Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Les Pêcheurs qui ont pêché une pierre (bilingue)

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LES PÊCHEURS QUI ONT PÊCHÉ UNE PIERRE


Des pêcheurs traînaient une seine ; comme elle était lourde, ils se réjouissaient et dansaient, s’imaginant que la pêche était bonne. Mais quand ils eurent tiré la seine sur le rivage, ils y trouvèrent peu de poisson : c’étaient des pierres et autres matières qui la remplissaient. Ils en furent vivement contrariés, moins pour le désagrément qui leur arrivait que pour avoir préjugé le contraire. Mais l’un d’eux, un vieillard, leur dit : « Cessons de nous affliger, mes amis ; car la joie paraît-il, a pour sœur le chagrin ; et il fallait qu’après nous être tant réjouis à l’avance, nous eussions de toute façon quelque contrariété. »

Or donc nous non plus nous ne devons pas, si nous considérons combien la vie est changeante, nous flatter d’obtenir toujours les mêmes succès, mais nous dire qu’il n’y a si beau temps qui ne soit suivi de l’orage.

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Ἁλιεῖς <λίθον ἀγρεύσαντες>.

Ἁλιεῖς σαγήνην εἷλκον· βαρείας δὲ αὐτῆς οὔσης, ἔχαιρον καὶ ὠρχοῦντο, πολλὴν εἶναι νομίζοντες τὴν ἄγραν. Ὡς δὲ ἀφελκύσαντες ἐπὶ τὴν ἠιόνα τῶν μὲν ἰχθύων ὀλίγους εὗρον, λίθων δὲ καὶ ἄλλης ὕλης μεστὴν τὴν σαγήνην, οὐ μετρίως ἐβαρυθύμουν, οὐ τοσοῦτον ἐπὶ τῷ συμβεβηκότι δυσφοροῦντες ὅσον ὅτι καὶ τὰ ἐναντία προειλήφεισαν. Εἷς δέ τις ἐν αὐτοῖς γηραιὸς ὢν εἶπεν· « Ἀλλὰ παυσώμεθα, ὦ ἑταῖροι· χαρᾶς γάρ, ὡς ἔοικεν, ἀδελφή ἐστιν ἡ λύπη, καὶ ἡμᾶς ἔδει τοσαῦτα προησθέντας πάντως παθεῖν τι καὶ λυπηρόν. »

Ἀτὰρ οὖν καὶ ἡμᾶς δεῖ τοῦ βίου τὸ εὐμετάβλητον ὁρῶντας μὴ τοῖς αὐτοῖς πράγμασιν ἀεὶ ἐπαγάλλεσθαι, λογιζομένους ὅτι ἐκ πολλῆς εὐδίας ἀνάγκη καὶ χειμῶνα γενέσθαι.