Exposition du système du monde/Livre second

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Duprat (p. 94-133).

LIVRE SECOND.
des mouvemens réels des corps célestes.
                                                  
Provehimur portù, terræque urbesque recedunt.
Virg. Eneid. lib. iii.


Si l’homme s’étoit borné à recueillir des faits ; les sciences ne seroient qu’une nomenclature stérile, et jamais il n’eût connu les grandes loix de la nature. C’est en comparant entr’eux les phénomènes, en cherchant à saisir leurs rapports ; qu’il est parvenu à découvrir ces loix toujours empreintes dans leurs effets les plus variés. Alors, la nature en se dévoilant, lui a présenté le spectacle d’un petit nombre de causes générales donnant naissance à la foule des phénomènes qu’il avoit observés ; il a pu déterminer ceux que les circonstances successives doivent faire éclore, et lorsqu’il s’est assuré que rien ne trouble l’enchaînement de ces causes à leurs effets, il a porté ses regards dans l’avenir, et la série des événemens que le temps doit développer, s’est offerte à sa vue. C’est uniquement encore dans la théorie du système du monde, que l’esprit humain, par une longue suite d’efforts heureux, s’est élevé à cette hauteur. Essayons de tracer la route la plus directe pour y parvenir.

CHAPITRE PREMIER.[modifier]

Du mouvement de rotation de la terre.

En réfléchissant sur le mouvement diurne auquel tous les corps célestes sont assujétis ; on reconnoît évidemment l’existence d'une cause générale qui les entraîne, ou qui paroît les entraîner autour de l’axe du monde. Si l’on considère que ces corps sont isolés entre eux, et placés à des distances très-différentes, de la terre ; que le soleil et les étoiles en sont beaucoup plus éloignés que la lune, et que les variations des diamètres apparens des planètes, indiquent de grands changemens dans leurs distances ; enfin, que les comètes traversent librement le ciel dans tous les sens ; il sera difficile de concevoir qu’une même cause imprime à tous ces corps, un mouvement commun de rotation. Mais les astres se présentant à nous de la même manière, soit que le ciel les entraîne autour de la terre supposée immobile, soit que la terre tourne en sens contraire, sur elle-même ; il paroît beaucoup plus naturel d’admettre ce dernier mouvement, et de regarder celui du ciel, comme une apparence.

La terre est un globe dont le rayon n’est pas de sept millions de mètres : le soleil est, comme on l’a vu, incomparablement plus gros : si son centre coïncidoit avec celui de la terre, son volume embrasseroit l’orbe de la lune, et s’étendroit une fois plus loin, d’où l’on peut juger de son immense grandeur ; il est d’ailleurs, éloigné de nous, d’environ vingt-trois mille rayons terrestres. N’est-il pas infiniment plus simple de supposer au globe que nous habitons, un mouvement de rotation sur lui-même, que d’imaginer dans une masse aussi considérable et aussi distante que le soleil, le mouvement extrêmement rapide qui lui seroit nécessaire pour tourner dans un jour, autour de la terre ? Quelle force immense ne faudroit-il pas alors pour le contenir, et balancer sa force centrifuge ? Chaque astre présente des difficultés semblables, qui sont toutes levées par la rotation de la terre.

On a vu précédemment, que le pôle de l’équateur paroît se mouvoir lentement autour de celui de l’écliptique, et que de-là résulte la précession des équinoxes. Si la terre est immobile, le pôle de l’équateur est sans mouvement, puisqu’il répond toujours au même point de la surface terrestre ; l’écliptique se meut donc alors sur ses pôles, et dans ce mouvement, elle entraîne tous les astres. Ainsi, le système entier de tant de corps si différens par leurs grandeurs, leurs mouvemens et leurs distances, seroit encore assujéti à un mouvement général qui disparoît et se réduit à une simple apparence, si l’on suppose l’axe terrestre se mouvoir autour des pôles de l’écliptique.

Emportés d’un mouvement commun à tout ce qui nous environne, nous sommes dans le cas d’un spectateur placé sur un vaisseau. Il se croit immobile ; et le rivage, les montagnes et tous les objets placés hors du vaisseau, lui paroissent se mouvoir. Mais en comparant l’étendue du rivage et des plaines, et la hauteur des montagnes, à la petitesse de son vaisseau ; il reconnoît que leur mouvement n’est qu’une apparence produite par son mouvement réel. Les astres nombreux répandus dans l’espace céleste, sont à notre égard, ce que le rivage et les montagnes sont par rapport au navigateur ; et les mêmes raisons par lesquelles il s’assure de la réalité de son mouvement, nous prouvent celui de la terre.

L’analogie vient à l’appui de ces preuves. On a observé les mouvemens de rotation de plusieurs planètes, et tous ces mouvemens sont dirigés d’occident en orient, comme celui que la révolution diurne du ciel semble indiquer dans la terre. Jupiter, beaucoup plus gros qu’elle, se meut sur son axe, en moins d’un demi-jour ; un observateur à sa surface, verroit le ciel tourner autour de lui dans cet intervalle ; ce mouvement du ciel ne seroit cependant, qu’une apparence. N’est-il pas naturel de penser qu’il en est de même de celui que nous observons sur la terre ? Ce qui confirme d’une manière frappante, cette analogie ; c’est que la terre, ainsi que Jupiter, est applatie à ses pôles. On conçoit en effet, que la force centrifuge qui tend à écarter toutes les parties d’un corps, de son axe de rotation, a dû abaisser la terre aux pôles, et l’élever à l’équateur. Cette force doit encore diminuer la pesanteur à l’équateur, et cette diminution est constatée par les observations du pendule. Tout nous porte donc à penser que la terre a un mouvement de rotation sur elle-même, et que la révolution diurne du ciel, n’est qu’une illusion produite par ce mouvement, illusion semblable à celle qui nous représente le ciel, comme une voûte bleue à laquelle tous les astres sont attachés, et la surface de la terre, comme un plan sur lequel il s’appuie. Ainsi, l’astronomie s’est élevée à travers les illusions des sens, et ce n’a été qu’après les avoir dissipées par un grand nombre d’observations et de calculs, que l’homme, enfin, a reconnu les mouvemens du globe qu’il habite, et sa vraie position dans l’univers.



CHAPITRE II.[modifier]

Du mouvement des planètes autour du soleil.

Considérons présentement les phénomènes du mouvement propre des planètes, et d’abord, suivons le mouvement de Vénus, son diamètre apparent, et ses phases. Lorsque, le matin, elle commence à se dégager des rayons du soleil, on l’apperçoit avant le lever de cet astre, sous la forme d’un croissant, et son diamètre apparent est à son maximum ; elle est donc alors, plus près de nous que le soleil, et presqu’en conjonction avec lui. Son croissant augmente, et son diamètre apparent diminue, à mesure qu’elle s’éloigne du soleil. Parvenue à cinquante degrés environ de distance de cet astre, elle s’en rapproche, en nous découvrant de plus en plus son hémisphère éclairé ; son diamètre apparent continue de diminuer jusqu’au moment où elle se replonge, le matin, dans les rayons solaires. À cet instant, Vénus nous paroît pleine, et son diamètre apparent est à son minimum ; elle est donc, dans cette position, plus loin de nous que le soleil. Après avoir disparu pendant quelque temps ; cette planète reparoît, le soir, et reproduit dans un ordre inverse, les phénomènes qu’elle avoit montrés avant sa disparition. Son hémisphère éclairé se détourne de plus en plus de la terre ; ses phases diminuent, et, en même temps, son diamètre apparent augmente, à mesure qu’elle s’éloigne du soleil. Parvenue à cinquante degrés environ de distance de cet astre, elle retourne vers lui ; ses phases continuent de diminuer, et son diamètre, d'augmenter, jusqu’à ce qu’elle se plonge de nouveau, dans les rayons solaires. Quelquefois, dans l’intervalle qui sépare sa disparition du soir, de sa réapparition du matin ; on la voit sous la forme d’une tache, se mouvoir sur le disque du soleil.

Il est clair, d’après ces phénomènes, que le soleil est à-peu-près au centre de l’orbite de Vénus qu’il emporte avec lui, en même temps qu’il se meut autour de la terre. Ce résultat donné par les observations des phases et du diamètre apparent de Vénus, explique d’une manière si naturelle, son mouvement alternativement direct et rétrograde en longitude, et son mouvement bizarre et compliqué en latitude ; qu’il est impossible de le révoquer en doute.

Mercure nous offre les mêmes apparences que Vénus ; ainsi, le soleil est encore à-peu-près au centre de son mouvement. Ces deux planètes l’accompagnent dans sa révolution autour de la terre, sans paroître s’en écarter au-delà des angles sous lesquels nous voyons les rayons de leurs orbites.

Les planètes qui s’éloignent du soleil, à toutes les distances angulaires possibles, présentent d’autres phénomènes. Leurs diamètres apparens sont à leur maximum, dans l’opposition ; ils diminuent, à mesure qu’elles se rapprochent du soleil ; ainsi la terre n’est point au centre du mouvement de ces astres. Avant l’opposition, ce mouvement, de direct, devient rétrograde ; il reprend après l’opposition, son état direct, quand la planète en se rapprochant du soleil, en est autant éloignée qu’au commencement de sa rétrogradation ; et c'est au moment même de l’opposition, que sa vîtesse rétrograde est la plus grande. Cela indique évidemment, que le mouvement observé de ces planètes, est le résultat des deux mouvemens alternativement conspirans et contraires, dont l’un est réglé sur celui du soleil : tels sont les mouvemens de Mercure et de Vénus qui en circulant autour du soleil, sont emportés avec lui, autour de la terre. Il est naturel d’étendre la même loi aux autres planètes, avec la seule différence, que la terre placée au-dehors des orbites de Vénus et de Mercure, est au-dedans des orbites de Mars, de Jupiter, de Saturne et d’Uranus. Toutes les apparences des mouvemens et des diamètres de ces planètes, découlent si naturellement de cette hypothèse ; que l’on ne peut y méconnoître le mécanisme de la nature.

Le mouvement presque circulaire des planètes autour du soleil, est prouvé directement pour Jupiter, par les éclipses de ses satellites. On a vu précédemment, que ces phénomènes donnent la distance de cette planète au soleil, en parties de la moyenne distance du soleil à la terre : on trouve ainsi, que ces distances varient peu dans le cours d’une révolution, et que le mouvement de Jupiter est à-peu-près, uniforme.

Nous sommes donc conduits par la comparaison des phénomènes, à placer le soleil, au centre des orbites de toutes les planètes qui se meuvent autour de lui, tandis qu’il se meut ou paroît se mouvoir autour de la terre.



CHAPITRE III.[modifier]

Du mouvement de la terre, autour du soleil.

Maintenant, supposerons-nous le soleil accompagné des planètes et des satellites, en mouvement autour de la terre ; ou ferons-nous mouvoir la terre, ainsi que les planètes, autour du soleil ? Les apparences des mouvemens célestes, sont les mêmes dans ces deux hypothèses ; mais la seconde doit être préférée par les considérations suivantes.

Les masses du soleil et de plusieurs planètes, étant considérablement plus grandes que celle de la terre ; il est beaucoup plus simple de faire mouvoir celle-ci, autour du soleil, que de mettre en mouvement autour d’elle, tout le système solaire. Quelle complication dans les mouvemens célestes, entraîne l’immobilité de la terre ? Quel mouvement rapide il faut supposer alors à Jupiter, à Saturne près de dix fois plus éloigné que le soleil, à la planète Uranus plus distante encore, pour les faire mouvoir, chaque année, autour de nous, tandis qu’ils se meuvent autour du soleil ? Cette complication et cette rapidité de mouvement disparoissent par le mouvement de translation de la terre, mouvement conforme à la loi générale suivant laquelle les petits corps célestes circulent autour des grands corps dont ils sont voisins.

L’analogie de la terre avec les planètes, confirme ce mouvement. Ainsi que Jupiter, elle tourne sur elle-même, et elle est accompagnée d’un satellite. Un observateur à la surface de Jupiter, jugeroit le système solaire en mouvement autour de lui, et la grosseur de la planète rendroit cette illusion moins invraisemblable que pour la terre. N’est-il pas naturel de penser que le mouvement de ce système, autour de nous, n’est semblablement qu’une apparence ?

Transportons-nous par la pensée, à la surface du soleil, et de-là contemplons la terre et les planètes. Tous ces corps nous paroîtront se mouvoir d’occident en orient, et déjà, cette identité de direction est un indice du mouvement de la terre ; mais ce qui le démontre avec évidence, c’est la loi qui existe entre les temps des révolutions des planètes, et leurs distances au soleil. Elles circulent autour de lui, avec d’autant plus de lenteur, qu’elles en sont plus éloignées, de manière que les quarrés des temps de leurs révolutions sont comme les cubes de leurs distances moyennes à cet astre. Suivant cette loi remarquable, la durée de la révolution de la terre supposée en mouvement autour du soleil, doit être exactement celle de l’année sydérale. N’est-ce pas une preuve incontestable que la terre se meut comme toutes les planètes, et qu’elle est assujétie aux mêmes loix ? D’ailleurs, ne seroit-il pas bizarre de supposer le globe terrestre à peine sensible vu du soleil, immobile au milieu des planètes en mouvement autour de cet astre qui lui-même seroit emporté avec elles, autour de la terre ? La force qui, pour retenir les planètes dans leurs orbes respectifs autour du soleil, balance leur force centrifuge, ne doit-elle pas agir également sur la terre, et ne faut-il pas que la terre oppose à cette action, la même force centrifuge ? Ainsi, la considération des mouvemens célestes observés du soleil, ne laisse aucun doute sur le mouvement réel de la terre. Mais l’observateur placé sur elle, a de plus, une preuve sensible de ce mouvement, dans le phénomène de l’aberration qui en est une suite nécessaire ; c’est ce que nous allons développer.

Sur la fin du dernier siècle, Roëmer observa que les éclipses des satellites de Jupiter avancent vers les oppositions de cette planète, et retardent vers ses conjonctions ; ce qui lui fit soupçonner que la lumière ne se transmet pas dans un instant, de ces astres à la terre, et qu’elle emploie un intervalle de temps, sensible, à parcourir le diamètre de l’orbe du soleil. En effet, Jupiter dans ses oppositions, étant plus près de nous que dans ses conjonctions, d’une quantité égale à ce diamètre ; les éclipses doivent arriver pour nous, plutôt dans le premier cas, que dans le second, de tout le temps que la lumière met à traverser l’orbe solaire. La loi des retards observés de ces éclipses, répond si exactement à cette hypothèse ; qu’il n’est pas possible de s’y refuser. Il en résulte que la lumière emploie 571″, à venir du soleil à la terre.

Présentement, un observateur immobile verroit les astres suivant la direction de leurs rayons ; mais il n’en est pas ainsi dans la supposition où il se meut avec la terre. Pour ramener ce cas, à celui de l’observateur en repos ; il suffit de transporter en sens contraire, aux astres, à la lumière et à l’observateur lui-même, le mouvement dont il est animé, ce qui ne change point la position apparente des astres ; car c’est une loi générale d’optique, que si l’on imprime un mouvement commun à tous les corps d’un système, il n’en résulte aucun changement dans leur situation respective. Concevons donc que l’on donne à la lumière, et généralement à tous les corps, un mouvement égal et contraire à celui de l’observateur, et voyons quels phénomènes il doit produire dans la position apparente des astres. On peut faire abstraction du mouvement de rotation de la terre, environ soixante fois moindre à l’équateur même, que celui de la terre autour du soleil. On peut encore supposer ici, sans erreur sensible, tous les rayons lumineux que chaque point du disque d’un astre nous envoie, parallèles entr’eux et au rayon qui parviendroit du centre de l’astre, à celui de la terre, si elle étoit transparente. Ainsi, les phénomènes que les astres présenteroient à un observateur placé à ce dernier centre, et qui dépendent du mouvement de la lumière, combiné avec celui de la terre, sont à très-peu près les mêmes pour tous les observateurs répandus sur sa surface. Enfin, nous ferons abstraction de la petite excentricité de l’orbe terrestre. Cela posé.

Dans l’intervalle de 571″, que la lumière emploie à parcourir le rayon de l’orbe terrestre, la terre décrit un petit arc de cet orbe, égal à 62″,5 ; or il suit des loix de la composition des mouvemens, que si par le centre d’une étoile, on imagine une petite circonférence parallèle à l’écliptique, et dont le diamètre sous-tende dans le ciel, un angle de 125″ ; la direction du mouvement de la lumière, lorsqu’on le compose avec le mouvement de la terre, appliqué en sens contraire, rencontre cette circonférence, au point où elle est coupée par un plan mené par le centre de l’étoile, tangentiellement à l’orbe terrestre ; l’étoile doit donc paroître se mouvoir sur cette circonférence, et la décrire, chaque année, de manière qu’elle y soit constamment moins avancée de cent degrés, que le soleil dans son orbite apparente.

Ce phénomène est exactement celui que nous avons exposé dans le chapitre xi du premier livre, d’après les observations de Bradley à qui l’on doit sa découverte et celle de sa cause. Pour rapporter les étoiles à leur vraie position, il suffit de les placer au centre de la petite circonférence qu’elles nous semblent décrire ; leur mouvement annuel n’est donc qu’une illusion produite par la combinaison du mouvement de la lumière, avec celui de la terre. Ses rapports avec la position du soleil, pouvoient faire soupçonner qu’il n’est qu’apparent ; mais l’explication précédente le prouve avec évidence. Elle fournit en même temps, une démonstration sensible du mouvement de la terre autour du soleil ; de même que l’accroissement de degrés et de la pesanteur, en allant de l’équateur aux pôles, rend sensible son mouvement de rotation.

L’aberration de la lumière affecte les positions du soleil, des planètes, de leurs satellites et des comètes ; mais d’une manière différente, à raison de leurs mouvemens particuliers. Pour les en dépouiller, et pour avoir la vraie position des astres ; imprimons à chaque instant, à tous les corps, un mouvement égal et contraire à celui de la terre qui, par-là, devient immobile ; ce qui, comme on l’a dit, ne change ni leurs positions respectives, ni leurs apparences. Alors, il est visible qu’un astre, au moment où nous l’observons, n’est plus sur la direction de son rayon lumineux qui vient frapper notre vue ; il s’en est éloigné en vertu de son mouvement réel combiné avec celui de la terre, qu’on lui suppose imprimé en sens contraire. La combinaison de ces deux mouvemens, observée de la terre, forme le mouvement apparent que l’on nomme mouvement géocentrique. On aura donc la véritable position de l’astre, en ajoutant à sa longitude et à sa latitude géocentrique observée, son mouvement géocentrique en longitude et en latitude, dans l’intervalle de temps que la lumière emploie à parvenir de l’astre à la terre. Ainsi, le centre du soleil nous paroît constamment moins avancé de 62″,5 dans son orbe, que si la lumière nous parvenoit dans un instant.

L’aberration change les rapports apparens des phénomènes célestes, soit avec l’espace, soit avec la durée. Au moment où nous les voyons encore, ils ne sont déjà plus ; il y a vingt-cinq ou trente minutes, que les satellites de Jupiter ont cessé d’être éclipsés, quand nous appercevons la fin de leurs éclipses ; et les variations de la lumière des étoiles changeantes, précèdent de plusieurs années, les instans de leurs observations. Mais toutes ces causes d’illusion étant bien connues, nous pouvons toujours rapporter les phénomènes du système solaire, à leur vrai lieu et à leur véritable époque.

La considération des mouvemens célestes nous conduit donc à déplacer la terre, du centre du monde, où nous la supposions, trompés par les apparences et par le penchant qui porte l’homme à se regarder comme le principal objet de la nature. Le globe qu'il habite, est une planète en mouvement sur elle-même et autour du soleil. En l’envisageant sous cet aspect, tous les phénomènes s’expliquent de la manière la plus simple ; les loix des mouvemens célestes sont uniformes ; toutes les analogies sont observées. Ainsi que Jupiter, Saturne et Uranus, la terre est accompagnée d’un satellite ; elle tourne sur elle-même, comme Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, et probablement toutes les planètes ; elle emprunte comme elles, sa lumière du soleil, et se meut autour de lui, suivant la même direction et les mêmes loix. Enfin, la pensée du mouvement de la terre, réunit en sa faveur, la simplicité, l’analogie, et généralement tout ce qui caractérise le vrai système de la nature. Nous verrons en la suivant dans ses conséquences, les phénomènes célestes ramenés jusque dans leurs plus petits détails, à une seule loi dont ils sont les développemens nécessaires. Le mouvement de la terre acquerra ainsi, toute la certitude dont les vérités physiques sont susceptibles, et qui peut résulter, soit du grand nombre et de la variété des phénomènes expliqués, soit de la simplicité des loix dont on les fait dépendre. Aucune branche des connoissances naturelles, ne réunit à un plus haut degré, ces avantages, que la théorie du système du monde, fondée sur le mouvement de la terre.

Ce mouvement agrandit l’univers à nos yeux ; il nous donne pour mesurer les distances des corps célestes, une base immense, le diamètre de l’orbe terrestre. C’est par son moyen, que l’on a exactement déterminé les dimensions des orbes planétaires. Ainsi, le mouvement de la terre, qui par les illusions dont il est la cause, a pendant long-temps, retardé la connoissance des mouvemens réels des planètes, nous les a fait connoître ensuite, avec plus de précision, que si nous eussions été placés au foyer de ces mouvemens. Cependant, la parallaxe annuelle des étoiles, ou l’angle sous lequel on verroit de leur centre, le diamètre de l’orbe terrestre, est insensible, et ne s’élève pas à six secondes, même relativement aux étoiles qui par leur vif éclat, semblent être le plus près de la terre ; elles en sont donc au moins, cent mille fois plus éloignées que le soleil. Une aussi prodigieuse distance jointe à leur vive clarté, nous prouve évidemment qu’elles n’empruntent point, comme les planètes et les satellites, leur lumière du soleil, mais qu’elles brillent d’une lumière qui leur est propre, en sorte qu’elles sont autant de soleils répandus dans l’immensité de l’espace, et qui semblables au nôtre, peuvent être les foyers d’autant de systêmes planétaires. Il suffit en effet, de nous placer sur le plus voisin de ces astres, pour ne voir le soleil, que comme un astre lumineux dont le diamètre est au-dessous d’un trentième de seconde.

Il résulte de l’immense distance des étoiles, que leurs mouvemens en ascension droite et en déclinaison, ne sont que des apparences produites par le mouvement de l’axe de rotation de la terre. Mais quelques étoiles paroissent avoir des mouvemens propres, et il est vraisemblable qu’elles sont toutes en mouvement, ainsi que le soleil qui transporte avec lui dans l’espace, le système entier des planètes, des comètes et des satellites ; de même que chaque planète entraîne ses satellites, dans son mouvement autour du soleil.

CHAPITRE IV.[modifier]

Des apparences dues aux mouvemens de la terre.

Du point de vue où la comparaison des phénomènes célestes vient de nous placer, considérons les astres, et montrons la parfaite identité de leurs apparences, avec celles que l’on observe. Soit que le ciel tourne autour de l’axe du monde, soit que la terre tourne sur elle-même, en sens contraire du mouvement apparent du ciel immobile ; il est clair que tous les astres se présenteront à nous, de la même manière. Il n’y a de différence, qu’en ce que dans le premier cas, ils viendroient se placer successivement au-dessus des divers méridiens terrestres qui, dans le second cas, vont se placer au-dessous d’eux.

Le mouvement de la terre étant commun à tous les corps situés à sa surface, et aux fluides qui la recouvrent ; leurs mouvemens relatifs sont les mêmes que si la terre étoit immobile. Ainsi, dans un vaisseau transporté d’un mouvement uniforme, tout se meut comme s’il étoit en repos ; un projectile lancé verticalement de bas en haut, retombe au point d’où il étoit parti ; il paroît sur le vaisseau, décrire une verticale ; mais vu du rivage, il se meut obliquement à l’horizon, et décrit une courbe parabolique. La rotation de la terre ne peut donc être sensible à sa surface, que par les effets de la force centrifuge qui applatit le sphéroïde terrestre aux pôles, et diminue la pesanteur à l’équateur ; deux phénomènes que les mesures des degrés du méridien et du pendule, nous ont fait connoître.

Dans la révolution de la terre autour du soleil, son centre et tous les points de son axe de rotation, étant mûs avec des vîtesses égales et parallèles, cet axe reste toujours parallèle à lui-même ; en imprimant donc à chaque instant, aux corps célestes, et à toutes les parties de la terre, un mouvement égal et contraire à celui de son centre, ce point restera immobile, ainsi que l’axe de rotation ; mais ce mouvement imprimé ne change point les apparences de celui du soleil ; il ne fait que transporter en sens contraire, à cet astre, le mouvement réel de la terre ; les apparences sont par conséquent, les mêmes dans l’hypothèse de la terre en repos, et dans celle de son mouvement autour du soleil. Pour suivre plus particulièrement l’identité de ces apparences ; imaginons un rayon mené du centre du soleil à celui de la terre : ce rayon est perpendiculaire au plan qui sépare l’hémisphère éclairé de la terre, de son hémisphère obscur : le point dans lequel il traverse la surface terrestre, voit le soleil perpendiculairement au-dessus de lui ; et tous les points du parallèle terrestre que ce rayon rencontre successivement en vertu de son mouvement diurne, ont à midi, cet astre au zénith. Or, soit que le soleil se meuve autour de la terre, soit que la terre se meuve autour du soleil, et sur elle-même, son axe de rotation conservant toujours une situation parallèle ; il est visible que ce rayon trace la même courbe sur la surface de la terre ; il coupe dans les deux cas, les mêmes parallèles à l’équateur, lorsque le soleil a la même longitude apparente ; cet astre s’élève donc également sur l’horizon, et les jours sont d’une égale durée. Ainsi, les saisons et les jours sont les mêmes dans l’hypothèse du repos du soleil, et dans celle de son mouvement autour de la terre ; et l’explication des saisons, que nous avons donnée dans le livre précédent, s’applique également à la première hypothèse.

Les planètes se meuvent toutes dans le même sens autour du soleil, mais avec des vîtesses différentes ; les durées de leurs révolutions croissent dans un plus grand rapport que leurs distances à cet astre ; Jupiter, par exemple, emploie douze années à-peu-près à parcourir son orbe dont le rayon n’est qu’environ cinq fois plus grand que celui de l’orbe terrestre ; sa vîtesse réelle est donc moindre que celle de la terre. Cette diminution de vîtesse dans les planètes, à mesure qu’elles sont plus distantes du soleil, a généralement lieu depuis Mercure, la plus voisine de cet astre, jusqu’à Uranus, la plus éloignée ; et il résulte des loix que nous établirons ci-après, que les vîtesses moyennes des planètes sont réciproques aux racines quarrées de leurs moyennes distances au soleil.

Considérons une planète dont l’orbe est embrassé par celui de la terre, et suivons-la depuis sa conjonction supérieure, jusqu’à sa conjonction inférieure. Son mouvement apparent ou géocentrique est le résultat de son mouvement réel, combiné avec celui de la terre, transporté en sens contraire. Dans la conjonction supérieure, le mouvement réel de la planète est contraire à celui de la terre ; son mouvement géocentrique est donc alors la somme de ces deux mouvemens, et il a la même direction que le mouvement géocentrique du soleil, qui résulte du mouvement de la terre transporté en sens contraire, à cet astre : ainsi le mouvement apparent de la planète est direct. Dans la conjonction inférieure, le mouvement de la planète a la même direction que celui de la terre, et comme il est plus grand, le mouvement géocentrique conserve la même direction ; mais il n’est que l’excès du mouvement réel de la planète sur celui de la terre ; il a donc une direction contraire au mouvement apparent du soleil ; et par conséquent, il est rétrograde. On conçoit facilement que dans le passage du mouvement direct au mouvement rétrograde, la planète doit paroître sans mouvement ou stationnaire, et que cela doit avoir lieu entre la plus grande élongation et la conjonction inférieure, quand le mouvement géocentrique de la planète, résultant de son mouvement réel et de celui de la terre appliqué en sens contraire, est dirigé suivant le rayon visuel de la planète. Ces phénomènes sont entièrement conformes aux mouvemens observés de Mercure et de Vénus.

Le mouvement des planètes dont les orbes embrassent l’orbe terrestre, a la même direction dans leurs oppositions, que le mouvement de la terre ; mais il est plus petit, et en se composant avec ce dernier mouvement transporté en sens contraire, il prend une direction opposée à sa direction primitive ; le mouvement géocentrique de ces planètes est donc alors rétrograde ; il est direct dans leurs conjonctions, ainsi que les mouvemens de Mercure et de Vénus dans les conjonctions supérieures.

En transportant en sens contraire, aux étoiles, le mouvement de la terre ; elles doivent paroître décrire, chaque année, une circonférence égale et parallèle à l’orbe terrestre, et dont le diamètre sous-tend dans le ciel, un angle égal à celui sous lequel on voit de leur centre, le diamètre de cet orbe : ce mouvement apparent a beaucoup de rapport avec celui qui résulte de la combinaison des mouvemens de la terre et de la lumière, et par lequel les étoiles nous semblent décrire annuellement une circonférence parallèle à l’écliptique, dont le diamètre sous-tend un angle de 125″ ; mais il en diffère en ce que ces astres ont la même position que le soleil, sur la première circonférence, au lieu que sur la seconde, ils sont moins avancés que lui, de cent degrés. C’est par-là que l’on peut distinguer ces deux mouvemens, et que l’on s’est assuré que le premier est insensible, l’immense distance où nous sommes des étoiles, rendant insensible, l’angle que sous-tend le diamètre de l’orbe terrestre vu de cette distance.

L’axe du monde n’étant que le prolongement de l’axe de rotation de la terre ; on doit rapporter à ce dernier axe, le mouvement des pôles de l’équateur céleste, indiqué par les phénomènes de la précession et de la nutation, exposés dans le chapitre xi du premier livre ; ainsi, en même temps que la terre se meut sur elle-même et autour du soleil, son axe de rotation se meut très-lentement autour des pôles de l’écliptique, en faisant de petites oscillations dont la période est la même que celle du mouvement des nœuds de l’orbe lunaire. Au reste, ce mouvement n’est point particulier à la terre ; car on a vu dans le chapitre iv du premier livre, que l’axe de la lune se meut dans la même période, autour des pôles de l’écliptique.

CHAPITRE V.[modifier]

De la figure des orbes des planètes, et des loix de leur mouvement autour du soleil.

Rien ne seroit plus facile que de calculer d’après les données précédentes, la position des planètes pour un instant quelconque, si leurs mouvemens autour du soleil étoient circulaires et uniformes ; mais ils sont assujétis à des inégalités très-sensibles dont les loix sont un des plus importans objets de l’astronomie, et le seul fil qui puisse nous conduire au principe général des mouvemens célestes. Pour reconnoître ces loix, dans les apparences que nous offrent les planètes ; il faut dépouiller leurs mouvemens, des effets du mouvement de la terre, et rapporter au soleil, leur position observée des divers points de l’orbe terrestre ; il est donc nécessaire avant tout, de déterminer les dimensions de cet orbe, et la loi du mouvement de la terre.

On a vu dans le chapitre ii du premier livre, que l’orbe apparent du soleil est une ellipse dont le centre de la terre occupe un des foyers ; mais le soleil étant réellement immobile, il faut le mettre au foyer de l’ellipse, et placer la terre sur sa circonférence ; le mouvement apparent du soleil sera le même, et pour avoir la position de la terre vue du centre du soleil, il suffira d’augmenter de deux angles droits, la position de cet astre.

On a vu encore que le soleil paroît se mouvoir dans son orbe, de manière que le rayon vecteur qui joint son centre à celui de la terre, semble tracer autour d’elle, des aires proportionnelles aux temps : mais dans la réalité, ces aires sont tracées autour du soleil. En général, tout ce que nous avons dit dans le chapitre cité, sur l’excentricité de l’orbe solaire et ses variations, sur la position et le mouvement de son périgée, doit s’appliquer à l’orbe terrestre, en observant seulement que le périgée de la terre est à deux angles droits de distance, de celui du soleil.

La figure de l’orbe terrestre, étant ainsi connue ; voyons comment on est parvenu à déterminer celle des orbes des autres planètes. Prenons pour exemple la planète Mars qui, par la grande excentricité de son orbe, et par sa proximité de la terre, est très-propre à nous faire découvrir les loix des mouvemens planétaires.

Le mouvement de Mars autour du soleil et son orbe seroient connus ; si l’on avoit pour un instant quelconque, l’angle que fait son rayon vecteur avec une droite invariable passant par le centre du soleil, et la longueur de ce rayon. Pour simplifier ce problème, on choisit les positions de Mars, dans lesquelles l’une de ces quantités se montre séparément, et c’est ce qui a lieu à fort peu près, dans les oppositions où l’on voit cette planète répondre au même point de l’écliptique, auquel on la rapporteroit du centre du soleil. La différence des mouvemens de Mars et de la terre fait correspondre la planète à divers points du ciel, dans ses oppositions successives ; en comparant donc entr’elles un grand nombre d’oppositions observées, on pourra découvrir la loi qui existe entre le temps, et le mouvement angulaire de Mars autour du soleil, mouvement que l’on nomme héliocentrique. L’analyse offre pour cet objet, diverses méthodes qui se simplifient dans le cas présent, par la considération que les principales inégalités de Mars, redevenant les mêmes à chacune de ses révolutions sydérales ; leur ensemble peut être exprimé par une série fort convergente de sinus d'angles multiples de son moyen mouvement, série dont il est facile de déterminer les coëfficiens, au moyen de quelques observations choisies.

On aura ensuite la loi du rayon vecteur de Mars, en comparant les observations de cette planète vers les quadratures, ou lorsque étant à-peu-près à cent degrés, du soleil, ce rayon se présente sous le plus grand angle. Dans le triangle formé par les droites qui joignent les centres de la terre, du soleil, et de Mars, l'observation donne directement l’angle à la terre ; la loi du mouvement héliocentrique de Mars donne l’angle au soleil, et l’on en conclut le rayon vecteur de Mars, en parties de celui de la terre, qui lui-même est donné en parties de la distance moyenne de la terre au soleil. La comparaison d’un grand nombre de rayons vecteurs ainsi déterminés, fera connoître la loi de leurs variations correspondantes aux angles qu’ils forment avec une droite invariable, et l’on pourra tracer la figure de l’orbite.

Ce fut par une méthode à-peu-près semblable, que Kepler reconnut l’alongement et l’excentricité de l’orbe de Mars ; il eut l'heureuse idée de comparer sa figure avec celle de l’ellipse, en plaçant le soleil à l’un des foyers ; et les nombreuses observations de Ticho, exactement représentées dans l’hypothèse d’un orbe elliptique, ne lui laissèrent aucun doute sur la vérité de cette hypothèse.

On nomme périhélie, l’extrémité du grand axe, la plus voisine du soleil ; et aphélie, l’extrémité la plus éloignée. C’est au périhélie, que la vîtesse angulaire de Mars autour du soleil est la plus grande ; elle diminue ensuite à mesure que le rayon vecteur augmente, et elle est la plus petite à l’aphélie. En comparant cette vîtesse, aux puissances du rayon vecteur ; Kepler trouva qu’elle est proportionnelle à son quarré, en sorte que le produit du mouvement journalier héliocentrique de mars, par le quarré de son rayon vecteur, est toujours le même. Ce produit est le double du petit secteur que ce rayon trace, chaque jour, autour du soleil ; l’aire qu’il décrit en partant d’une ligne invariable passant par le centre du soleil, croît donc comme le nombre des jours écoulés depuis l’époque où la planète étoit sur cette ligne ; ce que Kepler énonça, en établissant que les aires décrites par le rayon vecteur de Mars, sont proportionnelles aux temps.

Ces loix du mouvement de Mars sont les mêmes que celles du mouvement apparent du soleil, que nous avons développées dans le chapitre ii du premier livre ; ainsi elles ont également lieu pour la terre. Il étoit naturel de les étendre aux autres planètes ; Kepler établit donc, comme loix fondamentales du mouvement de ces corps, les deux suivantes que toutes les observations ont confirmées.

Les orbes planétaires sont des ellipses dont le centre du soleil occupe un des foyers.

Les aires décrites autour de ce centre, par les rayons vecteurs des planètes, sont proportionnelles aux temps employés à les décrire.

Ces loix suffisent pour déterminer le mouvement des planètes autour du soleil ; mais il est nécessaire de connoître pour chacune d’elles, sept quantités que l’on nomme élémens du mouvement elliptique. Cinq de ces élémens, relatifs au mouvement dans l’ellipse, sont 1°. la durée de la révolution sydérale ; 2°. le demi grand axe de l’orbite, ou la moyenne distance de la planète au soleil ; 3°. l’excentricité d’où résulte la plus grande équation du centre ; 4°. la longitude moyenne de la planète à une époque donnée ; 5°. la longitude du périhélie à la même époque. Les deux autres élémens se rapportent à la position de l’orbite, et sont, 1°. la longitude à une époque donnée, des nœuds de l’orbite, ou de ses points d’intersection avec un plan que l’on suppose ordinairement être celui de l’écliptique ; 2°. l’inclinaison de l’orbite, sur ce plan. Il y a donc quarante-neuf élémens à déterminer, pour le système entier des planètes connues : le tableau suivant présente tous ces élémens, pour le commencement de 1750.

L’examen de ce tableau nous montre que les durées des révolutions des planètes, croissent avec leurs moyennes distances au soleil ; cela fit soupçonner à Kepler qu’elles sont liées à ces distances, par un rapport qu’il se proposa de découvrir. Après un grand nombre de tentatives continuées pendant dix-sept ans, il reconnut enfin, que les quarrés des temps des révolutions des planètes, sont entre eux comme les cubes des grands axes de leurs orbites.

Telles sont les loix du mouvement des planètes, loix fondamentales qui en donnant une face nouvelle à l’astronomie, ont conduit à la découverte de la pesanteur universelle.

Les ellipses planétaires ne sont point inaltérables ; leurs grands axes paroissent être toujours les mêmes ; mais leurs excentricités, leurs inclinaisons sur un plan fixe, les positions de leurs nœuds et de leurs périhélies, sont assujéties à des variations qui, jusqu'à présent, semblent croître proportionnellement aux temps. Ces variations ne devenant bien sensibles que par la suite des siècles, elles ont été nommées inégalités séculaires : il n’y a aucun doute sur leur existence ; mais les observations modernes n’étant pas assez éloignées entre elles, et les observations anciennes n’étant pas suffisamment exactes, pour les fixer avec précision ; il reste encore de l’incertitude sur leur quantité. Le tableau suivant offre les valeurs qui paroissent le mieux satisfaire à l’ensemble de ces observations.

On remarque encore des inégalités périodiques qui troublent les mouvemens elliptiques des planètes. Celui du soleil en est un peu altéré, comme on l’a vu dans le livre précédent ; mais ces inégalités sont principalement sensibles dans les deux plus grosses planètes, Jupiter et Saturne. En comparant les observations modernes aux anciennes, les astronomes ont remarqué une diminution dans la durée de la révolution de Jupiter, et un accroissement dans celle de la révolution de Saturne ; les observations modernes, comparées entre elles, donnent un résultat contraire ; ce qui semble indiquer dans le mouvement de ces planètes, de grandes inégalités dont les périodes sont fort longues. Dans ce siècle même, la durée de la révolution de Saturne a paru différente, suivant les points de l’orbite où l’on a fixé le départ de la planète ; ses retours ont été plus rapides à l’équinoxe du printemps, qu’à celui d’automne. Enfin, Jupiter et Saturne éprouvent des inégalités qui s’élèvent à plusieurs minutes, et qui paroissent dépendre de la situation de ces planètes, soit entre elles, soit à l’égard de leurs périhélies. Ainsi, tout annonce que dans le système planétaire, indépendamment de la cause principale qui fait mouvoir les planètes dans des orbes elliptiques autour du soleil ; il existe des causes particulières qui troublent leurs mouvemens, et qui altèrent à la longue, les élémens de leurs ellipses.


TABLEAU
DU MOUVEMENT ELLIPTIQUE DES PLANÈTES.
Durées des révolutions sydérales.


Mercure 87, jours 969255
Vénus 224,       700817
La Terre 365,       256384
Mars 686,       979579
Jupiter 4332,       602208
Saturne 10759,       077213
Uranus 30689,       000000
Demi-grands axes des orbites, ou distances moyennes.


Mercure 0,387100.
Vénus 0,723332.
La Terre 1,000000.
Mars 1,523693.
Jupiter 5,202778.
Saturne 9,538785.
Uranus 19,183475.


Rapport de l’excentricité au demi-grand axe, au commencement de 1750.


Mercure 0,205513.
Vénus 0,006885.
La Terre 0,016814.
Mars 0,093088.
Jupiter 0,048077.
Saturne 0,056223.
Uranus 0,046683.


Variations séculaires de ce rapport. (le signe — indique une diminution.)


Mercure 0,000003369.
Vénus — 0,000062905.
La Terre — 0,000045572.
Mars 0,000090685.
Jupiter 0,000134245.
Saturne — 0,000261553.
Uranus — 0,000026228.


Longitudes moyennes au commencement de 1750. (Ces longitudes sont comptées de l’équinoxe moyen du printemps, à l’époque du 31 décembre 1749, à midi, temps moyen à Paris.)


Mercure 281°,3194.
Vénus 51°,4963.
La Terre 311°,1218.
Mars 24°,4219.
Jupiter 4,1201.
Saturne 257,0438.
Uranus 353,9610.


Longitudes du périhélie, au commencement de 1750.


Mercure 81°,7401.
Vénus 141°,9759.
La Terre 309°,5790.
Mars 368°,3006.
Jupiter 11°,5012.
Saturne 97°,9466.
Uranus 185°,1262.


Mouvement sydéral et séculaire du périhélie. (le signe — indique un mouvement rétrograde.)


Mercure 1735″,50.
Vénus — 699,07.
La Terre 3671,63.
Mars 4834,57.
Jupiter 2030,25.
Saturne 4967,64.
Uranus 759,85.


Inclinaison de l’orbite à l’écliptique, au commencement de 1750.


Mercure 7°,7778.
Vénus 3,7701.
La Terre 0,0000.
Mars 2,0556.
Jupiter 1,4636.
Saturne 2,7762.
Uranus 0,8599.


Variation séculaire de l’inclinaison à l’écliptique vraie.


Mercure 55″,09.
Vénus 13,80.
La Terre 0″,00.
Mars — 4,45.
Jupiter — 67,40.
Saturne — 47,87.
Uranus 9, 38.


Longitude du nœud ascendant sur l’écliptique, au commencement de 1750.


Mercure 50°,3836.
Vénus 82,7093.
La Terre 0,0000.
Mars 52,9377.
Jupiter 108,8062.
Saturne 123,9327.
Uranus 80,7015.


Mouvement sydéral et séculaire du nœud sur l’écliptique vraie.


Mercure — 2332″,90.
Vénus — 5673,60.
La Terre 0,00.
Mars — 7027,41.
Jupiter — 4509,50.
Saturne — 5781,54.
Uranus — 10608,00.

CHAPITRE VI.[modifier]

De la figure des orbes des comètes, et des loix de leur mouvement autour du soleil.

Le soleil étant au foyer des orbes planétaires, il est naturel de le supposer pareillement au foyer des orbes des comètes. Mais ces astres disparoissant après s’être montrés pendant quelques mois ; leurs orbes, au lieu d’être presque circulaires comme ceux des planètes, sont très-alongés, et le soleil est fort voisin de la partie dans laquelle ils sont visibles. L’ellipse, au moyen des nuances qu’elle présente depuis le cercle jusqu’à la parabole, peut convenir à ces orbes divers ; l’analogie nous porte donc à mettre les comètes en mouvement dans des ellipses dont le soleil occupe un des foyers, et à les y faire mouvoir suivant les mêmes loix que les planètes, en sorte que les aires tracées par leurs rayons vecteurs soient proportionnelles au temps.

Il est presque impossible de connoître la durée de la révolution d’une comète, et par conséquent le grand axe de son orbe, par les observations d’une seule de ses apparitions ; on ne peut donc pas alors déterminer rigoureusement l’aire que trace son rayon vecteur dans un temps donné. Mais on doit considérer que la petite portion d’ellipse, décrite par la comète pendant son apparition, peut se confondre avec une parabole, et qu’ainsi l’on peut calculer son mouvement dans cet intervalle, comme s’il étoit parabolique.

Suivant les loix de Kepler, les secteurs tracés dans le même temps par les rayons vecteurs de deux planètes, sont entr’eux comme les surfaces de leurs ellipses, divisées par les temps de leurs révolutions, et les quarrés de ces temps sont comme les cubes des demi-grands axes. Il est facile d’en conclure que si l’on imagine une planète mue dans un orbe circulaire dont le rayon soit égal à la distance périhélie d’une comète ; le secteur décrit par le rayon vecteur de la comète sera au secteur correspondant décrit par le rayon vecteur de la planète, dans le rapport de la racine quarrée de la distance aphélie de la comète, à la racine quarrée du demi-grand axe de son orbe, rapport qui, lorsque l’ellipse se change en parabole, devient celui de la racine quarrée de deux, à l’unité. On a ainsi le rapport du secteur de la comète à celui de la planète fictice, et il est aisé par ce qui précède, d’avoir le rapport de ce dernier secteur, à celui que trace dans le même temps, le rayon vecteur de la terre. On peut donc déterminer pour un instant quelconque, à partir de l’instant du passage de la comète par le périhélie, l’aire tracée par son rayon vecteur, et fixer sa position sur la parabole qu’elle est censée décrire.

Il ne s’agit plus que de tirer des observations, les élémens du mouvement parabolique, c’est-à-dire, la distance périhélie de la comète, la position du périhélie, l’instant du passage par le périhélie, l’inclinaison de l’orbe à l’écliptique, et la position de ses nœuds. La recherche de ces cinq élémens présente de plus grandes difficultés, que celle des élémens des planètes qui, étant toujours visibles, et ayant été observées pendant une longue suite d’années, peuvent être comparées dans les positions les plus favorables à la détermination de ces élémens ; au lieu que les comètes ne paroissent que pendant fort peu de temps, et souvent dans des circonstances où leur mouvement apparent est très-compliqué par le mouvement réel de la terre, que nous leur transportons toujours en sens contraire. Malgré ces difficultés, on est parvenu par diverses méthodes, à déterminer les élémens des orbes des comètes. Trois observations complètes sont plus que suffisantes pour cet objet ; toutes les autres servent à confirmer l’exactitude de ces élémens, et la vérité de la théorie que nous venons d’exposer. Plus de quatre-vingts comètes dont les nombreuses observations sont exactement représentées par cette théorie, la mettent à l’abri de toute atteinte. Ainsi, les comètes que l’on a regardées pendant long-temps, comme des météores, sont de la même nature que les planètes ; leurs mouvemens et leurs retours sont réglés suivant les mêmes loix que les mouvemens planétaires. Observons ici, comment le vrai système de la nature, en se développant, se confirme de plus en plus. La simplicité des phénomènes célestes dans la supposition du mouvement de la terre, comparée à leur extrême complication dans celle de son immobilité, rend la première de ces suppositions fort vraisemblable : les loix du mouvement elliptique, communes alors aux planètes et à la terre, augmentent beaucoup cette vraisemblance qui devient plus grande encore, par la considération du mouvement des comètes assujetties aux mêmes loix, dans cette hypothèse.

Les comètes ne se meuvent pas toutes dans le même sens, comme les planètes : les unes ont un mouvement réel direct, d’autres ont un mouvement rétrograde. Les inclinaisons de leurs orbes ne sont point renfermées dans une zone étroite, comme celles des orbes planétaires : elles offrent toutes les variétés d’inclinaison, depuis l’orbe couché sur le plan de l’écliptique, jusqu’à l’orbe perpendiculaire à ce plan.

On reconnoît une comète, quand elle reparoît, par l’identité des élémens de son orbite, avec ceux de l’orbite d’une comète déjà observée. Si la distance périhélie, la position du périhélie et des nœuds, et l’inclinaison de l’orbite, sont à fort peu près les mêmes ; il est alors très-probable que la comète qui paroît, est celle que l’on avoit observée précédemment, et qui, après s’être éloignée à une distance où elle étoit invisible, revient dans la partie de son orbite, voisine du soleil. Les durées des révolutions des comètes étant fort longues, et ces astres n’ayant été observés avec un peu de soin, que depuis environ deux siècles ; on ne connoît encore avec certitude, que le temps de la révolution d’une seule comète, celle de 1682, que l’on avoit déjà observée en 1607 et 1531, et qui a reparu en 1759. Cette comète emploie environ soixante-seize ans à revenir à son périhélie ; ainsi, en prenant pour unité, la moyenne distance du soleil à la terre, le grand axe de son orbite est à-peu-près 35,9 ; et comme sa distance périhélie n’est que 0,58, elle s'éloigne du soleil au moins trente-cinq fois plus que la terre, en parcourant une ellipse fort excentrique. Son retour au périhélie a été de treize mois plus long de 1531 à 1607, que de 1607 à 1682 ; il a été de dix-huit mois plus court de 1607 à 1682, que de 1682 à 1759. Il paroît donc que des causes semblables à celles qui altèrent le mouvement elliptique des planètes, troublent celui des comètes, d’une manière encore plus sensible.

On a soupçonné le retour de quelques autres comètes : le plus probable de ces retours étoit celui de la comète de 1532, que l'on a cru être la même que la comète de 1661, et dont on a fixé la révolution à cent vingt-neuf ans. Mais cette comète n’ayant point reparu en 1790, comme on s’y attendoit ; il y a tout lieu de croire que ces deux comètes ne sont pas la même. Cela doit nous rendre très-circonspects à prononcer sur l’identité de deux comètes observées. Essayons de calculer la vraisemblance de cette identité, quand les élémens sont peu différens.

Supposons que la différence ne soit que d’un degré sur l'inclinaison de l’orbite, et sur les lieux du nœud ascendant et du périhélie ; et qu’elle soit d’un centième sur la distance périhélie, la moyenne distance du soleil à la terre, étant prise pour unité. Supposons encore que les erreurs des élémens déduits des observations, et les altérations que ces élémens ont pu éprouver dans l'intervalle des deux apparitions de la comète, soient dans les limites précédentes, en sorte que rien n’empêche de considérer les deux comètes, comme étant la même.

L’inclinaison de l’orbite d’une nouvelle comète, à l'écliptique, peut varier depuis zéro jusqu’à la demi-circonférence ; mais au-delà de cent degrés d’inclinaison, le mouvement change de direction ; ainsi par l’inclinaison seule, on peut indiquer si le mouvement est direct ou rétrograde. La probabilité que l’inclinaison de l'orbite d’une nouvelle comète ne s’éloignera pas de plus d’un degré, au-dessus ou au-dessous de l’inclinaison de l’orbite d’une ancienne comète, est donc égale à . La position du nœud ascendant d’une nouvelle comète, peut varier depuis zéro jusqu’à 400 degrés ; la probabilité qu’elle ne différera pas de plus d’un degré, de celle du nœud d’une comète anciennement observée, est par conséquent, . Pareillement, la probabilité que la position du périhélie d’une comète ne différera pas de plus d’un degré, de celle du périhélie d’une ancienne comète, est . Nous supposerons que la distance périhélie peut également varier dans l’intervalle compris depuis zéro jusqu’à 1,5 : à la vérité, on a vu des comètes dont la distance périhélie a surpassé 1,5 ; mais ces cas sont assez rares pour que nous puissions nous dispenser d’y avoir égard dans cet essai de calcul, une plus grande distance périhélie rendant presque toujours les comètes invisibles. La probabilité que la distance périhélie d’une nouvelle comète, ne différera pas d’un centième, de la distance périhélie d’une comète anciennement observée, sera donc à fort peu près, . Ainsi, la probabilité que les élémens d’une nouvelle comète ne s’écarteront pas de ceux d’une comète ancienne, au-delà des limites précédentes, sera le produit des quatre nombres , , , , et par conséquent, elle sera égale à une fraction dont le numérateur, étant l’unité, le dénominateur est égal à trois cents millions.

La théorie des hasards donne la règle suivante, pour avoir la probabilité que la nouvelle comète est la même que la comète anciennement observée. Multipliez cette fraction, par le nombre des comètes visibles et non encore observées, augmenté de l’unité ; divisez l’unité, par ce produit plus un ; le quotient sera la probabilité cherchée.

Si les limites des erreurs des élémens déduits des observations, sont plus grandes que les précédentes ; il faut, au lieu de la fraction un divisé par trois cents millions, employer le produit de cette fraction, par celui des quatre nombres qui expriment combien chaque limite contient la limite supposée précédemment.

Le nombre des comètes visibles et non encore observées, étant inconnu ; il est impossible de calculer la probabilité dont il s'agit. Cependant, on peut croire avec vraisemblance, qu’il n’excède pas un million ; en le supposant égal à ce nombre, il y a 300 à parier contre l’unité, qu’une comète dont les élémens ne diffèrent de ceux d’une ancienne comète, que des quantités précédentes, est la même. En comparant ainsi les élémens des comètes de 1607 et de 1682, Halley pouvoit annoncer avec une probabilité égale à , que ces deux comètes sont la même, et qu’elle reparoîtroit vers le milieu de ce siècle. La crainte de se tromper, quoique déjà fort petite, devint presque nulle, lorsqu’il eut reconnu à-peu-près les élémens de cette comète, dans ceux de la comète observée en 1531 ; et cette crainte a disparu entièrement pour nous qui avons revu la comète en 1759.

Mais il n’en est pas ainsi de la comète de 1532 ; ses élémens ont été déterminés sur les observations d’Appien et de Fracastor, et ces observations sont si grossières, qu’elles laissent une incertitude de 41° sur la position du nœud, de 10° sur l’inclinaison, de 22° sur la position du périhélie, et de 0,255 sur la distance périhélie. Il faut conséquemment, multiplier la fraction un divisé par trois cents millions, par le produit 41.10.22.17 ; ce qui la réduit à 0,000517 ; en supposant donc qu’il y ait encore mille comètes visibles et non observées, ce qui n’est point invraisemblable ; la probabilité que les deux comètes de 1532 et de 1661, sont la même, seroit environ , probabilité beaucoup trop petite, pour prononcer l’identité des deux comètes ; ainsi, l’on ne doit pas être surpris que cette comète n’ait point reparu dans ces dernières années.

La nébulosité dont les comètes sont presque toujours environnées, paroît être formée des vapeurs que la chaleur solaire élève de leur surface. On conçoit, en effet, que la grande chaleur qu’elles éprouvent vers leur périhélie, doit raréfier les matières que congeloit le froid excessif qu’elles éprouvoient à leurs aphélies. Il paroît encore que les queues des comètes ne sont que ces vapeurs élevées à de très-grandes hauteurs, par cette raréfaction combinée soit avec l’impulsion des rayons solaires, soit avec la dissolution de ces vapeurs dans le fluide qui nous réfléchit la lumière zodiacale. Cela semble résulter de la direction de ces queues qui sont toujours au-delà des comètes, relativement au soleil, et qui ne devenant visibles que près du périhélie, ne parviennent au maximum, qu’après le passage à ce point, lorsque la chaleur communiquée aux comètes par le soleil, s’est accrue par sa durée et par la proximité de cet astre.

CHAPITRE VII.[modifier]

Des loix du mouvement des satellites autour de leurs planètes.

Nous avons exposé dans le chapitre vi du livre précédent, les loix du mouvement du satellite de la terre, et ses principales inégalités. Il nous reste à considérer celles du mouvement des satellites de Jupiter, de Saturne et d’Uranus.

Si l’on prend pour unité, le demi-diamètre de l’équateur de Jupiter, supposé de 60″,185, à la moyenne distance de la planète au soleil ; les distances moyennes de ses satellites à son centre, seront à fort peu près.

I. Satellite 5,697300.
II. Satellite 9,065898.
III. Satellite 14,461628.
IV. Satellite 25,436000.

Les durées de leurs révolutions sydérales sont :

I. Satellite 1j.,769137787069931.
II. Satellite 3 ,551181016734509.
III. Satellite 7 ,154552807541524.
IV. Satellite 16 ,689019396008634.

Les durées des révolutions synodiques des satellites, ou les intervalles des retours de leurs conjonctions moyennes à Jupiter, sont faciles à conclure des durées de leurs révolutions sydérales, et de celle de la révolution sydérale de Jupiter. Au commencement de 1700, les longitudes moyennes des satellites étoient :

I. Satellite 85°,8491.
II. Satellite 83 ,5827.
III. Satellite 182 ,4495.
IV. Satellite 253 ,1545.

En comparant les distances des quatre satellites de Jupiter, aux durées de leurs révolutions ; on observe entre ces quantités, le beau rapport que nous avons vu exister entre les distances moyennes des planètes au soleil, et les durées de leurs révolutions ; c’est-à-dire que les quarrés des temps des révolutions sydérales des satellites, sont entr’eux comme les cubes de leurs moyennes distances au centre de Jupiter.

Les fréquentes éclipses des satellites, ont fourni aux astronomes, le moyen de suivre leurs mouvemens, avec une précision que l’on ne peut pas attendre de l’observation de leur distance à Jupiter ; elles ont fait connoître les résultats suivans.

L’ellipticité de l’orbe du premier satellite est insensible ; son plan coïncide à très-peu près avec celui de l’équateur de Jupiter, dont l’inclinaison à l’orbe de cette planète, est de 4°,4444.

L’ellipticité de l’orbe du second satellite, est pareillement insensible : son inclinaison sur l’orbe de Jupiter, est variable, ainsi que la position de ses nœuds. Toutes ces variations sont représentées à-peu-près, en supposant l’orbe du satellite, incliné d’environ 5182″ à l’équateur de Jupiter, et en donnant à ses nœuds sur ce plan, un mouvement rétrograde dont la période est de trente années Juliennes.

On observe une petite ellipticité dans l’orbe du troisième satellite ; l’extrémité de son grand axe, la plus voisine de Jupiter, et que l’on nomme périjove, a un mouvement direct, et l’excentricité de l’orbe paroît assujettie à des variations très-sensibles. Vers la fin du dernier siècle, l’équation du centre étoit à son maximum où elle s’élevoit à-peu-près à 2661″ : elle a ensuite diminué, et vers 1775, elle étoit à son minimum et d’environ 759″. L’inclinaison de l’orbe de ce satellite, sur celui de Jupiter, et la position de ses nœuds sont variables ; on représente à-peu-près ces variations, en supposant l’orbe incliné d’environ 2244″ sur l’équateur de Jupiter, et en donnant à ses nœuds, un mouvement rétrograde sur le plan de cet équateur, dans une période de 137 ans.

L’orbe du quatrième satellite a une ellipticité très-sensible ; son périjove a un mouvement direct d’environ 7852″ ; cet orbe est incliné de 272’ à l’orbe de Jupiter. C’est en vertu de cette inclinaison, que le quatrième satellite passe souvent derrière la planète relativement au soleil, sans s’éclipser. Depuis la découverte des satellites, jusqu’en 1760, l’inclinaison a paru constante ; mais elle a augmenté d’une quantité sensible dans ces dernières années. Nous reviendrons sur toutes ces variations, quand nous en développerons la cause.

Indépendamment de ces variations, les mouvemens des satellites de Jupiter, sont assujettis à des inégalités qui troublent leurs mouvemens elliptiques, et qui rendent leur théorie fort compliquée ; elles sont principalement sensibles dans les trois premiers satellites dont les mouvemens offrent des rapports très-remarquables.

Leurs moyens mouvemens sont tels que celui du premier satellite, plus deux fois celui du troisième, est à très-peu près égal à trois fois le moyen mouvement du second satellite. Le même rapport subsiste entre les moyens mouvemens synodiques ; car le mouvement synodique n’étant que l’excès du mouvement sydéral d’un satellite, sur celui de Jupiter ; si l’on substitue les mouvemens synodiques, au lieu des moyens mouvemens, dans l’égalité précédente ; le moyen mouvement de Jupiter disparoît, et l’égalité reste la même.

Les longitudes moyennes soit synodiques, soit sydérales des trois premiers satellites vus du centre de Jupiter, sont telles que la longitude du premier satellite, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est égale à très-peu près, à la demi-circonférence. Cette égalité est si approchée, que l’on est tenté de la regarder comme rigoureuse, et de rejeter sur les erreurs des observations, les quantités très-petites dont elles s’en écartent. On peut au moins, assurer qu’elle subsistera pendant une longue suite de siècles ; d’où il résulte que d’ici à un très-grand nombre d’années, les trois premiers satellites de Jupiter ne pourront pas être éclipsés à la fois.

Ses périodes et les loix des principales inégalités de ces satellites, sont les mêmes. L’inégalité du premier, avance ou retarde ses éclipses, de 233″ en temps, dans son maximum. En comparant sa marche, aux positions respectives des deux premiers satellites, on a trouvé qu’elle disparoît, lorsque ces satellites vus du centre de Jupiter sont en même temps en opposition au soleil ; qu’elle croît ensuite et devient la plus grande, lorsque le premier satellite, au moment de son opposition, est de 50° plus avancé que le second ; qu’elle redevient nulle, lorsqu’il est plus avancé de 100° ; qu’au-delà, elle prend un signe contraire, et retarde les éclipses, et qu’elle augmente, jusqu’à 150° de distance entre les satellites, où elle est à son maximum négatif ; qu’elle diminue ensuite et disparoît à 200° de distance ; enfin, que dans la seconde moitié de la circonférence, elle suit les mêmes loix que dans la première. On a conclu de-là, qu’il existe dans le mouvement du premier satellite autour de Jupiter, une inégalité de 5258″ dans son maximum, et proportionnelle au sinus du double de l’excès de la longitude moyenne du premier satellite sur celle du second, excès égal à la différence des longitudes moyennes synodiques des deux satellites. La période de cette inégalité n’est pas de quatre jours : mais comment dans les éclipses du premier satellite, se transforme-t-elle dans une période de 437j.,75 ? C’est ce que nous allons expliquer.

Supposons que le premier et le second satellites partent ensemble, de leurs moyennes oppositions au soleil. À chaque circonférence que décrira le premier satellite, en vertu de son moyen mouvement synodique, il sera dans son opposition moyenne. Si l’on conçoit un astre fictif dont le mouvement angulaire soit égal à l’excès du moyen mouvement synodique du premier satellite, sur deux fois celui du second ; alors, le double de la différence des moyens mouvemens synodiques des deux satellites, sera dans les éclipses du premier, égal à un multiple de la circonférence, plus au mouvement de l’astre fictif ; le sinus de ce dernier mouvement sera donc proportionnel à l’inégalité du premier satellite dans ses éclipses, et pourra la représenter. Sa période est égale à la durée du mouvement de l’astre fictif, durée qui, d’après les moyens mouvemens synodiques des deux satellites, est de 437j.,75 ; elle est ainsi déterminée avec une plus grande précision, que par l’observation directe.

L’inégalité du second satellite suit une loi semblable à celle du premier, avec cette différence, qu’elle est constamment de signe contraire. Elle avance ou retarde les éclipses de 1059’’ en temps, dans son maximum. En la comparant aux positions respectives des deux premiers satellites ; on observe qu’elle disparoît, lorsqu’ils sont à-la-fois en opposition au soleil ; qu’elle retarde ensuite, de plus en plus, les éclipses du second satellite, jusqu’à ce que les deux satellites soient éloignés entre eux, de cent degrés, à l’instant de ces phénomènes ; que ce retard diminue et redevient nul, lorsque la distance mutuelle des deux satellites est de deux cents degrés ; enfin, qu’au-delà de ce terme, les éclipses avancent de la manière dont elles avoient précédemment retardé. On a conclu de ces observations, qu’il existe dans le mouvement du second satellite, une inégalité de 11923’’ dans son maximum, proportionnelle et affectée d’un signe contraire au sinus de l’excès de la longitude moyenne du premier satellite, sur celle du second, excès égal à la différence des moyens mouvemens synodiques des deux satellites.

Si les deux satellites partent ensemble, de leur opposition moyenne au soleil ; le second satellite sera dans son opposition moyenne, à chaque circonférence qu’il décrira en vertu de son moyen mouvement synodique. Si l’on conçoit comme précédemment, un astre dont le mouvement angulaire soit égal à l’excès du moyen mouvement synodique du premier satellite, sur deux fois celui du second ; alors, la différence des mouvemens synodiques des deux satellites, sera dans les éclipses du second, égal à un multiple de la circonférence, plus au mouvement de l’astre fictif ; l’inégalité du second satellite sera donc dans ses éclipses, proportionnelle au sinus du mouvement de cet astre fictif. On voit ainsi la raison pour laquelle la période et la loi de cette inégalité, sont les mêmes que celles de l’inégalité du premier satellite. L’influence du premier satellite sur l’inégalité du second, est très-vraisemblable ; mais si le troisième satellite produit dans le mouvement du second, une inégalité semblable à celle que le second semble produire dans le mouvement du premier, c’est-à-dire, proportionnelle au sinus du double de la différence des longitudes moyennes du second et du troisième satellites ; cette nouvelle inégalité se confondra avec celle qui est due au premier satellite : car, en vertu du rapport qu’ont entre elles, les longitudes moyennes des trois premiers satellites, et que nous avons exposé ci-dessus ; la différence des longitudes moyennes des deux premiers satellites, est égale à la demi-circonférence, plus au double de la différence des longitudes moyennes du second et du troisième satellites, en sorte que le sinus de la première différence est le même que le sinus du double de la seconde différence, avec un signe contraire. L'inégalité produite par le troisième satellite dans le mouvement du second, auroit ainsi le même signe, et suivroit la même loi, que l'inégalité observée dans ce mouvement ; il est donc fort probable que cette inégalité est le résultat de deux inégalités, dépendantes du premier et du troisième satellites. Si, par la suite des siècles, le rapport précédent entre les longitudes moyennes de ces trois satellites, cessoit d’avoir lieu ; ces deux inégalités maintenant confondues, se sépareroient, et l’on pourroit connoître leur valeur respective. Mais, suivant les observations, ce rapport doit subsister pendant très-long-temps, et nous verrons dans le quatrième livre, qu’il est rigoureux.

Enfin, l’inégalité relative au troisième satellite dans ses éclipses, comparée aux positions respectives du second et du troisième satellites, offre les mêmes rapports, que l’inégalité du second, comparée aux positions respectives des deux premiers satellites. Il existe donc dans le mouvement du troisième satellite, une inégalité proportionnelle au sinus de l’excès de la longitude moyenne du second satellite sur celle du troisième, inégalité qui, dans son maximum, est de 827’’. Si l’on conçoit un astre dont le mouvement angulaire soit égal à l’excès du moyen mouvement synodique du second satellite, sur le double du moyen mouvement synodique du troisième ; l’inégalité du troisième satellite, sera dans ses éclipses, proportionnelle au sinus du mouvement de cet astre fictif ; or en vertu du rapport qui existe entre les longitudes moyennes des trois satellites, le sinus de ce mouvement est, au signe près, le même que celui du mouvement du premier astre fictif que nous avons considéré. Ainsi, l’inégalité du troisième satellite dans ses éclipses, a la même période, et suit les mêmes loix, que les inégalités des deux premiers satellites.

Telle est la marche des principales inégalités des trois premiers satellites de Jupiter, que Bradley avoit entrevues, et que Vargentin a exposées ensuite, dans un grand jour. Leur correspondance et celle des moyens mouvemens et des longitudes moyennes, semblent faire un système à part, de ces trois corps animés par des forces communes, et liés par de communs rapports.

Considérons présentement les satellites de Saturne. Si l’on prend pour unité, le demi-diamètre de cette planète vue de sa moyenne distance au soleil ; les distances des satellites à son centre, seront :

I. 3,080.
II. 3,952.
III. 4,893.
IV. 6,268.
V. 8,754.
VI. 20,295.
VII. 59,154.

Les durées de leurs révolutions sydérales sont :

I. 0j.,94271.
II. 1 ,37024.
III. 1 ,88780.
IV. 2 ,73948.
V. 4 ,51749.
VI. 15 , 9453.
VII. 79 , 3296.

En comparant les durées des révolutions de ces satellites, à leurs moyennes distances au centre de Saturne ; on retrouve encore le beau rapport découvert par Kepler, relativement aux planètes, et que nous avons vu exister dans le système des satellites de Jupiter ; c’est-à-dire, que les quarrés des temps des révolutions des satellites de Saturne, sont entr’eux, comme les cubes de leurs moyennes distances au centre de cette planète.

Le grand éloignement des satellites de Saturne, et la difficulté d’observer leur position, n’a pas permis de reconnoître l’ellipticité de leurs orbites, et encore moins, les inégalités auxquelles leurs mouvemens sont assujétis. Cependant, l’ellipticité de l’orbite du sixième satellite est sensible.

Si l’on prend pour unité, le demi-diamètre d’Uranus, supposé de 6″, vu de la moyenne distance de la planète au soleil ; les distances de ses satellites à son centre, seront :

I. 13,120.
II. 17,022.
III. 19,845.
IV. 22,752.
V. 45,507.
VI. 91,008.

Les durées de leurs révolutions sydérales sont :

I. 5j.,8926.
II. 8 ,7068.
III. 10 ,9611.
IV. 13 ,4559.
V. 38 ,0750.
VI. 107 ,6944.

Ces durées, à l’exception de la seconde et de la quatrième, ont été conclues des plus grandes élongations observées, et de l’hypothèse que les quarrés des temps des révolutions des satellites sont comme les cubes de leurs distances moyennes au centre de la planète, hypothèse que les observations confirment relativement au second et au quatrième satellites d’Uranus, en sorte qu’elle doit être regardée comme une loi générale du mouvement d’un système de corps qui circulent autour d’un foyer commun.

Maintenant, quelles sont les forces principales qui retiennent les planètes, les satellites et les comètes, dans leurs orbes respectifs ? Quelles forces particulières troublent leurs mouvemens elliptiques ? Quelle cause fait rétrograder les équinoxes, et mouvoir les axes de rotation de la terre et de la lune ? Par quelles forces, enfin, les eaux de la mer sont-elles soulevées deux fois par jour ? La supposition d’un seul principe dont tous ces effets dépendent, est digne de la simplicité et de la majesté de la nature. La généralité des loix que présentent les mouvemens célestes, semble en indiquer l'existence ; déjà même, on entrevoit ce principe, dans les rapports de ces phénomènes, avec la position respective des corps du système solaire. Mais pour l’en faire sortir avec évidence, il faut connoître les loix du mouvement de la matière.