Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Deuxième Partie/II

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Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 270-354).


II

LOI DIVINE POSITIVE


Nous n’avons point à exposer les lois naturelles ; d’abord parce que chacun les trouve dans sa conscience, dont le témoignage peut être faussé, mais jamais détruit, même par les plus grands écarts ; de plus, parce que Dieu, par ses lois positives, n’a fait que compléter les lois générales, dont il a fait la base de la nature morale de l’homme.

Les lois divines positives sont résumées dans les préceptes donnés aux israélites par le ministère de Moïse, et qui sont ainsi proposés par l’Église orthodoxe, d’après le texte biblique :

« 1° Je suis le Seigneur ton Dieu ; tu n’auras point d’autre Dieu devant moi.

« 2° Tu ne feras point d’image taillée, ni aucune autre figure de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux qui sont au dessous de la terre ; tu ne les adoreras point et tu ne les serviras point.

« 3° Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu.

« 4° Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras pendant six jours, et tu y feras ton ouvrage ; mais le septième est un jour de repos consacré au Seigneur ton Dieu.

« 5° Honore ton père et ta mère.

« 6° Tu ne tueras point.

« 7° Tu ne commettras pas d’adultère.

« 8° Tu ne voleras point.

« 9° Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.

« 10° Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni les autres choses qui lui appartiennent. »

Jésus-Christ n’a point aboli les lois données par le ministère de Moïse, et il a déclaré, au contraire, qu’elles restaient obligatoires. (Matth., v, 18.) Elles doivent donc être la règle fondamentale de tout chrétien dans ses devoirs envers Dieu et envers le prochain[1] car, selon Jésus-Christ, elles se réduisent aux deux préceptes fondamentaux de l’amour de Dieu et du prochain. (Matth., xxii, 36, 40.)




PREMIER COMMANDEMENT


« Je suis le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras point d’autre Dieu devant moi. »


Par ce commandement, Dieu prescrit à l’homme de le connaître et de lui rendre le culte qui lui est dû.

La connaissance exacte de Dieu, de sa nature, de ses attributs, est le premier devoir imposé à l’homme. Pour le remplir, il doit non seulement se servir des lumières de son intelligence et des témoignages que rendent tous les êtres de l’univers à leur Créateur, mais encore étudier les enseignements divins contenus dans les livres saints, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament. Afin de ne pas se tromper dans l’étude de ces divins livres, il doit prendre pour guide l’enseignement général transmis par l’Église, de siècle en siècle, sans interruption, et lire, par conséquent, autant qu’il lui sera possible, les ouvrages des écrivains que l’Église a constamment regardés comme Pères et Docteurs. Ainsi l’homme ne sera point exposé à avoir de Dieu une connaissance fausse qui pourrait avoir les conséquences les plus désastreuses pour son intelligence et pour sa conscience.

La connaissance exacte de Dieu aura pour résultat nécessaire l’idée du vrai culte qui lui est dû et qui est prescrit dans le premier commandement, par ces paroles : « Tu n’auras point d’autre Dieu devant moi ».

Tout culte se résume dans l’amour de Dieu, selon cette parole de Jésus-Christ : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ; c’est là le plus grand et le premier commandement ». (Matth., xxii, 37.)

Selon cette parole du Divin Maître, Dieu doit être le but de notre esprit, c’est-à-dire de nos pensées ; de notre cœur, c’est-à-dire de nos sentiments ; de notre âme, c’est-à-dire de toute notre activité. C’est pourquoi l’apôtre saint Paul nous a indiqué, par rapport à Dieu, trois vertus à accomplir : la foi, l’espérance, la charité. La foi, qui consacre à Dieu notre esprit ; l’espérance, qui lui consacre nos désirs et nos sentiments ; la charité, qui lui consacre toutes nos actions. (1 aux Corinth., xiii, 13.) Cette activité est le caractère essentiel de la charité, selon l’apôtre saint Jean. (Joann., xiv, 15.)




DE LA FOI


La foi est la vertu par laquelle nous croyons à toutes les vérités révélées par Dieu et conservées de tout temps dans l’Église, en nous fondant sur la véracité de Dieu et sur l’infaillibilité dont l’Église est revêtue pour conserver les vérités dont le dépôt lui a été confié.

Ainsi la foi n’a pour objet que les vérités révélées. Tout ce qui n’appartient pas au dépôt de la révélation rentre dans le domaine des opinions humaines, que l’on peut admettre ou rejeter en toute liberté, selon qu’elles sont ou non conformes aux vérités révélées.

Le motif de la foi est la véracité de Dieu, qui ne peut ni se tromper ni nous induire en erreur.

La condition essentielle de la foi, c’est que nous écoutions l’Église, qui peut seule nous communiquer la vraie révélation de Dieu, à cause de l’infaillibilité dont elle a été revêtue pour la conserver. Si nous ne prenions pas la voix de l’Église pour guide, nous ne serions jamais certains de connaître avec exactitude les vérités que Dieu a révélées ; nous les soumettrions à l’examen de notre propre raison, et nous croirions alors, non pas à Dieu, mais à notre propre esprit ; notre foi ne serait plus une foi véritable, mais une simple conviction plus ou moins complète, appuyée sur de simples motifs de crédibilité fournis par le raisonnement.

Le vrai chrétien croit aux vérités révélées, parce que Dieu est véridique ; il croit que telle vérité est révélée, parce que l’Église le lui atteste.

La foi est une vertu intérieure ; mais on doit la manifester à l’extérieur, c’est-à-dire la professer, selon cette parole de saint Paul : « On croit de cœur pour être juste ; on confesse sa foi de bouche pour être sauvé (Rom., x, 10.) Ainsi la foi intérieure, c’est-à-dire la conviction intime, profonde, est nécessaire, car, sans cette condition, la foi n’est pas vraie ; il est nécessaire de professer sa foi extérieurement, de paraître ce que l’on est au fond de sa conscience, sous peine de ne pas obtenir le salut. « Si quelqu’un rougit du Fils de l’homme et de ses paroles, celui-ci rougira de lui lorsqu’il viendra dans sa majesté ». (Luc, ix, 26.)




L’ESPÉRANCE


C’est une vertu par laquelle nous consacrons à Dieu toutes nos aspirations et nos désirs soit pour cette vie, soit pour la vie future.

Cette vertu est basée sur cette connaissance que nous donne la foi : que Dieu est le souverain bien, et que nous sommes appelés à jouir en lui d’une béatitude immortelle après avoir quitté ce monde visible.

L’espérance a donc pour objet Dieu lui-même ; elle a pour motif la promesse que Dieu a faite de nous donner en ce monde la grâce pour faire le bien et, dans le monde futur, la gloire ; elle a pour base Jésus-Christ lui-même, qui nous a mérité la grâce et la gloire et qui est ainsi, selon saint Paul, l’unique fondement de notre confiance. (1re à Thim., i, 1.)




LA CHARITÉ


C’est une vertu qui nous fait agir en toutes choses conformément à la volonté de Dieu. Elle est ainsi la consécration à Dieu de toute notre activité ; c’est pourquoi saint Paul en fait la plus grande des vertus, et l’élève au dessus de la foi et de l’espérance. (I aux Corinth., xiii, 13.) Ces deux dernières vertus seraient en effet purement spéculatives si la charité ne leur donnait pas le caractère pratique qui est l’essence même de toute vertu.

Dieu est l’objet de la charité ; mais Jésus-Christ nous a appris que nous ne pouvions pas aimer Dieu sans aimer en même temps notre prochain. C’est pourquoi, après avoir résumé dans l’amour de Dieu les quatre premiers commandements, il résume les six autres dans l’amour du prochain ; puis il proclame que cette seconde loi est semblable à la première. (Matth., xxii, 39.)

Pour être vraie, la charité doit être complète, c’est-à-dire nous faire accomplir tous les commandements sans exception, parce que toutes les lois de Dieu, émanant de la même source, nous imposent une égale obligation.

Par sa nature même, la charité est une vertu active, c’est-à-dire qu’elle consiste dans la pratique du bien. Aussi Jésus-Christ a-t-il dit : « Celui qui connaît mes commandements et qui les observe, c’est celui-là qui m’aime… Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole ». (Joann., xiv, 21, 23.) Saint Jean dit dans le même sens : « L’amour pour Dieu consiste dans l’observation des commandements ». (I Ep. Joann., v, 3.) « Mes frères, dit saint Jacques, à quoi sert à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver ?… Comme le corps est mort lorsqu’il est sans âme, ainsi la foi est morte lorsqu’elle est sans œuvres ». (Jacob., ii, 14, 26.)

Les bonnes œuvres, c’est la charité unie à la foi ; et c’est par la foi unie à la charité que nous obtenons la justification en Jésus-Christ.

Les juifs se croyaient justifiés par des observances légales et purement extérieures. Le chrétien ne peut l’être que par l’adhésion intime aux vérités chrétiennes, c’est-à-dire par son union à Jésus-Christ par la foi ; mais cette foi est morte si elle n’est pas vivifiée par la charité, vertu sublime que Dieu met en nos âmes par les mérites de Jésus-Christ, et au moyen de laquelle il nous vivifie, il nous sanctifie, il nous conduit à la béatitude éternelle.




LE CULTE


Les devoirs que nous avons à accomplir envers Dieu sont résumés dans la foi, l’espérance et la charité. Mais si ces vertus restaient à l’état de qualités intérieures, elles ne seraient plus des vertus humaines, puisque l’homme, par suite de sa double nature spirituelle et corporelle, doit nécessairement manifester au dehors ses pensées et ses sentiments. Ainsi l’homme est obligé de faire des actes extérieurs de foi, d’espérance et de charité, et c’est dans ces actes que consiste le culte.

Le culte est ou privé ou public ; privé, lorsqu’en particulier on offre à Dieu des actes de foi, d’espérance ou de charité ; public, lorsqu’on offre à Dieu ces actes en commun avec les autres fidèles.

Le culte privé consiste principalement dans la prière ; le culte public, dans les rites qui accompagnent l’administration des sacrements et particulièrement dans la célébration de la sainte Liturgie. Nous en traiterons dans la quatrième partie du présent ouvrage.

Quant à la prière, qui forme la base du culte privé, Jésus-Christ a résumé toutes celles que nous pourrions adresser à Dieu dans cette formule : (Matth., vi, 9 et suiv.)

« Notre Père qui es aux cieux !

« Que ton nom soit sanctifié !

« Que ton règne arrive !

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel !

« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien !

« Et pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés !

« Et ne nous induis point en tentation !

« Mais délivre-nous du Méchant !

« Amen. »

Cette prière, enseignée par le Seigneur, renferme une invocation et sept demandes.




INVOCATION


L’invocation consiste dans ces paroles : « Notre Père qui es aux cieux ! » Le doux nom de Père est celui que nous devons donner à Dieu ; lui seul y a un droit strict, car Jésus-Christ a dit : « Vous n’avez qu’un père, qui est dans les cieux ». (Matth., xxiii, 9.) Si on le donne à l’homme dont, après Dieu, nous tenons l’existence, c’est que cet homme est l’image de la paternité divine, dans l’ordre naturel ; si on le donne aux pasteurs de l’Église, c’est qu’ils sont l’image de la paternité divine, dans l’ordre spirituel. Les uns et les autres ne sont ainsi que des symboles de la paternité, laquelle réside en Dieu seul, parce qu’il est l’unique créateur de tout ce qui existe.

Le Sauveur, par le mot notre, qu’il a mis dans la bouche de tous ses disciples, rappelle que l’humanité rachetée ne forme qu’une seule et même famille aux yeux de Dieu. « Il a donné en effet à tous ceux qui ont reçu (le Verbe incarné), le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». (Év. s. Jean, i, 12.) Les distinctions sociales ne donnent aucun droit de se considérer comme placé en dehors de la famille humaine régénérée. Prétendre, par orgueil, à des droits exceptionnels, en dehors de l’ordre social, c’est nier que Dieu soit le père de tous, et rejeter une des vérités fondamentales du christianisme.

Jésus-Christ ajoute aux mots : « Notre Père », ceux-ci : « qui es aux cieux », afin de nous rappeler que les enfants de Dieu ne sont nés « ni du sang, ni de la volonté charnelle, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Ev. s. Jean, i, 13) ; qu’ils ne doivent pas borner leurs espérances à ce monde ; qu’ils ne sont sur cette terre que dans un état transitoire ; que leur origine est aux cieux, où est leur Père, c’est-à-dire dans une sphère supérieure de bonheur et d’immortalité.




PREMIÈRE DEMANDE


« Que ton nom soit sanctifié ! »


« Le nom de Dieu est saint par lui-même ». (Luc, i, 49.) Mais nous devons le rendre saint ou le sanctifier, d’abord en nous, en vivant d’une manière conforme à la sainteté, en nous montrant les dignes enfants d’un Père qui est saint par essence, en accomplissant ses lois, qui sont l’expression de sa sainteté. Nous devons aussi le sanctifier aux yeux des autres, en manifestant nos sentiments intérieurs par nos vertus, « en glorifiant par nos œuvres notre Père qui est dans les cieux ». (Matth., v, 16.)

Ainsi, par la première demande, nous implorons la grâce de Dieu, afin de mettre en pratique ce précepte du Seigneur qui renferme tous les autres : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Matth., v, 48), et ce troisième précepte de la loi : « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu. » En effet, sanctifier le nom de Dieu, c’est le respecter, le vénérer, l’adorer, n’en faire aucun abus ; le glorifier toujours, par nos pensées, par nos sentiments, par nos paroles, par nos actions.

La première demande est donc un acte de foi, d’espérance et de charité.




DEUXIÈME DEMANDE


« Que ton règne arrive ! »


Dieu seul est le roi du monde ; il règne et il règnera toujours par sa puissance souveraine ; mais les hommes abusent souvent de leur liberté au point d’opposer leurs pensées aux révélations de Dieu et de désobéir aux lois divines ; ils se constituent ainsi dans un état de révolte contre Dieu. Par les mots : Que ton règne arrive ! nous rendons hommage à la souveraine puissance de Dieu ; et nous faisons ainsi acte de foi ; nous reconnaissons qu’il a le droit de régner sur les esprits et sur les cœurs comme sur toute la nature physique ; nous émettons le vœu que tous les hommes reconnaissent son souverain domaine sur eux-mêmes et lui consacrent toute leur vie ; nous faisons ainsi acte de charité.

Selon saint Paul, « le règne de Dieu est le règne de la grâce, qui consiste dans la justice, dans la paix et dans la joie que donne le Saint-Esprit. » (Épît. aux Rom., xiv, 17.) En demandant qu’il arrive, nous désirons que tous les hommes vivent dans la justice ; qu’ils aient entre eux la paix ; qu’ils jouissent, au fond de leur cœur, de cette joie divine, de ce bonheur que donne la bonne conscience, sous l’influence du Saint-Esprit. Tel est le vrai règne de Dieu, qui ne se manifeste pas à l’extérieur et qui est au dedans de nous. (Luc, xvii, 20, 21.)

Mais le règne de Dieu se manifeste, dans le monde, par la vraie religion. Le Sauveur a voulu nous rappeler sans cesse, dans la prière qu’il nous a donnée, que nous devions travailler à étendre le règne de Dieu dans le monde, en répandant la vérité et en faisant connaître la sainte Église, qui en est la seule dépositaire ; car c’est l’Église qui est le royaume de Dieu en ce monde, c’est-à-dire le domaine où il règne en souverain, dans lequel on lui rend l’hommage légitime qui lui est dû.

Le règne de Dieu ne devant avoir son accomplissement que dans le monde futur, les mots : que ton règne arrive ! sont un acte d’espérance, une aspiration vers le jour où, débarrassés des liens du corps mortel et corruptible, nous serons heureux avec Jésus-Christ, dans la possession éternelle de Dieu.




TROISIÈME DEMANDE.


« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! »


Les lois qui constituent l’homme moral, ou la conscience, comme les lois positives, sont l’expression de la volonté de Dieu. Cette volonté est la règle toujours suivie au ciel ; ceux qui y jouissent du bonheur n’agissent que sous l’impulsion bienfaisante de la volonté divine, non pas par contrainte, mais par un acte libre de leur propre volonté toujours en harmonie avec celle de Dieu. Sur la terre, il n’en est pas ainsi, depuis que la chute originelle a apporté les ténèbres dans l’intelligence de l’homme et le penchant au mal dans son cœur. Toutefois chaque homme doit s’efforcer, avec la grâce de Dieu, de rétablir en lui-même l’harmonie entre la loi et ses actes, de n’avoir d’autre règle que la volonté de Dieu ; il doit désirer qu’il en soit ainsi chez tous les hommes, afin que l’ordre règne dans les individus comme dans les sociétés.

En reconnaissant la volonté de Dieu comme unique loi, on fait acte de foi ; en jetant les yeux vers le ciel, où règne la volonté divine, et en prenant le ciel pour modèle de l’ordre terrestre, on fait acte d’espérance ; en désirant, d’un désir réel et actif, que toute l’humanité soit modelée sur le monde céleste, on fait acte de charité.




QUATRIÈME DEMANDE.


« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. »


Le Sauveur nous apprend que nous sommes, vis-à-vis de Dieu, dans une dépendance entière, par rapport aux choses temporelles comme pour les choses spirituelles. L’homme n’a les choses nécessaires à la vie, et la vie elle-même, que par la grâce de Dieu. Sa conservation n’est que la continuation de l’acte créateur qui lui a donné l’être ; et, s’il vit, c’est que Dieu veut lui conserver la vie.

Chaque jour nous devons demander à Dieu notre pain, parce que nous ne pouvons le tenir que de sa libéralité. Nous ne devons demander que le pain du jour, car nous ignorons si, le lendemain, nous serons encore de ce monde. « Ne vous inquiétez pas du lendemain, a dit Jésus-Christ, le lendemain aura soin de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Matth., vi, 34.)

Si Dieu nous accorde plus que le nécessaire, ce n’est point pour que nous en abusions, mais afin que nous soyons des économes fidèles à l’égard de nos frères, et que nous nous envisagions comme les intermédiaires de la Providence à leur égard.

« L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Matth., iv, 4) ; car il est composé d’une double substance, spirituelle et matérielle. La parole de Dieu est le pain de l’âme ; comme le pain matériel est le principal élément de la vie du corps, ainsi la parole de Dieu est l’élément de la vie de l’esprit, et nous devons demander à Dieu le pain de notre esprit aussi bien que le pain de notre corps.

Il est encore un autre pain, celui de l’Eucharistie, qui vivifie notre âme et notre corps en même temps, en communiquant à la première Jésus-Christ lui-même, qui est la vie, et en consacrant le second, qui sert de moyen pour cette divine communication.

Nous devons demander à Dieu, chaque jour, de nous rendre dignes de participer à ce pain de vie, soit en réalité, soit par nos désirs, et de nous donner tous les éléments de la vie spirituelle et de la vie corporelle.

Ainsi, la foi nous fait reconnaître en Dieu l’auteur de notre vie ; l’espérance nous fait aspirer à la vie supérieure, dont Dieu lui-même est le principe ; la charité nous fait rechercher tous les moyens de glorifier Dieu par les aumônes spirituelles et temporelles que nous exerçons envers le prochain.




CINQUIÈME DEMANDE.


« Et pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. »


Nous sommes débiteurs à l’égard de Dieu ; nous lui devons notre être même ; donc, les pensées de notre esprit, les sentiments de notre cœur, toutes les actions de notre vie lui appartiennent. Si nous lui ravissons quelque chose de notre existence, nous commettons un larcin, et nous nous plaçons, à son égard, dans un état de culpabilité. Or, qui pourrait se flatter d’avoir vécu constamment pour Dieu, d’avoir suivi en toutes choses ses lois, de ne lui avoir ravi aucune de ses pensées, aucun de ses sentiments, aucune de ses actions ? Les plus justes pèchent souvent, et « celui qui dit qu’il est sans péché se trompe lui-même. »

Chaque jour, par conséquent, nous devons, par la foi, reconnaître que Dieu a droit à toute notre existence ; espérer de sa bonté la remise de nos dettes ; nous renouveler, par la charité, dans la résolution de nous rendre moins répréhensibles.

Mais Jésus-Christ nous a enseigné que Dieu ne serait miséricordieux à notre égard qui si nous l’étions à l’égard des autres. Tous les hommes sont liés entre eux par des droits et des devoirs réciproques. Mais il arrive trop souvent que l’on veut faire prévaloir les droits sur les devoirs ; que l’on exagère ses droits, que l’on amoindrit ses devoirs ; de là résulte un antagonisme d’où naît le désordre avec les conséquences qu’il entraîne toujours après lui.

Dieu veut que les hommes se pardonnent mutuellement, se remettent leurs offenses réciproques, et il a même donné la miséricorde qu’ils exerceraient envers leurs semblables comme la mesure de la miséricorde qu’il exercerait lui-même. C’est pourquoi Jésus-Christ a dit : « Si vous pardonnez aux hommes les fautes qu’ils ont commises contre vous, votre Père céleste vous pardonnera aussi vos fautes. Mais, si vous ne pardonnez pas, votre Père ne vous pardonnera pas non plus. » (Matth., vi, 14, 15.)

En pardonnant à son frère, on accomplit à son égard la charité, qui est la perfection de la loi ; on espère dans la miséricorde de Dieu, qui nous pardonnera nos propres fautes ; on voit, par la foi, dans son prochain, Jésus-Christ lui-même, qui a dit qu’il regarderait comme fait à lui-même l’acte de charité dont le prochain serait l’objet.




SIXIÈME DEMANDE.


« Ne nous induis point en tentation. »


La tentation est un concours de circonstances qui nous exposent au danger de pécher. Les tentations viennent de l’inclination au mal et de l’ignorance, qui sont les suites du péché originel. Satan, auquel Dieu a permis d’éprouver l’homme, cherche à lui faire illusion, en abusant de son ignorance pour lui présenter l’erreur sous les apparences de la vérité et le faire pécher contre la foi ; en abusant de son inclination au mal pour lui représenter ce mal comme la source du bonheur, pour lui faire transgresser les lois de la conscience et les commandements de Dieu, pour lui présenter ce monde comme l’unique but de ses espérances, les plaisirs et les richesses comme le seul objet digne de son activité. En suivant ces inspirations diaboliques, l’homme perd la foi, l’espérance et la charité ; il se sépare de Dieu en ce monde, et Dieu ratifiera cette séparation par un décret éternel.

Mais si Dieu a permis à Satan de tenter l’homme, il a chargé les anges de lui inspirer des lumières et de bonnes pensées ; il a mis à sa disposition la grâce qui l’éclaire et l’excite au bien, qui le met dans un état où il peut, en liberté, préférer la vérité à l’erreur, le bien au mal. Cependant, comme l’ignorance et l’inclination au mal ont en lui une influence trop souvent déterminantes, il doit demander à Dieu qu’il ne permette pas à Satan de l’assiéger de tentations trop séduisantes ; ou, s’il le permet pour nous mettre à même de lui donner des marques plus éclatantes de notre amour, qu’il nous soutienne dans la lutte et nous fasse triompher.




SEPTIÈME DEMANDE


« Délivre-nous du Méchant. »


Ce Méchant est Satan, l’ange déchu, qui, avec ses mauvais anges, s’applique à entraîner l’homme dans le malheur éternel qu’ils ont mérité. Il est la personnification du mal, comme Dieu est la personnification du bien. Seulement, Satan est créature, et si Dieu lui a permis une influence malfaisante pour éprouver l’homme, cette influence est toujours subordonnée à la Toute-Puissance Divine, qui peut nous en délivrer.

L’Église orientale fait toujours suivre la prière du Seigneur de cette glorification tirée de l’Évangile :

« Car à toi appartiennent le règne, la puissance et la gloire, dans les siècles des siècles. Amen. »

C’est le résumé de la prière elle-même et le motif pour lequel nous l’adressons à Dieu. Nous le prions, parce qu’il est notre roi et que nous lui devons soumission ; parce qu’il est Tout-Puissant, et qu’il peut nous accorder tout ce que nous lui demandons de juste et de bon ; parce que toutes les créatures auxquelles il a donné l’être doivent chanter sa gloire et ses louanges en tout temps.

Le mot amen (qu’il en soit ainsi !) est usité à la fin de toutes les prières de l’Église. C’est la confirmation, en une seule expression, de tout ce qui a été dit ; c’est comme le résumé des sentiments de foi, d’espérance et de charité qui ont dû accompagner tous les mots que notre langue a prononcés.

En nous enseignant l’Oraison Dominicale, le Seigneur n’a pas voulu dire qu’elle était la seule prière que ses disciples dussent prononcer ; il ne veut pas que, comme les païens ou comme les mauvais juifs, nous regardions les longues prières vocales comme le vrai culte dû à Dieu ; mais il a approuvé, par son exemple, les prières accompagnées de sentiments en rapport avec les paroles. C’est pourquoi l’Église, tout en donnant le sentiment comme base du vrai culte, a voulu que ce sentiment fût exprimé par des prières vocales qui, toutes, ne sont que le développement et le commentaire de l’Oraison Dominicale. Ce sont ces prières qui constituent le culte public dont nous parlerons dans la suite.

Le culte, entendu d’une manière stricte, c’est-à-dire dans le sens d’un hommage d’adoration, ne peut se rapporter qu’à Dieu. À lui seul, en effet, on doit l’hommage complet de ses pensées, de ses sentiments, de sa vie ; à lui seul on doit témoigner ces sentiments par la prière.

Mais l’Église catholique orientale ne croit pas désobéir au premier commandement en autorisant un culte secondaire qui s’adresse à la sainte Vierge, aux anges et aux saints, pourvu que ce culte secondaire se maintienne dans certaines conditions qui le distinguent essentiellement de l’adoration due à Dieu seul. Le culte secondaire consiste d’abord dans l’honneur et le respect rendus à ceux que Dieu lui-même a distingués, soit par une nature excellente, soit par la mission bienfaisante qu’il leur a confiée à notre égard, soit par des privilèges ou des vertus exceptionnels ; il consiste, en outre, dans l’invocation qu’il ne faut pas confondre avec la prière proprement dite, laquelle est le témoignage d’adoration. Par la prière, nous faisons à Dieu l’hommage de tout notre être ; par l’invocation, nous demandons seulement que la sainte Vierge, les anges et les saints offrent à Dieu leurs prières pour nous. Nous nous adressons à eux comme à des frères qui sont dans la gloire ou qui ont plus d’accès que nous auprès de Dieu. Nous leur demandons leurs prières comme nous demandons celles de nos frères qui sont encore en ce monde. La mort n’a pas rompu les liens de communion qui existent entre les fidèles ; et les anges eux-mêmes sont les frères des fidèles, selon la doctrine révélée.

Il y a donc une différence essentielle entre le culte dû à Dieu et le culte secondaire rendu aux anges et aux saints. L’Église, en autorisant ce culte secondaire, ne contrevient pas au premier commandement, qui défend seulement d’avoir un autre Dieu que le seul vrai, c’est-à-dire d’en adorer un autre.




DEUXIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne feras point d’image taillée ni aucune autre figure de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au dessous de la terre ; tu ne les adoreras point et tu ne les serviras point. »


Par ce commandement, Dieu a défendu de faire des idoles pour les adorer. Il est donc interdit de représenter une créature quelconque, soit du monde invisible, soit du monde visible, pour en faire l’objet du culte souverain qui n’est dû qu’à Dieu.

La représentation en elle-même, ou l’image, n’est pas interdite, même dans le lieu saint. En effet, Dieu, qui défendit de faire des idoles, prescrivit à Moïse lui-même de placer sur l’arche d’alliance les images de deux chérubins en or, du côté vers lequel se tournait le peuple lorsqu’il se prosternait devant Dieu. (Exod., xxv, 18 et suiv.) Le Seigneur prescrivit aussi de faire l’image du serpent d’airain auquel il donna même un caractère miraculeux, puisque les Israélites qui pouvaient l’apercevoir étaient guéris. (Nomb., xxi, 8 et suiv.)

Dieu a donc autorisé les saintes images et la vénération dont elles seraient l’objet ; il a seulement interdit les idoles, c’est-à-dire les images de créatures que l’on transformerait en dieux. L’arche elle-même sur laquelle les chérubins étaient placés par ordre de Dieu n’était qu’une image, et représentait, selon David, comme l’escabeau sur lequel étaient placés les pieds de Dieu. (I Chron., xxviii, 2.) Or, cette image était l’objet d’une vénération approuvée de Dieu. Josué en donna l’exemple lorsqu’il resta prosterné jusqu’au soir devant l’arche ; et tous les Anciens d’Israël l’imitèrent. (Jos., vii, 6.)

L’Église orientale interprète avec exactitude le deuxième commandement, car : 1o elle interdit les idoles, c’est-à-dire les images auxquelles on rendrait un culte comme à des dieux, et 2o elle approuve les représentations pieuses qui nous rappellent Dieu, la sainte Vierge, les anges et les saints, ainsi que la vénération qu’on rend à ces images.

La vénération qu’elle autorise n’est point le vrai culte qui consiste dans la foi, l’espérance et la charité ; elle n’est qu’un honneur rendu à ceux que Dieu lui-même a élevés à un rang supérieur, honneur qui, en définitive, remonte à Dieu, qui est adoré dans les saints. Au point de vue orthodoxe, les images ne sont, suivant la pensée de saint Grégoire-le-Grand (Liv. ix, lettre 9), que des signes qui, comme les lettres, nous donnent idée des choses religieuses et nous inspirent de bons sentiments, en nous donnant plus de lumières. Dieu peut, par leur moyen, manifester sa puissance comme par le serpent d’airain que Moïse éleva dans le désert. Mais ce n’est point l’image elle-même qui a la puissance ; elle n’est qu’un instrument entre les mains de Dieu. On peut dire des Reliques des saints la même chose que des Images.




TROISIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu. »


Abuser du nom de Dieu, c’est : 1° l’employer sans raison et avec futilité ; 2° l’appeler en témoignage à l’appui du mensonge ; 3° le blasphémer.

Le chrétien ne doit jamais prononcer le nom de Dieu qu’avec respect et pour de graves raisons ; car ce nom est saint et doit toujours rappeler les sentiments d’adoration qui sont dus à l’Être souverain qui nous a créés, et auquel nous devons tous les instants de notre existence.

Dieu est vérité, et c’est l’outrager que de l’appeler en témoignage lorsque nous attestons le mensonge. Le faux serment est un des péchés les plus graves, puisqu’en le faisant on s’attaque à l’essence même de Dieu et que l’on nie pratiquement son existence.

Le blasphème est une insulte lancée à Dieu lui-même. C’est assez dire que jamais il ne doit souiller la bouche d’un homme raisonnable, à plus forte raison celle d’un chrétien.




QUATRIÈME COMMANDEMENT


« Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras pendant six jours et tu y feras ton ouvrage ; mais le septième est un jour de repos consacré au Seigneur ton Dieu. »


Dieu créa le monde en six jours et, le septième, il se reposa. La période septénaire ou semaine est ainsi consacrée par la volonté et l’exemple de Dieu lui-même. Six jours appartiennent au travail, le septième au repos sanctifié par la religion.

Sous la loi mosaïque, le jour du repos était le dernier de la semaine ou sabbat (samedi) ; sous la loi nouvelle, on doit sanctifier le premier jour (dimanche), en mémoire de la résurrection de Jésus-Christ, laquelle a été le couronnement glorieux du grand œuvre de la sanctification de l’homme.

Ce changement fut fait dès les temps apostoliques ; car on voit dans les Actes (xx, 7) que les premiers chrétiens s’assemblaient, avec les apôtres, le premier jour de la semaine, pour rompre le pain, c’est-à-dire pour célébrer la sainte Cène Eucharistique. Dès lors, on appelait ce jour Dimanche, c’est-à-dire Jour du Seigneur. (Apoc., i, 10.)

Outre le repos septénaire, Dieu avait institué, dans l’ancienne loi, des fêtes pour célébrer les événements dans lesquels il avait manifesté sa puissance d’une manière plus éclatante ; et des jours de pénitence pour faire expier à son peuple les fautes commises.

Fidèle à ces enseignements divins, l’Église orthodoxe a institué des fêtes et des jours de pénitence, qui doivent être sanctifiés, comme le dimanche, par tous les fidèles.

Les principales fêtes sont :

1. La Nativité de la sainte Vierge, mère de Dieu ;

2. La Présentation de la sainte Vierge au Temple ;

3. L’Annonciation de l’incarnation du Fils de Dieu ;

4. La Naissance de Jésus-Christ ou Noël ;

5. L’Épiphanie ou Manifestation de la Sainte-Trinité au Baptême de Jésus-Christ ;

6. La Présentation de Jésus-Christ au Temple ;

7. La Transfiguration du Seigneur ;

8. Le dimanche des Rameaux ou de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem ;

9. Pâques, ou la Résurrection du Sauveur ;

10. L’Ascension ;

11. La Pentecôte, en mémoire de la descente du Saint-Esprit sur les apôtres et de la Sainte-Trinité ;

12. L’Invention de la Sainte-Croix, en mémoire de la croix retrouvée par l’impératrice sainte Hélène ;

13. La Mort de la sainte Vierge et son Assomption au ciel ;

Les jours de pénitence institués par l’Église sont :

1. Le grand Carême, qui dure les quarante jours qui précèdent la fête de Pâques, et qui a été institué en mémoire du jeûne du Sauveur dans le désert ;

2. Les mercredis et vendredis de chaque semaine, en expiation de la Trahison de Judas et de la Mort de Jésus-Christ ;

3. Les carêmes de l’Avent, de l’Assomption et des Apôtres, institués comme préparation aux fêtes de la naissance de Jésus-Christ, de l’assomption de la sainte Vierge et des apôtres, honorés en commun le lendemain de la fête de leurs coryphées, saint Pierre et saint Paul.

Pendant les dimanches et les jours de fête institués par l’Église, on doit : 1° s’abstenir du travail ordinaire ; 2° s’occuper à des œuvres de religion, car le repos doit être sanctifié, et l’on violerait encore plus les lois de Dieu et de l’Église par la dissipation et l’oisiveté que par le travail.

Pour sanctifier les dimanches et les fêtes, on doit : 1° assister à la liturgie ou autres prières qui constituent le culte public, et à la prédication de la parole de Dieu ; 2° s’appliquer, en particulier, à la prière et à de pieuses lectures, surtout à celle de la sainte Écriture ; 3° faire des aumônes et d’autres actes de charité.

De même que l’on viole la loi de Dieu et celle de l’Église en ne sanctifiant pas le jour du Seigneur et les jours de fête, ainsi on pèche contre la loi divine en passant les autres jours dans l’oisiveté. En effet, le travail est obligatoire pour tous pendant les jours consacrés au travail, aussi bien que le repos, les jours où ce repos doit être sanctifié. Chacun doit donc travailler, selon la position où la divine Providence l’a placé, et sanctifier son travail par la prière journalière et l’intention constante de faire la volonté de Dieu.




CINQUIÈME COMMANDEMENT


« Honore ton père et ta mère ! »


L’honneur dû aux parents emporte nécessairement l’obligation de les aimer, de les respecter, de leur obéir, de leur porter secours dans les maladies et la vieillesse, de prier, après leur mort, pour le salut de leur âme et d’exécuter leurs dernières volontés.

Dieu a commencé la deuxième série des commandements qui contiennent nos devoirs envers le prochain, par celui qui se rapporte aux parents, afin de nous faire comprendre que la famille doit avoir le premier rang dans notre cœur, et que c’est à elle que se rapportent nos premiers devoirs après ceux que nous avons à remplir envers Dieu.

Le Seigneur, sous l’ancienne loi, favorisait d’une plus longue existence ceux qui accomplissaient parfaitement leurs devoirs envers leurs parents (Gen., xxxvii) ; il punissait de mort ceux qui les outrageaient. (Exod., xxi, 16.)

Sous la loi nouvelle, Dieu ne récompense et ne punit plus, ordinairement, que d’une manière spirituelle. Ceux-là donc sont dignes de mort spirituelle ou de damnation qui n’accomplissent pas leurs devoirs envers leurs parents ; et ceux qui les accomplissent seront récompensés par une vie éternelle et bienheureuse, car Dieu les bénira et leur donnera sa grâce pour accomplir les autres devoirs.




SIXIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne tueras point. »


Le commandement est général. Il est défendu de se tuer soi-même ou de tuer les autres. Le suicide est interdit aussi bien que l’homicide. On entend, par ce dernier mot, le meurtre coupable commis par un homme sur un autre homme, avec l’intention positive de le commettre.

Dieu seul a droit de vie et de mort sur l’homme. Mais ayant établi l’ordre comme base de la société humaine, il a délégué aux pouvoirs légitimes des droits pour le maintien des lois fondamentales de la société. On ne doit donc pas considérer comme homicide défendu la condamnation capitale infligée à ceux qui ont violé les bases de l’ordre social par certains crimes, par exemple, par l’assassinat.

On ne peut non plus considérer comme l’homicide défendu le meurtre que l’on commet, dans le cas de légitime défense, de soi-même, de sa patrie, de sa famille et, en général, de son prochain injustement attaqué. On serait plutôt complice d’homicide, si, par lâcheté, on ne portait pas secours à ceux qui sont en danger, car on favoriserait ainsi le crime d’homicide.

Si, dans les cas de légitime défense, on donne la mort à l’assaillant, on n’est pas coupable d’homicide ; cette mort peut être considérée comme la juste punition d’un acte contre lequel on avait le droit de se défendre soi-même ou de défendre les autres.

Le suicide est un véritable homicide, car nous n’avons pas plus droit sur notre propre vie que sur la vie des autres. Dieu, qui nous l’a donnée, peut seul nous l’ôter.

Le duel est contraire au sixième commandement de Dieu, car on y expose sa propre vie et l’on y porte atteinte à celle de son prochain. La mort qui est la suite d’un duel est un meurtre aussi coupable que l’assassinat.




SEPTIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne commettras pas d’adultère. »


Le mariage est la loi fondamentale de la famille, et la famille est la base de la société tout entière. L’adultère, en brisant le lien du mariage, en mettant, dans la famille, un principe d’illégitimité et de désordre, s’attaque donc à la société elle-même. Voilà pourquoi Dieu en a fait l’objet d’une défense spéciale. Ceux qui méprisent cette défense s’insurgent en même temps et contre une loi formelle de Dieu, et contre les bases mêmes de la société. Ils commettent un crime qui, dans l’ancienne loi, était puni de mort par l’ordre de Dieu. Sous la loi nouvelle, il place ceux qui s’en rendent coupables, pour ainsi dire, en dehors de la famille et même de la société, puisqu’on leur interdit de contracter un nouveau mariage, après avoir souillé leur premier engagement qui peut être rompu légalement après leur crime.




HUITIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne voleras point. »


Il est défendu, par ce commandement, de s’approprier, par quelque moyen que ce soit, ce qui appartient à autrui.

La propriété est ainsi placée au rang des principes fondamentaux de la société humaine, et tout ce qui porte atteinte à la propriété est un délit.

On ne pèche pas seulement contre ce commandement par le vol proprement dit, c’est-à-dire par la soustraction violente ou astucieuse d’objets ou de valeurs appartenant à autrui, mais aussi en causant des dommages ; en exerçant l’usure ; en commettant des fraudes, soit sur le poids, soit sur la qualité des monnaies ou des marchandises ; en ne payant pas ses dettes ; en n’accomplissant pas consciencieusement les devoirs d’une charge pour laquelle on reçoit un traitement ; en spéculant sur un désastre public pour élever d’une manière excessive le prix de certaines marchandises ; en usant de moyens frauduleux pour produire la hausse ou la baisse sur les valeurs publiques, et en profiter au détriment des autres.

Enfin tout ce qui, d’une manière quelconque, porte atteinte à la propriété d’autrui, est interdit par la loi de Dieu.




NEUVIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. »


L’honneur du prochain lui appartient et l’on ne doit pas plus lui faire de tort, sous ce rapport, qu’en lui dérobant sa propriété.

On nuit à l’honneur du prochain, lorsqu’on rend contre lui un faux témoignage devant les tribunaux ; lorsque l’on contribue sciemment à une condamnation injuste ; lorsqu’on porte en justice une plainte illégitime ; lorsque l’on dit ou que l’on pense du mal de quelqu’un sans y être obligé en conscience. On est obligé en conscience de penser et de dire du mal de ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre la société, lorsque cela est nécessaire pour éclairer la justice. On remplit alors un devoir social, et le coupable qui s’est attaqué à la société perd tous ses droits à un honneur auquel il a lui-même renoncé par son crime.




DIXIÈME COMMANDEMENT


« Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni les autres choses qui lui appartiennent. »


Convoiter, c’est désirer acquérir, par des moyens injustes, ce qui appartient au prochain.

Ainsi, la pensée du mal est interdite aussi bien que l’action mauvaise ; le péché, pour être simplement intérieur, n’en est pas moins un péché. Toute pensée, tout sentiment, qui ont pour but un objet défendu, souillent l’esprit et le cœur et rendent coupable aux yeux de Dieu.

On ne doit point désirer la femme de son prochain, c’est-à-dire qu’il est défendu de nourrir des pensées ou des sentiments adultères.

On ne doit point désirer les biens de son prochain, c’est-à-dire qu’on ne doit point chercher à les acquérir par des voies illicites.




DIFFÉRENCES ENTRE LES ÉGLISES CHRÉTIENNES, TOUCHANT LA LOI DE DIEU.


L’Église romaine admet les dix commandements de Dieu, mais elle les classe autrement que l’Église catholique orientale. Elle n’en fait qu’un des deux premiers, qui se rapportent au vrai culte et au culte prohibé, et elle partage le dixième en deux : l’un, par lequel il est défendu de désirer la femme du prochain ; l’autre, par lequel il est défendu de désirer ses biens. Elle n’a ainsi que trois commandements qui se rapportent à Dieu, et sept qui se rapportent au prochain.

Cette classification est arbitraire et l’on ne voit pas sur quoi l’Église romaine peut s’appuyer pour faire deux commandements de celui qui est donné comme le dixième dans le Décalogue. D’après cette loi, quatre commandements se rapportent aux devoirs envers Dieu, et six aux devoirs envers le prochain.

L’Église catholique orientale a respecté cette classification telle qu’elle a été donnée par Dieu à Moïse.



On peut dire, en thèse générale, que l’Église romaine enseigne une doctrine morale conforme à celle de l’Église orthodoxe. Cependant, on doit observer que, par ses erreurs dans la foi et par ses innovations illicites dans l’administration des sacrements, elle a péché contre le culte prescrit dans le premier commandement. Elle a péché surtout par son nouveau dogme de l’Immaculée-Conception, dont la conséquence est la déification de la sainte Vierge. Plusieurs de ses théologiens autorisés, entre autres le P. Newman et M. Nicolas, ont tiré cette conséquence, avec l’approbation au moins implicite du pape et des évêques.

Une autre conséquence de ce faux dogme, c’est que le culte adressé à la sainte Vierge a changé de nature et est devenu un vrai culte de latrie ou d’adoration. Ce n’est pas une simple invocation qui, d’après la doctrine romaine actuelle, doit être adressée à la sainte Vierge ; c’est la prière proprement dite, c’est-à-dire le culte fondé sur la Foi en la puissance qu’elle exerce sur Dieu lui-même ; sur l’Espérance, dans sa médiation plus efficace que celle de Jésus-Christ ; sur la Charité, qui fait de la sainte Vierge comme le but immédiat de toute activité religieuse. On aurait peine à croire jusqu’à quelles exagérations sacrilèges les écrivains de l’Église romaine sont allés, à propos de la sainte Vierge. Ils ne craignent même pas de donner comme inspirés les ouvrages les plus scandaleux sous ce rapport, comme ceux de Marie d’Agréda et de sœur Emmerich, calqués sur les Évangiles apocryphes, augmentés des fantaisies désordonnées et contradictoires de cerveaux malades.

L’Église romaine a erré sur tous les commandements sans exception, en autorisant les distinctions à l’aide desquelles les casuistes éludent les prescriptions les plus positives. On peut dire qu’il n’existe pas une seule obligation morale à laquelle on ne puisse échapper au moyen de ces distinctions jésuitiques. Nous citerons un seul exemple pour en donner une idée : On suppose un homme qui, par haine contre un de ses voisins, veut tuer un de ses animaux domestiques ; il se trompe et tue un des animaux domestiques d’un autre voisin. Est-il tenu à réparer le dommage ? « Non, répond le casuiste. — Pourquoi ? — Parce qu’il n’avait pas l’intention de tuer l’animal qu’il a tué réellement. » On a fait, dans l’Église romaine, une montagne d’in-folio consacrés à décider tous les cas de conscience d’une manière analogue, et à détruire, par conséquent, tous les préceptes moraux et le sens moral lui-même.



Les protestants ont mal interprété le premier commandement en prétendant qu’on ne peut rendre aux saints un culte secondaire consistant dans l’honneur et l’invocation. Ils confondent l’invocation avec la prière proprement dite, quoique ces deux actes religieux soient essentiellement différents. Par la prière, on fait acte de foi, d’espérance et de charité. Par l’invocation, on demande l’intercession de la sainte Vierge, des anges et des saints auprès de Dieu. On ne fait pas d’eux des médiateurs, car il n’y a qu’un médiateur, Jésus-Christ ; mais on leur demande de nous servir d’intermédiaires, afin que, par les mérites du Seul Médiateur, nous obtenions de Dieu les grâces qui sont nécessaires.



L’Église anglicane honore les saints, mais elle ne les invoque pas, parce qu’elle a admis, touchant l’invocation, la confusion et l’erreur des protestants.

Les Églises anglicane et protestantes interprètent mal le second commandement, qui défend l’idolâtrie, en prétendant que toute image vénérée est une idole. Elles se mettent ainsi en contradiction avec la sainte Écriture elle-même, et elles affectent de ne pas remarquer que Dieu a seulement interdit les images que l’on voudrait adorer comme des dieux, c’est-à-dire les idoles proprement dites.

Ces Églises contredisent également la mainte Écriture en prétendant que l’on ne doit pas vénérer les reliques des saints ; car les corps des saints ont toujours été, sous l’Ancien comme sous le Nouveau Testament, l’objet d’un grand respect, comme ayant été sanctifiés par l’Esprit-Saint et ayant servi d’organes à des âmes saintes.

Quant aux prescriptions morales contenues dans la Loi de Dieu, les Églises anglicane et protestantes les acceptent dans leur sens exact et précis ; elles n’ont pas de casuistes pour les dénaturer.



  1. En déclarant que la loi mosaïque n’était point abolie, Jésus-Christ a consacré l’autorité de l’Ancien Testament tout entier dont elle est le résumé. C’est pourquoi l’Église orthodoxe vénère, comme la parole de Dieu, aussi bien l’Ancien Testament que le Nouveau. Les Livres de l’Ancien Testament qu’elle considère comme canoniques sont les suivants, qui forment aussi le canon des Hébreux :

    La Genèse.

    L’Exode.

    Le Lévitique.

    Les Nombres.

    Le Deutéronome.

    Josué.

    Les Juges et Ruth.

    Les Quatre Livres des Rois.

    Les Deux Livres des Paralipomènes.

    Les Premier et Deuxième Livres d’Esdras.

    Esther.

    Job.

    Psaumes.

    Proverbes.

    Ecclésiaste.

    Cantique des Cantiques.

    Isaïe.

    Jérémie.

    Ézéchiel.

    Daniel.

    Les Douze Prophètes.