Faits curieux de l’histoire de Montréal/5

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PAUVRE PETIT !


Vous ne connaissez pas la lamentable histoire de ce petit Montréalais qui, au dix-septième siècle, paya de sa vie une fugue d’écolier !

L’événement est consigné dans un procès-verbal des archives judiciaires de Montréal (7 février 1686) et j’en extrais les brèves notes qui suivent.

Le lundi, 4 février 1686, à deux heures de relevée, Pierre Chesne, âgé de six ans et dix mois, fils aîné de Pierre Chesne, tailleur d’habits, quittait la demeure paternelle pour l’école. Mais au lieu de se rendre où il devait, l’enfant prit le chemin du coteau Saint-Louis, au-dessus de la chapelle Notre-Dame de Bon-Secours.

La bise mordait et l’enfant n’avait aux pieds que des sabots, n’importe, il allait devant lui, libre, et ne semblait pas embarrassé. Le meunier du coteau en l’apercevant lui demanda ce qu’il faisait, il répondit qu’il se rendait à Longueuil, chez son oncle. Jean Petit ! Puis il poursuivit sa route jusqu’au ruisseau Migeon, où il rencontra la femme du sergent Cabazié qui, elle aussi, le questionna. De nouveau, le jeune chemineau déclara qu’il allait à Longueuil, et personne ne songea à empêcher ce bambin, chaussé de sabots, de s’aventurer sur le fleuve par une température boréale, à cinq heures de l’après-midi.

Ne voyant point revenir leur enfant, les parents partirent le quérir dans la ville. On s’adressa aux amis, aux connaissances, on s’informa à tous les carrefours, sans résultat.

Deux jours durant, on agrandit le champ des recherches et on suivit les traces de l’enfant, sur la glace, dans diverses directions. Finalement, on le trouva non loin du manoir de Longueuil : « il était étendu sur le dos… le pied droit nud, le bras droit sur son estomac et le bras gauche eslevé, la main d’icelluy plyée roidde par le froid et la gellée qu’il a fait depuis son départ et qui l’ont fait mourir » !

Le sort de ce malheureux écolier dut faire le sujet de bien des commentaires dans Ville-Marie et les environs. Combien de mères, avec raison, signalèrent, à leurs enfants qui refusaient d’écouter, la fin tragique du petit Chesne.