : soit  ; imposons la condition , nous obtenons qui n’est plus que du second ordre et peut se représenter par Une multiplication suivie de contraction se nomme multiplication intérieure.

6o PROCÉDÉS POUR RECONNAÎTRE LE CARACTÈRE TENSORIEL. — a) Lorsqu’un groupe de quantités déterminées par indices est tel que

(11-7)

invariant

pour un choix arbitraire d’un tenseur à indices, dont covariants et contrevariants, on peut affirmer que est un tenseur contrevariant d’ordre et covariant d’ordre

Ex. : Si invariant, est un tenseur

Ce résultat est encore exact si pour un quadrivecteur quelconque le produit intérieur invariant, à condition que

b) Un groupe de quantités dont le produit intérieur par un quadrivecteur arbitraire est un tenseur est lui-même un tenseur.

Ex. : si est un quadrivecteur covariant, est un tenseur covariant.

7o TENSEURS FONDAMENTAUX. — Dans l’expression de l’invariant

(11-8)

est un quadrivecteur covariant arbitraire ; donc d’après l’une des règles précédentes qui est symétrique, est un tenseur covariant. C’est le tenseur covariant fondamental. Le tenseur contrevariant fondamental s’obtient en écrivant le déterminant des formant le mineur de chacun des et divisant ce mineur par la valeur du déterminant. D’après une propriété des déterminants on a :

(11-9)

ou selon que ou

Posons est le tenseur mixte fondamental. Il jouit de la propriété d’avoir les mêmes composantes (égales à 1 pour et à 0 pour ) dans tous les systèmes.

Remarquons qu’en contractant ce tenseur nous obtenons

(11-10)

Remarquons aussi que est un opérateur de substitution, car

(11-11)

8o TENSEURS ASSOCIÉS. — Les trois tenseurs fondamentaux permettent de transformer les tenseurs par multiplication intérieure, c’est-à-dire de construire de nouveaux tenseurs en faisant passer à volonté un indice de bas en haut et inversement. Les trois tenseurs contrevariant, mixte et covariant

(11-12)

est indice muet

sont dits tenseurs associés.

Tout tenseur d’ordre pair permet de former un invariant appelé invariant contracté ; il suffit d’amener la moitié des indices en haut, la moitié en bas et de contracter complètement.

9o LONGUEUR GÉNÉRALISÉE. CONDITION D’ORTHOGONALITÉ. — Dans la théorie vectorielle ordinaire (3 dimensions) le produit scalaire de deux vecteurs et est :

(11-13)

Le carré de la longueur d’un vecteur est le produit scalaire du vecteur par lui-même. Deux vecteurs sont orthogonaux si

Pour les quadrivecteurs, en coordonnées arbitraires, le scalaire

(11-14)

est la généralisation du produit scalaire (11-13).

Le carré de la longueur généralisée d’un quadrivecteur (ou ) est le scalaire

(11-15)

et la condition d’orthogonalité de deux quadrivecteurs ( ou ) est

(11-16)

ou

10o DENSITÉ TENSORIELLE. — Le déterminant des est toujours considérons on démontre que :

(11-17)

invariant

En coordonnées galiléennes, , ,  ; et l’invariant (élément d’hypervolume, voir note 7).

Soit un tenseur, on appelle densité tensorielle l’expression

(11-18)

On peut toujours choisir les coordonnées de façon qu’en tout point-événement . Ce choix simplifie souvent les calculs.

11o SYMBOLES DE CHRISTOFFEL. — Nous ferons usage des symboles

(11-19) (pas de sommation).
(11-20) (sommation par rapport à l’indice muet ).

Les grandeurs représentées par les symboles sont nulles en coordonnées galiléennes (les sont constants). Ces symboles sont symétriques en et Il faut noter que ce ne sont pas des tenseurs.

12o DÉRIVÉE COVARIANTE. — La dérivée d’un scalaire est un quadrivecteur covariant, mais la dérivée d’un quadrivecteur n’est pas un tenseur. Soit un quadrivecteur covariant on démontre que les quantités

(11-21)

constituent un tenseur covariant, appelé dérivée covariante de

De même

(11-22)

est la dérivée covariante du quadrivecteur contrevariant.

Généralisation. — Soit un tenseur quelconque, par exemple ; sa dérivée covariante est le tenseur :

(11-23)

 

La dérivée covariante remplace, dans les équations tensorielles exigées par le principe de la relativité, la dérivée ordinaire qui en est la forme dégénérée, en coordonnées galiléennes (car en coordonnées galiléennes les symboles de Christoffel sont nuls).

Supposons qu’on déplace un vecteur suivant un certain contour. Dans un espace euclidien et en coordonnées galiléennes, la condition nécessaire et suffisante pour que le vecteur reste de même longueur et parallèle à lui-même pendant le déplacement est ou Cette condition étant la forme dégénérée de l’équation tensorielle (ou nous dirons que l’annulation de la dérivée covariante d’un quadrivecteur en tout point d’un contour exprime un « déplacement sans variation absolue » (Eddington) ou un « déplacement parallèle » (Weyl) bien qu’il ne puisse, en général, être question de parallélisme au sens de la géométrie euclidienne.

13o QUELQUES FORMULES UTILES. — On démontre que

(11-24)

et

(11-25)

(11-26)

(11-27)

14o DIVERGENCE. — Dans la théorie vectorielle ordinaire, on appelle divergence le scalaire

(11-28)

ou

La généralisation est immédiate. Pour un quadrivecteur contrevariant, la divergence est la dérivée covariante contractée (scalaire).

Introduisant la densité tensorielle, et tenant compte de (11-27)

(11-29)

La divergence d’un tenseur du second ordre est, de même, la dérivée covariante contractée : c’est un quadrivecteur.

a) Tenseur mixte . — La divergence est ( devient indice muet)

(11-30)

ou

(11-31)

expression qui, lorsque est symétrique, se simplifie

(11-32)

b) Tenseur contrevariant . — La divergence est  : en introduisant les densités tensorielles, on trouve

(11-33)

le dernier terme disparaît lorsque le tenseur est symétrique gauche.

Dans la théorie vectorielle, l’annulation de la divergence d’un vecteur exprime la continuité du flux de ce vecteur. Dans la théorie de l’univers quadridimensionnel, où intervient une coordonnée de temps, l’annulation d’une divergence est la condition la plus générale de conservation ou de permanence d’un quadrivecteur ou d’un tenseur.

15o LE TENSEUR DE RIEMANN-CHRISTOFFEL. — La dérivée covariante du tenseur est identiquement nulle. On peut cependant former un tenseur par différenciation à partir du tenseur fondamental seul.

Formons la dérivée seconde covariante d’un vecteur arbitraire , puis le tenseur , le calcul donne

(11-34)

Puisque est arbitraire et que est un tenseur, la dernière des règles indiquées (no 6) montre que est un tenseur. Il n’est constitué que par les et leurs dérivées ; c’est un tenseur d’Univers.

Le tenseur contracté est

(11-35)
  ( et sont des indices muets)

qu’on peut écrire, en utilisant (11-27)

(11-36)

Les deux derniers termes disparaissent si l’on choisit les coordonnées de manière que ,

Enfin, en multipliant par on forme l’invariant contracté

(11-37)

qu’on démontre être une généralisation de la courbure de Gauss.

Note 12.
Gravitation et dynamique.

1o LOI DE LA GRAVITATION DANS LE VIDE. — Si l’Univers est euclidien, et si l’on prend des coordonnées galiléennes, toutes les composantes de , s’annulent car tous les symboles de Christoffel sont nuls. Mais alors ces composantes s’annulent aussi dans tout autre système de coordonnées (propriété fondamentale des tenseurs, les équations de transformation des composantes étant linéaires et homogènes). L’annulation du tenseur de Riemann-Christoffel est donc une condition nécessaire pour que l’Univers soit euclidien. On démontre que cette condition est suffisante.

Si l’on admet que l’Univers est euclidien à distance infinie de toute matière, la loi de la gravitation dans le vide est nécessairement (voir chap. x).

Mais si l’Univers est courbe dans son ensemble et si l’espace est fini, il n’est plus nécessaire de conserver comme solution limite, et la covariance est respectée si l’on pose

(12-1)

étant une constante universelle certainement très petite. Pour le moment nous supposerons

est la seule expression générale d’un tenseur du second ordre, fonction seulement des et de leurs dérivées, ne contenant pas de dérivées d’ordre et linéaire par rapport aux dérivées secondes.

2o THÉORÈME FONDAMENTAL. — La divergence du tenseur

est identiquement nulle, ce qu’on peut écrire

(12-2)

Ces quatre identités sont celles qui réduisent à 6 le nombre des conditions exprimant la loi de la gravitation dans le vide (Ch. x, p. 108).

3o ÉQUATIONS DES GÉODÉSIQUES. — Soit le vecteur contrevariant Sa dérivée covariante est

(12-3)

Multiplions par nous obtenons

(12-4)

Le premier membre étant un tenseur, il en est de même du second. Ce tenseur s’annule en coordonnées galiléennes pour tous les points d’une géodésique car alors et  ; par suite l’annulation de ce tenseur représente les équations d’une géodésique dans un Univers euclidien quelles que soient les coordonnées.

D’après le principe d’équivalence, il en est de même dans un champ de gravitation permanent. L’équation générale est donc

(12-5)

(4 équations : 1, 2, 3, 4).

Il est à remarquer que le principe d’équivalence n’est autre chose que l’affirmation de l’existence d’un Univers tangent. Il résulte de là qu’il y a nécessairement équivalence entre un champ de force géométrique dans un Univers euclidien et un champ de gravitation permanent pour les lois qui ne font intervenir que les et leurs dérivées premières, mais qu’il n’y a plus nécessairement équivalence pour les lois faisant intervenir les dérivées des d’un ordre supérieur au premier.

4o LOI DE LA GRAVITATION DANS LA MATIÈRE. — Les équations qui expriment la loi dans le vide, remplacent l’équation de Laplace

potentiel newtonien.

Il s’agit maintenant de trouver l’équation qui doit remplacer l’équation de Poisson

( densité, const. de la gravit. newt.).

La densité est l’énergie par unité de volume divisée par . Or l’impulsion-énergie trouve son expression la plus générale dans un tenseur qui précisément se réduit à dans le cas de la matière au repos, en coordonnées galiléennes. C’est ce tenseur qui doit remplacer .

a) Le tenseur impulsion-énergie. — Les trois tenseurs d’impulsion-énergie associés ont pour expressions

(12-6)


(, densité au repos ou densité propre)

(12-7)

(12-8)

et sont symétriques. En coordonnées galiléennes les composantes de sont les suivantes.

(12-9)

, , , sont les composantes de la vitesse de la matière au point , , , est sa densité, égale à

b) La loi de conservation de l’impulsion-énergie. — En coordonnées galiléennes l’expression de la loi de conservation s’écrit

(12-10)

( indice muet).

Ces quatre équations () ne sont autres que les équations bien connues de l’hydrodynamique en l’absence d’un champ de force et dans les milieux dépourvus de frottement.

Nous remarquons que l’équation (12-10) est la forme dégénérée de l’équation tensorielle

(12-11)

Cette équation tensorielle est donc l’expression générale de la loi, dans un Univers non euclidien. Nous avons d’ailleurs déjà dit que l’annulation de la divergence exprime la conservation.

c) La loi d’Einstein. — Du fait que les tenseurs et ont tous deux une divergence nulle, il ne résulte pas forcément que ces tenseurs sont égaux (à un facteur constant près). Cependant si, avec M. Eddington, nous posons en principe que tout tenseur physique est l’aspect sous lequel nous apparaît un tenseur géométrique d’Univers, et si nous considérons la loi de conservation de l’impulsion-énergie comme une loi expérimentalement établie et rigoureuse, doit être identifié avec un tenseur conservatif ; comme le plus simple des tenseurs conservatifs est nous sommes conduits à écrire

(12-12)

constante universelle

quitte à vérifier ensuite par l’expérience les conséquences de cette loi.

C’est la loi d’Einstein, mais Einstein a suivi pour l’établir une marche différente. Il a mis sous la forme des équations classiques de Lagrange, a reconnu que certaines quantités (au nombre de seize, mais ne formant pas un tenseur) représentent une forme d’énergie, l’énergie de gravitation, et a ajouté simplement le tenseur impulsion-énergie , à l’énergie de gravitation (il a remplacé , par ). Il a ainsi obtenu la loi précédente. Cette loi impose la conservation de l’impulsion-énergie car, la divergence du premier membre étant identiquement nulle, la divergence du second membre est nulle,

Cette loi se déduit aussi du principe d’action stationnaire (méthode de MM. Hilbert et Lorentz).

La loi de la gravitation peut encore se mettre sous d’autres formes

(12-13)

Multiplions par remarquant que (11-10), nous obtenons

(12-14)

car on voit facilement, d’après (12-9), que

(12-15)

valeur indépendante du système de coordonnées, puisque c’est un scalaire.

Remplaçant, dans (12-13), par la loi s’écrit

(12-16)

5o LES ÉQUATIONS DE L’HYDRODYNAMIQUE. — En mécanique classique, les quatre équations de l’hydrodynamique dans un champ de force peuvent se mettre sous la forme suivante, où sont les composantes de la force s’exerçant sur l’unité de volume.

(12-17)

en coordonnées galiléennes. En réalité il n’y a plus de telles coordonnées, mais c’est un fait dont on ne tient pas compte.

Les équations rigoureuses sont les équations qui s’écrivent d’après (11-31)

(12-18)

(densité tensorielle).

Ce sont les quatre conditions () auxquelles la matière doit satisfaire ; elles déterminent l’impulsion et l’énergie communiquées à la matière par le champ de force,

Pour les comparer aux équations anciennes, comme en pratique l’Univers est presque euclidien et que les vitesses sont faibles, nous pouvons prendre des coordonnées très voisines des coordonnées galiléennes, les choisir de manière que et admettre que se réduit à nous obtenons l’approximation faite en mécanique ordinaire

(12-19)

Les forces. — Comparant (12-19) et (12-17) nous voyons que les trois symboles multipliés par sont les composantes de la force principale, la force d’inertie de la mécanique qui produit une action proportionnelle à l’énergie (masse) ; la mécanique newtonienne néglige en général les autres « forces » qui sont liées aux autres composantes du tenseur c’est-à-dire aux quantités de mouvement et aux tensions internes.

Nous pouvons aussi écrire sous la forme (11-32), et faire nous obtenons, en première approximation

(12-20)

De sorte que

Si est le potentiel au sens de la mécanique classique, on a

Cte

et si, à l’infini et (valeur galiléenne)

(12-21)

6o LA LOI DU MOUVEMENT DU POINT MATÉRIEL LIBRE EST CONTENUE DANS LA LOI DE LA GRAVITATION. — Si l’on adopte des coordonnées devenant galiléennes à l’infini, on trouve aisément que les équations des géodésiques se réduisent en première approximation aux équations du mouvement de la vieille mécanique, et l’on obtient en même temps (12-21), relation que nous venons de déduire de la loi de conservation, c’est-à-dire de la loi de la gravitation qui implique la conservation du tenseur

Ce résultat laisse penser qu’il n’y a pas indépendance entre la loi de la gravitation et la loi suivant laquelle un mobile libre a pour ligne d’Univers une géodésique. On peut le voir de différentes manières : voici une démonstration due à M. Jacques Rossignol.

Prenons des coordonnées telles que , on a

explicitant et on obtient

Développant le premier terme, posant et multipliant par on trouve

ou

qui 1o exprime la conservation de la masse ; 2o réduit l’expression précédente à l’équation des géodésiques. Levant la restriction , devient et l’équation des géodésiques ne change pas, car le 1er membre de cette équation est un tenseur.

On voit, par les résultats qui précèdent, que la loi d’Einstein contient toute la dynamique.

7o LA LOI DE NEWTON. — Prenant, dans un champ statique, des coordonnées très voisines de coordonnées galiléennes et devenant galiléennes à l’infini, négligeant toutes les quantités très petites, réduisant à , confondant et tenant compte enfin de (12-21), on trouve que la formule (12-16) se réduit en première approximation à l’équation de Poisson

avec la relation

(12-22)

unité C. G. S.

8o PROPAGATION DE LA GRAVITATION. — Dans un champ non statique, au lieu de l’équation de Poisson on obtient (après calculs compliqués)

(12-23)

Les étant les différences, supposées très petites, entre les valeurs des et les valeurs constantes galiléennes. Dans le vide et l’équation (12-23) exprime que les perturbations gravifiques se propagent avec la vitesse de la lumière (car ).

Note 13.
Le champ de gravitation d’un centre matériel.

1o EXPRESSION DE — Dans un Univers euclidien, si l’on prend des coordonnées polaires

l’intervalle élémentaire est

élément d’arc de sphère.

Dans le champ de gravitation qui règne autour d’un centre matériel, il n’y a plus de coordonnées euclidiennes, mais on peut, prenant la particule pour origine des coordonnées, essayer de mettre sous une forme analogue, quitte à chercher ensuite la signification des coordonnées. Nous voyons d’abord que pour que le résultat ait une signification physique, il faudra choisir des coordonnées telles que les notions d’espace et de temps soient conservées ; il résulte de là qu’il ne faut pas introduire de termes en , etc., etc., à cause de la symétrie « dans l’espace » de la particule et de son champ, et de la symétrie « dans le temps » de son histoire passée et future, suivant l’expression de M. Eddington. Posons donc :

On réussit effectivement à déterminer et (qui sont des fonctions de et non de et doivent s’annuler à l’infini) de manière que la loi d’Einstein soit satisfaite.

On a

Il faut écrire les équations (qui se réduisent ici à ) en explicitant tous les symboles de Christoffel. On arrive, après des calculs assez pénibles, au résultat suivant (résultat rigoureux)[1], établi par M. Schwarzschild.

(13-1)

avec

( constante de la gravitation newtonienne).

est une constante d’intégration qu’on identifie avec la masse de la particule, car d’après

(13-2)

Cherchons maintenant la signification des coordonnées :

a) Le temps. — En un point fixe par rapport au centre matériel ( ) l’intervalle de temps mesuré entre deux événements infiniment rapprochés est

(13-3)

Comme pour on voit que la coordonnée est le temps à distance infinie de la particule, dans un système lié à la particule.

b) L’espace. — Le terme d’espace représentant le carré de la distance de deux points infiniment voisins est

(13-4)

L’espace n’est pas euclidien, cependant il s’en faut de peu car est très voisin de Transversalement () l’expression de est la même que celle d’un arc de sphère en géométrie euclidienne ( rayon vecteur, angle de ce rayon avec un axe fixe, angle azimuthal). Radialement ( ) on a On voit que les longueurs mesurées transversalement (une circonférence, par exemple, ayant pour centre la particule) sont les mêmes que si l’espace était euclidien, mais qu’il en est autrement pour les longueurs mesurées radialement (le diamètre de la circonférence), les mesures étant faites dans les deux cas avec la même règle très courte Il résulte de là que le rapport de la circonférence au diamètre est légèrement inférieur à mais l’écart est faible : si une masse de 1 tonne était à l’intérieur d’un cercle de 5 mètres de rayon, c’est seulement la 24e décimale qui serait changée (M. Eddington).

Pratiquement, et sont « la distance » et « le temps ».

2o MOUVEMENT DES PLANÈTES. — Supposant la vitesse initiale dans le plan c’est-à-dire posant initialement et il suffit de transporter, dans l’équation générale des géodésiques, les valeurs des symboles de Christoffel trouvées dans le calcul de pour obtenir

a) qui prouve que la trajectoire reste dans le plan

b) Les équations du mouvement suivantes :

(13-5)
( constantes d’intégration).

au lieu des équations newtoniennes

(13-6)
( demi-grand axe de l’orbite),

à part le terme supplémentaire on peut identifier (13-5) et (13-6) en posant

Le terme supplémentaire entraîne un déplacement du périhélie.

On trouve pour ce déplacement, en fraction de tour par période,

(13-7)

( excentricité).

3o PROPAGATION DE LA LUMIÈRE. — Faisant on obtient pour le mouvement dans le plan

(13-8)

propagation radiale (13-9)
propagation transversale (13-10)

Pour un rayon venant de l’infini et parvenu à l’infini après être passé à la distance minimum du centre, on trouve pour la déviation (angle des asymptotes de la trajectoire)

4o RALENTISSEMENT DU TEMPS. — Soient deux événements infiniment voisins se produisant au même point du champ de gravitation (13-1) se réduit à

(13-11)

est l’intervalle de temps mesuré, entre les deux événements considérés, par un observateur lié au centre matériel mais situé très loin, pratiquement en dehors du champ. D’autre part l’intervalle de temps propre entre les deux événements est qui est Considérons deux horloges identiques et placées d’abord à côté l’une de l’autre très loin du centre et marquant la même heure, toutes deux mesurent Transportons l’horloge à la distance du centre : elle va mesurer elle va donc marcher plus lentement et si on la ramène près de l’horloge elle aura pris du retard sur cette dernière.

Déplacement des raies spectrales. — Soit l’intervalle, indépendant du champ de gravitation, entre deux phases égales de l’émission. L’observateur terrestre, qui est en un point où le champ est négligeable, mesure

(13-12)

si la source est sur le soleil. Mais si la même source est sur la terre, il mesure Or donc les raies du spectre solaire (et des spectres stellaires) doivent être légèrement déplacées vers le rouge.

Note 14.
Les lois générales de l’électromagnétisme.

1o GÉNÉRALISATION DES ÉQUATIONS DE MAXWELL. — Dans la théorie ordinaire (Univers euclidien et coordonnées galiléennes) on a les équations de Maxwell Lorentz (note 10). Nous allons chercher la forme tensorielle générale dont elles sont une forme dégénérée.

Soient , , les composantes du potentiel vecteur (unités électromagnétiques) et le potentiel scalaire (unités électrostatiques) de la théorie habituelle. En vue de la généralisation, posons

(14-1)

On a, avec cette notation (formules connues)

(14-2)

etc.

Écrivons maintenant les équations de Maxwell-Lorentz (note 10) en désignant par , , les composantes de la densité de courant (unités électromagnétiques) et la densité de charge (unités électrostatiques), (l’unité de charge étant choisie de façon que le facteur disparaisse). Nous avons

(14-3)

(14-4)

Soit maintenant un quadrivecteur covariant (arbitraire pour le moment) nous pouvons former sa dérivée covariante la différence

(14-5)

est un tenseur symétrique gauche, et d’après sa formation, nous avons les identités :

(14-6)

Puisque , étant symétrique gauche, n’a que 6 composantes distinctes, au signe près, posons :





puis donnons à , , les valeurs suivantes

les identités (14-6) se trouvent être précisément les formules (14-3). De plus, les composantes du champ électromagnétique sont formées à partir du potentiel vecteur (changé de signe) et du potentiel scalaire (éq. 14-2) exactement comme les composantes de sont formées à partir de (14-5).

Nous pouvons donc interpréter le premier groupe de Maxwell : les composantes du champ électromagnétique constituent un tenseur symétrique gauche

(14-7)

formé à partir d’un quadrivecteur potentiel , dont les composantes d’espace (changées de signe) sont les composantes du potentiel vecteur et dont la composante de temps est le potentiel scalaire de la théorie ordinaire.

On peut vérifier, en transformant les composantes du tableau (14-7) suivant la loi de transformation des composantes d’un tenseur covariant, et en passant d’un système galiléen à un autre système galiléen, qu’on trouve bien les forces électrique et magnétique du second système telles qu’on les obtient en relativité restreinte. Les forces électrique et magnétique constituent donc bien un tenseur.

Le tenseur contrevariant associé permet d’exprimer le second groupe de Maxwell (14-4) ; ce groupe s’écrit, en effet,

(14-8)

ou

ce qui prouve que sont les composantes d’un quadrivecteur contrevariant car est la forme dégénérée de la divergence qui est un quadrivecteur contrevariant.

Le quadrivecteur est le courant. Ses composantes d’espace constituent le courant de convection et sa composante de temps est la densité de charge.

En résumé les équations de Maxwell s’écrivent

(14-9)

La première équation est sous la forme requise par le principe de relativité ; la seconde est la forme dégénérée de . Les équations générales valables dans un Univers euclidien en coordonnées arbitraires, valables aussi dans un Univers non euclidien par application du principe d’équivalence, sont

(14-10)

2o LOI DE LA CONSERVATION DE L’ÉLECTRICITÉ. — La dernière de ces équations s’écrit d’après (11-33), étant symétrique gauche.

d’où l’on tire

car étant symétrique gauche, On a donc (d’après 11-29). En coordonnées galiléennes, cette équation devient

(14-11)

semblable à l’équation de continuité de l’hydrodynamique, elle exprime la conservation de l’électricité.

3o LE TENSEUR D’ÉNERGIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE ET LA LOI GÉNÉRALE DE CONSERVATION DE L’IMPULSION-ÉNERGIE. — Par application et généralisation tensorielle des expressions qui donnent les composantes de la force mécanique s’exerçant sur l’unité de volume contenant charges et courants, ainsi que le travail accompli par le courant dans l’unité de temps, on démontre qu’il existe un tenseur d’énergie

(14-12)

dont la variation compense la variation du tenseur matériel

(14-13)

ce qui exprime la loi générale de conservation de l’impulsion-énergie. Dans l’expression de la loi de la gravitation, s’ajoute à

Mais l’énergie électromagnétique ne modifie pas la courbure totale car l’invariant contracté est nul. La courbure est toujours égale à C’est là un fait capital qui montre que la matière ne peut pas être formée uniquement à partir du tenseur ce tenseur ne contribuant pas à la constitution de la densité matérielle.

Note 15.
La courbure de l’espace et du temps.

1o LA COURBURE NON NULLE DANS LE VIDE. — C’est précisément le fait que l’énergie électromagnétique n’influe pas sur la courbure totale qui nécessite une modification de la loi de gravitation admise jusqu’ici.

Toutes les équations où intervient la densité de la matière sont des équations macroscopiques car la matière est supposée continue. Si nous voulons écrire les équations microscopiques, nous devons faire disparaître le tenseur matériel (qui correspond à l’aspect macroscopique de la matière) et ne conserver que le tenseur qui sera alors le tenseur exprimant l’énergie du champ des électrons. D’après la loi (12-12) la formule microscopique serait, en tout point

(15-1)

L’invariant contracté étant nul, celui du premier membre devrait aussi être nul, en tout point ; alors, dans la matière, la valeur moyenne de serait nulle elle aussi, et comme cette valeur moyenne est égale à il n’y aurait pas de matière ; résultat absurde.

Il faut donc remplacer (15-1) par une formule dans laquelle le scalaire du premier membre soit nul. On n’a pas le choix, il faut écrire

(15-2)

cette équation exprime la loi de la gravitation, étant le tenseur d’énergie du champ électromagnétique des électrons.

Si l’on forme la divergence des deux membres de (15-2), on trouve la relation

(15-3)

Partout où c’est-à-dire en dehors des lignes d’Univers des électrons, la courbure totale est constante : cette courbure est donc la même dans le vide et aux points où se trouve de l’énergie libre (énergie rayonnante.) Mais la courbure dans le vide n’est pas nulle car dans le vide, où entraînerait (ou ) et par suite la loi (12-12) seule compatible avec dans le vide ; on retomberait sur la loi qu’il faut précisément modifier.

D’après (15-2) la loi dans le vide s’écrit

ou en appelant la courbure dans le vide et posant

(15-4)

avec mais très petit,

loi déjà indiquée note 12.

La loi macroscopique de la matière considérée comme continue s’obtient immédiatement en remplaçant dans toute la théorie précédemment donnée par , et par

La divergence de est identiquement nulle, et ce tenseur doit être identifié avec , pour satisfaire la loi de conservation. La loi de gravitation dans la matière devient

(15-5)

et la densité (au repos) est au lieu de

2o L’ESPACE FERMÉ. — Cherchons maintenant quel peut être l’aspect ultra-macroscopique ou cosmique de l’Univers, en accord avec la loi (15-5). Prenant comme unité de volume un espace suffisamment grand (par ex. : 1 000 parsecs-cubes), soit la densité moyenne de la matière, densité que nous supposerons constante. Nous pouvons, dans cet aspect d’ensemble, ne tenir compte que de la distribution générale de la matière, et faire abstraction des irrégularités locales.

Les vitesses relatives des astres étant toujours très petites par rapport à la vitesse de la lumière, nous pouvons envisager un système de référence dans lequel la matière est en moyenne, au repos. se réduit sensiblement à

Les équations (15-5) s’écrivent :

(15-6)
si l’on n’a pas

Prenant la position de l’observateur comme origine des coordonnées et adoptant des coordonnées sphériques, ces équations comportent deux solutions, dans chacune desquelles la coupe à temps constant est un espace à courbure constante positive.

3o L’UNIVERS D’EINSTEIN. — Soit le rayon de courbure. La solution d’Einstein est :

(15-7)

avec

(15-8)

,

est un temps d’Univers absolu. L’espace et le temps sont séparés.

Le terme d’espace est

extension, avec une dimension de plus (coordonnée ) de l’élément de ligne sur la surface d’une sphère ordinaire (fig. 17).

angle azimuthal).

L’espace à courbure constante positive a deux formes possibles,
Fig. 17
l’espace sphérique de Riemann et l’espace elliptique de Newcomb. Adoptant l’hypothèse de l’espace sphérique, dont le volume total est , la masse totale de la matière mondiale serait , d’où l’on déduit, d’après (15-8)

(15-9) 

Le rayon d’Univers serait déterminé par la quantité totale de matière. Comme ce rayon n’est sans doute pas inférieur à cm.,[2] ce résultat nécessite l’existence de quantités de matière considérablement supérieures à celles que nous connaissons.

4o L’UNIVERS DE DE SITTER. — La seconde solution de (15-6) est

(15-10)

avec

(15-11)

Cet Univers est profondément différent de celui d’Einstein. étant égal à (au lieu de la constante ), l’espace et le temps restent unis, et il y a une courbure du temps.

De plus montre que la courbure d’ensemble de l’Univers n’est pas conditionnée par la matière mondiale (pas plus que le rayon de la terre ne dépend des accidents du sol). La matière intervient seulement pour produire des perturbations locales que nous négligeons ici, n’envisageant que la forme d’ensemble.

La zone du temps stationnaire. — Pour un point fixe dans l’espace (par rapport à l’observateur dont la position est prise pour origine des coordonnées), on a

et

(15-12)

ou

Près de l’observateur et est le temps de l’observateur. Mais loin de lui, l’élément de temps propre est , alors que l’élément de temps de l’observateur est toujours . Dans la zone le temps est stationnaire pour l’observateur car est infiniment grand par rapport à

Note 16.
Généralisations de Weyl et d’Eddington.

1o THÉORIE DE WEYL. — Dans la théorie d’Einstein, l’électricité n’est pas rattachée à une propriété géométrique de la structure d’Univers, qui est entièrement représentée par les dix potentiels de gravitation

M. H. Weyl a uni, dans une même géométrie, le champ de gravitation et le champ électromagnétique.

Le développement progressif de la théorie de la relativité a consisté dans la suppression des axiomes et des restrictions non nécessaires. Or, jusqu’à présent, il subsiste une hypothèse arbitraire : nous avons admis qu’on peut toujours, en des points d’Univers différents, employer la même unité de mesure pour la comparaison des intervalles. À première vue cela paraît évident : en un point d’Univers nous définissons une unité de longueur en choisissant une règle étalon, et cette règle sert aussi pour la mesure optique du temps si nous prenons comme unité naturelle la vitesse de la lumière ; il semble donc qu’en transportant en un autre point une copie exacte de l’étalon choisi en on puisse, en mesurer les intervalles élémentaires et faire la comparaison avec les intervalles mesurés en Sans doute, nous pouvons opérer de la sorte si deux copies exactes de l’étalon transportées de en par des chemins différents sont toujours identiques en Or, rien ne prouve à priori qu’il en soit ainsi, et si la longueur n’est pas intégrable, nous ne pouvons pas obtenir sans ambiguïté en une longueur que nous puissions considérer, par définition, comme représentant la même unité qu’en

L’intégrabilité de la longueur (généralisée : voir note 11, no 9) est la restriction qui subsiste et qu’il faut supprimer.

Le champ de gravitation correspond à la non-intégrabilité de la direction. Soit en effet un quadrivecteur ; faisons-lui décrire un circuit fermé par « déplacement parallèle » (note 11, no 12) c’est-à-dire tel que la dérivée covariante soit constamment nulle.

(16-1)

La variation de ce vecteur est

Posons est un tenseur symétrique gauche qui fait correspondre à l’aire élémentaire une direction positive de parcours sur le contour qui la limite. L’équation précédente s’écrit

(16-2)

de même

La condition nécessaire et suffisante pour que la variation soit nulle est que le tenseur de Riemann-Christoffel soit nul, c’est-à-dire que l’Univers soit euclidien. La nonintégrabilité de la direction caractérise donc le champ de gravitation.

De même, la non-intégrabilité de la longueur doit caractériser un champ d’une autre nature. Ne serait-ce pas le champ électromagnétique ?

Puisque nous ne sommes pas certains qu’on puisse définir une unité valable en tous les points, nous devons définir une unité en chaque point-événement de l’Univers ; nous appellerons jauge l’unité d’intervalle choisie en chaque point. Le système de jauges est arbitraire comme le système de coordonnées : il faut, dans le cas le plus général, diviser l’Univers en cellules par un système quelconque de coordonnées et dans chaque cellule infiniment petite adopter une jauge. Les jauges sont seulement soumises à la condition d’être infiniment peu différentes dans deux cellules infiniment voisines, ce qui est possible car l’ambiguïté disparaît à la limite pour un déplacement infiniment petit. Lorsque les jauges étaient supposées les mêmes partout, dix mesures d’intervalles autour d’un point permettaient de déterminer les dix et de décrire le champ de gravitation ; maintenant 14 mesures vont être nécessaires pour déterminer les et 4 « potentiels » supplémentaires qui paraissent bien correspondre aux composantes du quadrivecteur potentiel électromagnétique. Les 14 potentiels et définissent la géométrie du système de coordonnées et du système de jauges, et contiennent en eux la structure de l’Univers.

Faisons décrire à un vecteur , par déplacement parallèle, un contour fermé infiniment petit, limitant d’après (16-1) sa variation est

(16-3)

est orthogonal à parce que, étant symétrique gauche en et , on a

(16-4)

La longueur généralisée du vecteur n’a pas changé, seule sa direction a varié. C’est la restriction admise dans la théorie d’Einstein. Supprimant cette restriction, nous devons remplacer par un tenseur d’un type plus général . Or on peut écrire

(16-5)
sym. gauche en et
sym. en et

(16-6)

Comme la variation doit être annulée quand on décrit le circuit une seconde fois en sens inverse du premier parcours, tous ces tenseurs doivent être symétriques gauches en et

Soit la longueur généralisée de on voit que

(16-7)

M. Weyl a adopté une limitation : il a supposé que est décomposable en 2o que est le rotationnel d’un vecteur. D’après la première condition, (16-7) devient

(16-8)

est donc proportionnel à et indépendant de la direction du vecteur.

Les différentes surfaces limitées à un même contour devant conduire à une même valeur de , l’intégrale de surface doit porter sur un rotationnel, d’où la seconde condition de Weyl.

Soit maintenant une règle extrêmement courte, de longueur généralisée (note 11). Déplaçons-la de , , , . étant le rotationnel d’un vecteur, nous pouvons écrire

(16-9)

les étant quatre fonctions de point, qui sont les composantes d’un quadrivecteur d’Univers.

Comme les les dépendent d’une propriété intrinsèque de l’espace-temps et du système employé. De même que les ne peuvent pas prendre des valeurs complètement indépendantes (loi de la gravitation), de même les doivent satisfaire une loi.

Intégrons (16-9), nous avons

(16-10)

Cte

la longueur sera indépendante du chemin suivi (intégrable) si le rotationnel des est nul (condition d’intégrabilité)

(16-11)

Faisons l’hypothèse que les représentent le potentiel électromagnétique (à un facteur constant près) ; l’annulation du rotationnel exprime, d’après (14-10), que le champ électromagnétique est nul. Si cette condition est réalisée, les suffisent pour déterminer la structure de l’Univers. Dans le cas contraire la structure est exprimée par 14 potentiels, les qui décrivent les propriétés gravifiques, les qui décrivent les propriétés électromagnétiques.

La loi des est trouvée : c’est la généralisation tensorielle des équations de Maxwell. L’union de cette loi et de celle de la gravitation constitue la loi générale de la structure d’Univers.

Changer de système de jauges, c’est ajouter au second membre de (16-10) une fonction de point arbitraire, ou ajouter au second membre de (16-9) une différentielle totale. Les ne sont donc déterminés qu’à des fonctions près, pourvu que ces fonctions soient telles que soit une différentielle exacte. Cette indétermination du système de jauges ne modifie en rien le rotationnel de sorte que les forces électriques et magnétiques sont indépendantes du système de jauges.

Nous avons vu que la quadruple indétermination des coordonnées conduit à quatre identités qui ont pour conséquence la conservation de l’impulsion-énergie, De même, l’indétermination du système de jauges entraîne une loi supplémentaire de conservation : c’est la conservation de l’électricité (note 14, no 2).

2o GÉNÉRALISATION D’EDDINGTON. — La limitation de Weyl a pour but de donner un caractère absolu à la longueur nulle, de manière que la lumière ait une trajectoire bien définie (intervalle constamment nul).

Cependant M. Eddington a réussi à supprimer cette dernière restriction. Dans la théorie d’Eddington, la variation d’un vecteur par déplacement parallèle dépend non seulement du chemin suivi, mais de l’orientation du vecteur pendant son déplacement. L’Univers n’est assujetti qu’à une condition : celle de posséder une structure géométrique ; c’est le moins qu’on puisse supposer, et l’on ne saurait s’élever à un plus haut degré de généralisation.

Théorie géométrique. — Prendre au système de coordonnées signifie choisir 4 familles d’espaces pour diviser l’Univers en cellules ; dans chacune de ces familles, chaque espace peut être caractérisé par un nombre. Un déplacement est donc un vecteur absolu, puisqu’il peut s’exprimer par des nombres purs, indépendants de tout système de jauges.

M. Eddington a montré qu’en supprimant toute restriction, et conservant seulement la condition (évidemment nécessaire) que l’Univers ait une structure géométrique, et possède en chaque point un Univers euclidien tangent, la formule (16-2) est remplacée par

(16-12)

tenseur de Riemann-Christoffel généralisé, est absolu, c’est-à-dire indépendant de tout système de jauges. Dans ce tenseur, les symboles de Christoffel du tenseur ordinaire sont remplacés par des symboles généralisés, qui sont absolus, parce qu’ils s’introduisent sans que le système de jauges intervienne. On a

(16-13)

étant un tenseur symétrique en et (non absolu). Contractant on obtient la généralisation de

Les deux tenseurs absolus et traduisent les propriétés intrinsèques du continuum. On n’en voit pas d’autres jouissant des mêmes propriétés.

Pour introduire les il faut adopter un système de jauges. Nous définissons la longueur d’un déplacement par

(16-14)

est un invariant à l’égard du système de coordonnées ; est un tenseur symétrique. Un système de coordonnées étant adopté, les sont des nombres purs ; mais dépend, par les du système de jauges : la longueur n’est pas un invariant absolu, c’est une convention purement géométrique.

Posons

(16-15)

et soit la dérivée covariante du quadrivecteur

On peut écrire

(16-16)

(16-17)

est symétrique et symétrique gauche. On démontre que

(16-18)

(rot. de ).

Les tenseurs et sont des tenseurs absolus.

Le tenseur se divise de même en deux tenseurs

(16-19)

le premier symétrique gauche en et , le second symétrique en et , symétriques gauches tous deux en et . Mais aucun de ces tenseurs n’est absolu, car les interviennent pour abaisser l’indice .

La variation d’un vecteur est ainsi mise sous la forme (16-6) et l’on a la formule (16-7), sans aucune restriction.

Invariants absolus. — Il n’existe pas de fonction invariante absolue des potentiels, mais on peut trouver des densités invariantes absolues.

 ;

étant le scalaire . Il existe peut-être encore une densité invariante absolue dérivée de .

Le nombre des caractères d’Univers distincts dont les combinaisons peuvent s’exprimer par des nombres purs, indépendants de tout système de coordonnées et de jauges ne dépasse probablement pas 6.

Weyl a fait remarquer que c’est seulement dans un Univers à nombre pair de dimensions que les tenseurs fondamentaux donnent naissance à des densités invariantes absolues. On ne saurait imaginer un univers à nombre impair de dimensions, car il n’aurait aucun caractère absolu.

En plus de ces densités absolues, qui sont des caractéristiques absolues de l’Univers en chaque point, il y a un invariant absolu simple lié à un déplacement  : c’est

d’autres combinaisons plus compliquées pourraient être imaginées.

IDENTIFICATIONS PHYSIQUES. — Le système de jauges naturel. — Si nous voulons que la longueur (form. 16-14) cesse d’être une convention géométrique pour devenir une entité physique, il faut que soit un invariant absolu. Or il n’existe qu’un invariant absolu lié à un déplacement et qui soit une forme quadratique : c’est . Nous sommes donc conduits à considérer cet invariant comme donnant une mesure naturelle de la longueur et nous devons poser

(16-20)

D’où

(16-21)

étant une constante universelle, qui nous laisse d’ailleurs libres d’adopter telle unité de longueur que nous voulons en un point d’Univers déterminé. Le choix étant fait en un point, les jauges en tous les points sont fixées par (16-21).

La différence qui sépare du tenseur de la théorie d’Einstein provient des termes issus de Nous allons voir que ce tenseur détermine les phénomènes électromagnétiques ; plus le champ électromagnétique est faible, c’est-à-dire plus l’espace est vide, plus est voisin de . Dans le vide, l’équation fixant le système de jauges est

(16-22)

C’est précisément la loi de la gravitation d’Einstein, qui est obtenue ainsi par des considérations aussi générales que possible, absolument indépendantes de celles qui ont été exposées précédemment. Ce résultat nous montre que, dans le vide, l’Univers est effectivement jaugé conformément au système de jauges naturel, ou encore qu’en transportant les étalons d’un point à un autre pour la comparaison des intervalles on emploie, dans le vide, le système naturel.

Propagation de la lumière. — Une perturbation lumineuse issue d’un point occupe dans l’univers un cône qui doit satisfaire une équation de la forme

(16-23)

Comme ce cône est bien déterminé et n’a aucun rapport avec un système quelconque de coordonnées ou de jauges, il est nécessaire que soit un tenseur absolu : ce ne peut être que On a donc

(16-24)

Nous voyons que, dans la théorie d’Einstein, où la propagation de la lumière s’exprime par

l’Univers est jaugé conformément à l’équation (16-21), partout où la lumière se propage, c’est-à-dire en tout point (sauf à l’intérieur de l’électron). pourrait être une fonction de point, mais la loi de la gravitation dans le vide nous montre que c’est une constante.

Le fait que, dans nos observations, la lumière a une propagation parfaitement définie prouve que nous effectuons nos mesures avec le système de jauges naturel. Il est vrai que dans un champ électromagnétique il existe une ambiguïté concernant la longueur, mais cette ambiguïté disparaît pour un déplacement infiniment petit, et si nous transportons nos étalons d’un point à un autre dans un domaine très petit pour comparer des intervalles, nous employons le système naturel à une quantité du second ordre près.

Eddington a donc réussi à supprimer la difficulté qui avait conduit Weyl à poser La longueur nulle peut ne pas rester nulle par déplacement parallèle ; peu importe, puisque le cône lumineux est défini par la seule équation invariante absolue qu’on puisse former.

La courbure constante. — Prenant les scalaires des deux membres de (16-21), on a, en tout point

qui, dans le vide, devient

Il est évident que n’est pas nul, car il n’y aurait plus de système de jauges naturel. Nous sommes donc directement conduits à la conception de la courbure constante et de l’espace fermé. La constance de la courbure est imposée par la condition qui détermine le système de jauges : cela revient à dire que le système naturel consiste à prendre pour jauge en chaque point le rayon de courbure d’Univers ; ou encore que tout objet est une portion déterminée et constante de l’Univers ; que tout électron doit avoir pour rayon une fraction constante du rayon de courbure d’Univers au point où il se trouve. Si le rayon d’Univers changeait d’un point à l’autre — par rapport à un sur-étalon que nous ne saurions d’ailleurs imaginer — l’électron, nos instruments, nous-mêmes, tout changerait dans le même rapport ; par conséquent le rayon de courbure doit nous apparaître comme constant.

a la même valeur partout. Si l’on conserve le point de vue de la théorie d’Einstein, en séparant le champ de gravitation et le champ électromagnétique, et si l’on appelle courbure le scalaire qui ne fait pas intervenir les on doit considérer les électrons comme des déformations locales. L’électron devient une région de forte courbure, bien que, avec le système naturel, ait la même valeur que dans le vide. Cela signifie que les , qui font différer () de doivent être considérables dans l’électron ; autrement dit, le champ électrique doit y être colossal.

Matière et électricité. — Pour identifier la substance contenue dans l’espace, nous devons chercher les tenseurs géométriques qui correspondent aux tenseurs physiques. Ces tenseurs n’ont d’ailleurs pas besoin d’être absolus car nous utilisons le système de jauges naturel (aux faibles erreurs près dues à l’ambiguïté résultant de la non-intégrabilité des longueurs) et nous n’avons aucune raison de penser que les lois de notre science se conserveraient toutes dans un système de jauges arbitraire.

Tout d’abord, rien n’est changé à la loi de la gravitation dans la matière, car la généralisation de Weyl-Eddington n’introduit pas de nouveau tenseur à divergence nulle auquel on puisse identifier

Le tenseur des forces électrique et magnétique doit satisfaire le premier groupe des équations de Maxwell généralisées, et ces équations deviennent des identités (14-6) si est le rotationnel d’un vecteur. Nous voyons qu’il n’y a qu’un seul tenseur géométrique que nous puissions identifier avec le tenseur des forces électrique et magnétique, c’est celui que nous avons précisément désigné par (16-17). Le vecteur dont est le rotationnel, est le potentiel.

Le vecteur courant-densité de charge doit satisfaire à la loi expérimentale de conservation de l’électricité. Il faut donc que  ; cette équation devient une identité si est la divergence d’un tenseur symétrique gauche contrevariant ; nous devons donc identifier avec la divergence de nous obtenons ainsi le second groupe de Maxwell.

L’électron. — Nous avons vu (note 14, no 3) qu’il est impossible de construire un électron et par conséquent de la matière à partir du champ électromagnétique seul ; on sait d’ailleurs que l’électron ne peut exister qu’en admettant des forces de cohésion non-maxwelliennes (pressions de Poincaré). Si l’on admet la continuité dans la structure géométrique de l’Univers, il est possible de calculer en chaque point le scalaire du tenseur total d’énergie c’est-à-dire « la densité de substance ». L’expression est d’ailleurs assez compliquée. Le résultat intéressant est le suivant : il est permis de penser que les forces de cohésion, jusqu’alors mystérieuses, qui permettent l’existence de l’électron sont les qui ajoutées aux composantes du champ de gravitation constituent les forces absolues (éq. 16-13). L’union du tenseur de gravitation et du tenseur d’électricité (ou plutôt d’un tenseur à partir duquel sont formés les ) ou plus simplement, si l’on admet la restriction de Weyl, l’union de et de suffit pour rendre compte de l’existence des électrons et de la matière, alors que le champ de gravitation et les forces maxwelliennes ne suffisaient pas.

« Le potentiel électromagnétique a en lui quelque chose de fondamental qui disparaît quand on en prend le rotationnel pour obtenir la force électromagnétique observable » (Eddington).

Toutefois dans le problème de la matière, il ne paraît pas exact de supposer une structure d’Univers continue, car l’expérience nous a révélé l’étrange loi des quanta. Les lois du continu ne sont probablement pas applicables à l’électron, mais on ne voit pas où intervient une discontinuité dans la constitution de l’électron.

Les généralisations de Weyl et d’Eddington complètent la théorie d’Einstein sans l’altérer. On peut, dans la description géométrique de l’Univers, considérer séparément le tenseur (ou ) qui décrit le champ de gravitation et le tenseur qui décrit le champ électromagnétique : c’est ce qu’avait fait Einstein ; l’« intervalle » d’Einstein est absolu, puisque c’est l’invariant absolu L’œuvre d’Einstein reste donc intacte ; elle n’est atteinte en rien par l’ambiguïté que l’existence du champ électromagnétique apporte dans la comparaison des longueurs.


  1. L’objection faite récemment par M. Painlevé (C. R. de l’Ac. des Sc.) contre les conclusions qu’on peut déduire de la formule d’Einstein-Schwarzschild n’est pas justifiée. M. Painlevé a employé d’autres coordonnées et a, naturellement, trouvé une autre expression exacte de Mais si le mathématicien considère à son point de vue toutes les coordonnées comme équivalentes, il n’en est pas de même du physicien lorsque celui-ci a besoin d’interpréter les résultats, car le choix des coordonnées peut alors se trouver imposé par la nature des grandeurs qui interviennent dans les mesures expérimentales. Or le résultat de M. Painlevé ne saurait être interprété physiquement parce que sa formule contient un terme en incompatible avec la symétrie dans le temps, et que par suite les coordonnées employées n’ont plus de sens au point de vue de ce que nous appelons « distance » et « temps ». Les conclusions physiques de M. Painlevé sont, pour cette raison, complètement inexactes.
  2. Note de Wikisource : Malgré nos recherches, il nous est impossible de déterminer avec certitude si nous devons lire 1026 ou 1028. Nous avons retenu le premier, qui est équivalent à un rayon de 100 millions d’années-lumière pour l’Univers.