Festons et astragales/Sur un Bacchus de Lydie
Sur un Bacchus de Lydie
Ô Bacchus Lydien, dont la barbe est frisée,
J’aime ton front tranquille orné d’un cercle d’or,
Tandis qu’à quelques pas, humide de rosée,
La déesse des fleurs sous la brise se tord.
La main, que l’œil devine et que la robe cache,
Entre ses seins pointus presse des lis mouillés ;
Et frissonnant à l’air, le torse se détache
De l’étoffe aux plis droits qui tombe sur ses piés.
Elle est jeune et lascive et ferme sa paupière,
De son regard oblique elle appelle le tien ;
Mais tu ne parais pas entendre sa prière,
Et tu restes pensif, ô Bacchus Lydien !
Elle a beau devant toi se pencher et sourire,
Le temps n’est pas venu de tes transports divins ;
Tu dédaignes, ô roi, l’amante de Zéphyre,
Car la fleur sera morte à la saison des vins.
Il te faut, Iacchus, pour que ton cœur s’allume,
Les thyases dansants sous le ciel étoilé,
Tandis qu’un thyrse aux mains, sur le sable qui fume,
Tu fais voler ton char de tigres attelé !
Il te faut, Iacchus, les cortèges superbes,
La flûte, le tambour frémissant sous les doigts,
La ménade en sueur qui tombe dans les herbes,
Et d’un bruit de grelots fait retentir les bois.
Il te faut, Iacchus, les hurlements nocturnes,
Les longs cheveux flottants autour des longs baisers,
Et le sang de la vigne, à la lèvre des urnes,
Et, sur l’Hébrus neigeux, des membres dispersés.
Car tu n’es pas le dieu des amours printanières,
Malgré ton front candide et tes regards sereins,
Et ton lit nuptial est fait sur les bruyères,
Avec la peau d’un monstre écorché par tes mains !