Fables de Florian (1838)/4/L’Avare et son Fils

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Impie de Lemarchand.
L’AVARE ET SON FILS.

FABLE X.

L’AVARE ET SON FILS.


P

ar je ne sais quelle aventure,

Un avare, un beau jour voulant
se bien traiter,
Un avare, un beau jour voulantAu marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,
Les compta, rangea, recompta,
Ferma les doubles tours de sa double serrure,
Et chaque jour les visita.
Ce malheureux, dans sa folie,
Les bonnes pommes ménageait ;
Mais lorsqu’il en trouvait quelqu’une de pourrie,
En soupirant il la mangeait.
Son fils, jeune écolier, faisant fort maigre chère,

Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs et va dans ce réduit,
Suivi de deux amis d’excellent appétit.
Or vous pouvez juger le dégât qu’ils y firent,
Et combien de pommes périrent !
L’avare arrive en ce moment,
De douleur, d’effroi palpitant ;
Mes pommes ! criait-il : coquins, il faut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.
Mon père, dit le fils, calmez-vous, s’il vous plaît :
Nous sommes d’honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n’avons mangé que les bonnes.