Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Troisième Partie/III

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Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 423-433).


III

LE GOUVERNEMENT DE L’ÉGLISE


Quoique nous devions, dans le présent ouvrage, nous contenter d’esquisser à grands traits la discipline de l’Église, il est indispensable que nous donnions quelques détails sur son gouvernement, d’autant plus que ce sont les fausses notions répandues en Occident sur ce sujet qui ont dénaturé toute la discipline dans l’Église romaine et qui l’ont détruite dans les autres sociétés chrétiennes.

Notre-Seigneur Jésus-Christ a établi le sacerdoce pour gouverner son Église, et ce sacerdoce apparaît, dès le temps des apôtres, divisé en trois Ordres : l’épiscopat, la prêtrise, le diaconat. L’épiscopat a succédé à l’apostolat. De même que l’apostolat fut un et que tous les apôtres possédèrent la même autorité et le même honneur, de même l’épiscopat est un, étant possédé par tous les évêques solidairement et en commun.

Telle est la doctrine enseignée par les Pères de l’Église, et en particulier par saint Cyprien, dans son Traité de l’unité.

L’Épiscopat un, gouvernant toute l’Église par une action commune, avec l’aide des prêtres et des diacres, telle est l’institution divine, la forme de gouvernement établie par Jésus-Christ lui-même.

Pénétrée de cette pensée, l’Église, représentée par les évêques, a cherché, par des établissements secondaires, à rendre plus facile et plus fidèle l’action commune de l’épiscopat dans le gouvernement de la société chrétienne. De là la hiérarchie de droit ecclésiastique, qu’elle a établie à côté de la hiérarchie de droit divin.

Cette hiérarchie s’est établie d’abord, pour ainsi dire, par la force des choses. L’évêque établi dans une grande ville avait naturellement plus d’importance que celui d’une petite ville. On voit, par les actes du premier concile œcuménique de Nicée, que, dès le commencement du quatrième siècle, l’évêque de Rome jouissait d’une certaine autorité sur ceux des villes voisines de cette capitale, en vertu d’une ancienne coutume ; que l’évêque d’Alexandrie étendait sa juridiction sur tous les évêques d’Égypte et de Libye.

Ces coutumes furent confirmées ; les évêques des trois capitales de l’empire romain, Rome, Alexandrie et Antioche, furent considérés comme les premiers évêques de l’Église, avec une juridiction dans un certain rayon déterminé. On leur adjoignit l’évêque de Jérusalem, à cause des souvenirs attachés à cette ville sainte, et ces quatre évêques reçurent le titre de patriarches.

Lorsque Constantin-le-Grand eut fait, de Byzance, Constantinople, l’évêque de cette ville fut décoré aussi du titre de patriarche, et placé au second rang, parce que Constantinople était devenue la seconde capitale de l’empire.

Il y eut, dès lors, cinq patriarches à la tête de l’épiscopat.

D’autres évêques, placés dans les villes capitales des diocèses de l’empire romain, reçurent également une autorité supérieure dans la circonscription diocésaine, avec les titres d’exarque ou de primat, selon le rang des villes où ils étaient évêques.

Les diocèses de l’empire romain étaient partagés en provinces à la tête de chacune desquelles était une ville métropole. Les évêques de ces villes reçurent le titre de métropolitains.

Plusieurs villes ayant le titre de cités dépendaient de la métropole. Les évêques des cités furent les simples évêques.

Cette organisation est encore celle de l’Église orthodoxe actuelle.

En se groupant par métropoles, les évêques forment les conciles provinciaux. Les évêques de plusieurs provinces réunies en un État ou un patriarcat forment les conciles nationaux. Les évêques de tous les patriarcats réunis forment les conciles œcuméniques ou universels.

L’épiscopat n’agit ainsi qu’en commun ; chaque évêque concourt au gouvernement général de l’Église ; l’autorité est essentiellement conciliaire ou collective, et l’unité résulte de l’action commune et collective de l’épiscopat, qui est un.

Les droits des évêques sont les mêmes en ce qui découle de l’Ordre ou de la Consécration. Les prérogatives d’honneur et de juridiction, qui n’ont pas un caractère divin et qui viennent de l’Église, doivent être réglées par les canons qui leur servent de base. C’est ainsi que les prérogatives des patriarches, des exarques, des primats et des métropolitains ne peuvent avoir que l’étendue fixée par les conciles.

Les canons n’ayant accordé au patriarche de Rome aucune prérogative exceptionnelle supérieure à celles des autres patriarches, il s’ensuit qu’il n’a droit ni au titre de chef de l’Église qu’il s’attribue, ni à une primauté quelconque d’autorité. Encore moins peut-il réclamer, comme il le fait, ces prérogatives comme lui appartenant de droit divin. Selon les canons, il n’était que le premier des cinq patriarches. En se séparant de l’Église, il a perdu ses droits, et l’évêque de Constantinople, second patriarche, est devenu premier pasteur de la vraie Église.

Ce titre, purement honorifique, ne lui donne aucune juridiction sur les Églises indépendantes de son patriarcat. Chaque Église nationale se gouverne par ses évêques ; et, s’il s’élève une question qui intéresse l’Église entière, l’initiative de l’action commune appartient aux évêques qui ont un motif plus particulier d’appeler à leur aide, en faveur de la saine doctrine, le concours de leurs frères dans l’épiscopat.

Si un concile est assemblé, il est présidé de droit par les patriarches, selon leur ordre hiérarchique, ou, à leur défaut, par un ou plusieurs évêques, les plus élevés selon l’ordre établi par l’Église.

Si les décrets de cette assemblée sont acceptés par toute l’Église, ils revêtent par là même le caractère d’œcuménicité, et ces décrets deviennent lois générales. Si l’assemblée n’a qu’un caractère local, ses décrets ne font règle que pour les Églises qui y sont représentées.

C’est ainsi que, dans le gouvernement de l’Église orthodoxe, tout concourt à favoriser l’action commune de l’épiscopat ; à conserver le caractère conciliaire ou collectif de l’autorité ; à combattre l’action monarchique d’un seul évêque au détriment des droits communs de tous.

Le contraire existe dans l’Église romaine, où tout concourt à annuler l’action commune en faveur de la suprématie d’un seul évêque, monarque absolu, résumant en lui seul l’autorité de l’Église.