Fables chinoises du IIIe au VIIIe siècle de notre ère/07
Apparence
LES DEUX LOUTRES
Deux loutres s’en allaient vers un fleuve à la pêche.
Une carpe survint.
— J’en prends dix-neuf sur vingt ! —
Dit l’une à sa compagne — entrons dans l’onde fraîche. —
Nos commères alors se jettent à la nage
Pour faire ample moisson ;
Or le même poisson
Fut par toutes les deux hélé sur le rivage.
— Il est à moi. — Mais non, il est à moi, te dis-je ! —
Elles criaient très fort,
Il était demi-mort,
Quand un malin chacal sut trancher ce litige :
À l’une, aimablement, il accorde la tête ;
L’autre eut un petit bout
De la queue… et c’est tout !…
Ensuite il s’adjugea le reste de la bête[1].
- ↑ Cf. La Fontaine, L’Huître et les Plaideurs, livre IX, fable 9.