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Faits curieux de l’histoire de Montréal/1

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PRÉFACE


Si l’on a pu dire que la curiosité est la source des malheurs du genre humain, que notre mère Ève par son action a ouvert la cassette de Pandore, il n’en reste pas moins vrai que la curiosité a été pour l’humanité l’occasion de tous les progrès, la mère des inventions, l’origine des découvertes.

La curiosité est parente de l’esprit d’observation. Et c’est ce qui permit à Newton de découvrir la loi de la pesanteur et de l’attraction centripète, à Franklin d’inventer son paratonnerre, à Christophe Colomb d’ouvrir des terres nouvelles à la vieille Europe. Les Gutenberg, les Laplace, les Leverrier, les Branly, les Pasteur, les Claude Bernard, les Blériot, les Perry, les Livingstone, les Jacques Cartier, les Champlain et tous ceux qui les ont imités ou qui leur ressemblent ont été des curieux.

La liste des curieux est plus longue que les nomenclatures des dictionnaires. Souvent les initiateurs d’une science ou les pionniers d’une invention sont inconnus et ce sont ceux qui ont perfectionné leur œuvre qui en ont recueilli toute la gloire. L’on sait, et que cet exemple suffise, comment Colomb n’eut pas même l’honneur de donner son nom au continent qu’il avait découvert et que nous habitons.

Aux curieux nous devons tant que je suis tenté de dire que nous leur devons tout. Vivent les curieux !

Cultivons la saine curiosité.

Mais nous n’en connaissons pas de plus légitime, de plus utile, de plus instructive, de plus négligée, que la curiosité des choses du passé ; grande et petite histoire des peuples, des familles et des individus.

En effet, c’est par l’étude du passé que l’homme apprend à se gouverner, à régler sa conduite, à diriger ses pas ; c’est dans l’histoire que les rois et les gouvernants vont chercher des flambeaux pour éclairer leur politique, des exemples ou précédents pour justifier leur action présente ou méditée. L’histoire a été avec raison appelée « la sage conseillère des princes » et Voltaire a dit d’elle qu’elle était le livre des rois. Elle est au même titre le livre des individus, car les passions de l’homme ne sont pas autres que celles des peuples et tout chef de famille est un petit roi dans un empire restreint.

L’étude de l’histoire nationale est l’école des patriotes de tous les pays. C’est aux mœurs des ancêtres que font appel les orateurs grecs et latins dans leurs harangues. C’est dans l’étude de l’histoire du Canada que les Papineau, les Morin, les Lafontaine, les Laurier et les Landry, ainsi que tous les patriotes de l’heure, à quelque politique qu’ils appartiennent, ont réchauffé leur patriotisme. C’est à l’histoire que la jeunesse canadienne consacre, de nos jours, beaucoup de son étude et il n’y a pas de doute que la génération qui se lève et pour qui travaillent avec ardeur les Groulx, les Chapais, les Roy et les Massicotte et tant d’autres curieux de chez nous, mieux éclairée par les leçons du passé, sera prête pour la lutte et la défense de ses droits. C’est imbus de la science historique que nous souhaitons les jeunes de notre époque et ce sont les livres comme ceux de monsieur Massicotte, que j’appellerais « les vestibules ou les portiques de l’histoire », qui les amèneront à savourer les lectures plus graves, plus sérieuses de la grande histoire, de celle qu’ont entreprise d’écrire chez nous M. l’abbé Groulx et l’honorable Thomas Chapais.

Ces « Faits curieux de l’histoire de Montréal » que monsieur Massicotte édite, ne s’adressent pas seulement aux jeunes ; ils conviennent à tous ceux qui sont curieux, qui aiment les récits vivants, les faits rares et documentés. J’ai parlé tout à l’heure de portiques et de vestibules, mais le fait est que les livres de monsieur Massicotte sont plus justement comparables à des mines riches, tant ils regorgent de menus renseignements pour quiconque y voudra puiser.

Occupant une position avantageuse, privilégiée, que bien des curieux lui envieraient, si elle n’était un Pactole qu’au figuré, M. Massicotte a dans les archives montréalaises, déterré des paillettes précieuses parmi le sable des paperasses, des minutes, des cahiers et des liasses et ces trouvailles, il les a livrées, en partie, les unes au Bulletin des Recherches historiques, les autres au Canadian Antiquarian, aux Mémoires de la Société royale du Canada et aux journaux quotidiens.

Mais ces publications ou sont inaccessibles au grand public, ou disparaissent au lendemain de leur naissance. Les premières ont une circulation restreinte ; les autres par leur nature sont éphémères et difficilement conservées. Plusieurs des travaux que M. Massicotte y a consignés méritaient d’être mis à la portée du peuple et vulgarisés par une édition populaire. C’est ce que la grande maison d’édition canadienne, la librairie Beauchemin, a compris, lorsqu’elle pria l’auteur de ce livre de réunir quelques-uns de ces écrits pour sa collection de livres de fonds. C’est heureux, car les découvertes de M. Massicotte et de ses collègues ont eu pour résultat de corriger sur certains points de notre histoire les assertions de nos historiens d’hier. Nos archives sont encore inexploitées et celles de Montréal renferment des éléments qui réunis et connus, permettront d’écrire la vie sociale, publique et, matérielle de nos aïeux. L’histoire jusqu’ici n’est guère que religieuse et politique et combien de points sont obscurs ? La petite histoire jettera de la lumière sur la grande.

M. Massicotte est un curieux des choses de notre histoire et spécialement de Montréal. Il peut vous dire rue par rue, maison par maison les menus faits de la vie passée de la métropole. Tous ceux qui liront son livre seront charmés et payés de leur curiosité. « Savant ne puis, curieux suis », disait un ex-libris que nous avons vu quelque part. Si nous ne pouvons tous être savants, du moins pouvons-nous être curieux. Et souvent science naquit de curiosité.

Soyons curieux du bien, du beau, du vrai et le diable en sera furieux.

Soyons curieux et nous serons sérieux.


Casimir Hébert.