Fables (Stevens)/36

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Imprimerie de John Lovell (p. 66).

XXXVI.

LE CRAPAUD MÉDECIN ET LE RENARD.


Un vieux crapaud boiteux, se voyant sans ressource,
 Se mit en tête, un beau matin,
 De s’intituler médecin,
Afin de déloger le diable de sa bourse.
Suivi d’un socius qui portait ses paquets,
Ses remèdes puants, ses élixirs de vie,
 Enfin toute une pharmacie,
Le voilà gravement sorti de son marais
Et criant à la multitude :
« Approchez, mes amis !… tenez, cet élixir
 « Guérit de la décrépitude
 « Et fait à l’instant rajeunir.
 « C’est un merveilleux spécifique… »
— « Tais-toi, dit un renard qui toisait l’orateur,
 « Tu n’es qu’un ignoble empirique,
« Que ne commences-tu par guérir ta laideur ?… »

Nous voyons de nos jours plus d’un docteur en herbe
À qui l’on peut fort bien appliquer ce proverbe
Que j’ai lu quelque part ; — il vaut son pesant d’or : —
Docteur ! avant autrui guérissez-vous d’abord.