Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Les Navigateurs (bilingue)

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LES NAVIGATEURS


Des gens, étant montés dans un bateau, prirent la mer. Quand ils furent au large, une violente tempête se déclara,

et le vaisseau fut sur le point de sombrer. L’un des passagers déchirant ses vêtements invoquait les dieux de son pays avec larmes et gémissements et leur promettait des offrandes en actions de grâces, s’ils sauvaient le vaisseau. Mais la tempête ayant cessé et le calme étant revenu, ils se mirent à faire bonne chère, à danser, à sauter, comme des gens qui viennent d`échapper à un danger inattendu. Alors le pilote, esprit solide, leur dit : « Mes amis, réjouissons-nous, mais comme des gens qui reverront peut-être la tempête. »

La fable enseigne qu’il ne faut pas trop s’enorgueillir de ses succès, et qu’il faut songer à l’inconstance de la fortune.

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Πλέοντες.

Ἐμϐάντες τινὲς εἰς σκάφος ἔπλεον. Γενομένων δὲ αὐτῶν πελαγίων, συνέϐη χειμῶνα ἐξαίσιον γενέσθαι καὶ τὴν ναῦν μικροῦ καταδύεσθαι. Τῶν δὲ πλεόντων ἕτερος περιρρηξάμενος τοὺς πατρῴους θεοὺς ἐπεκαλεῖτο μετ’ οἰμωγῆς καὶ στεναγμοῦ χαριστήρια ἀποδώσειν ἐπαγγελλόμενος, ἐὰν περισωθῶσι. Παυσαμένου δὲ τοῦ χειμῶνος καὶ πάλιν καινῆς γαλήνης γενομένης, εἰς εὐωχίαν τραπέντες ὠρχοῦντό τε καὶ ἐσκίρτων, ἅτε δὴ ἐξ ἀπροσδοκήτου διαπεφευγότες κινδύνου. Καὶ στερρὸς ὁ κυϐερνήτης ὑπάρχων ἔφη πρὸς αὐτούς· « Ἀλλ’, ὦ φίλοι, οὕτως ἡμᾶς γεγηθέναι δεῖ ὡς πάλιν, ἐὰν τύχῃ, χειμῶνος γενησομένου. »

Ὁ λόγος διδάσκει μὴ σφόδρα ταῖς εὐτυχίαις ἐπαίρεσθαι τῆς τύχης τὸ εὐμετάϐλητον ἐννοουμένους.