Fables (Stevens)/29

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Imprimerie de John Lovell (p. 56).

XXIX.

LE RENARD ET LES RAISINS.


Phèdre a dit quelque part qu’un renard des plus saints
Entreprit un pèlerinage ;
Et que mourant de soif un jour en son voyage,
Il vit au haut d’un mur de superbes raisins.
Jamais raisins n’excitèrent l’envie
Comme ceux-là :
« Dieux protecteurs ! merci, le renard s’écria
« Les yeux au ciel, je renais à la vie.
« Déjà je perdais tout espoir
« Quand votre bonté secourable
« Me les a fait apercevoir.
« Qu’ils sont beaux ! Que leur jus doit être délectable !…
« Voyons, sans plus tarder essayons de cueillir
« Une de ces grappes vermeilles,
« Jamais, foi de renard, je n’en vis de pareilles. »
Mais il a beau sauter, il ne peut parvenir
Jusqu’au sommet de la muraille.
Il va, vient, puis revient, tourne et tourne cent fois
Autour du mur. Enfin se voyant aux abois :
« Fi ! ces raisins sont verts et bons pour la canaille,
« Dit-il tout haut. Partons, je perds ici mon temps. »

Il est dans l’univers beaucoup de telles gens.