Fragment sur l’histoire générale/Édition Garnier/11

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ARTICLE XI.

Calomnies contre Louis XIV.

Il est des faits plus graves, des calomnies plus atroces qui attaquent les rois et les nations, et qui exigent des réfutations plus complètes et plus réitérées. C’était un devoir essentiel à l’auteur du Siècle de Louis XIV, historiographe de France, de repousser les injures affreuses vomies contre la mémoire de Louis XIV et contre Louis XV, par un Français alors réfugié[1], et apprenti pasteur à Genève, et indigne également de ses deux patries.

Nous dîmes, nous persistons à dire, et nous redirons dans toutes les occasions, que ces odieux libelles, tout méprisables qu’ils sont, ne laissent pas de pénétrer dans l’Europe[2], du moins pour quelque temps, par cela même qu’ils sont calomnieux ; leur scélératesse leur tient lieu quelquefois de mérite auprès des esprits ignorants et pervers. Si on multiplie les impostures, il faut bien multiplier aussi les réponses.

Nous remettons donc ici sous les yeux du lecteur une partie de ce que nous écrivîmes alors[3], moins en faveur de Louis XIV qu’en faveur de la vérité.

Extrait d’un Mémoire sur les calomnies contrée Louis XIV, et contre Sa Majesté régnante, et contre toute la famille royale, et contre les principaux personnages de la France.

Les gens de lettres savent assez qu’un nommé Langleviel La Beaumelle vendit à Francfort, en 1753, au libraire Esslinger, une édition du Siècle de Louis XIV, falsifiée et chargée de ses notes[4] ; qu’il travestit en libelle diffamatoire un ouvrage entrepris pour l’honneur et l’encouragement de la nation française.

C’est dans ces notes que l’on trouve «[5] qu’un roi qui veut le bien est un être de raison, et que Louis XIV ne réalisa jamais cette chimère ;[6] que les libéralités de Louis XIV sont tout ce qu’il y a de plus beau dans sa vie ;[7] que la politesse de la cour de Louis XIV est un être de raison. — Que Louis XIV avait peu de religion ;[8] que le roi n’employait le maréchal de Villars que par faiblesse ;[9] qu’il faut que les écrivains sévissent contre Chamillart et les autres ministres ».

On n’ose répéter ici ce qu’il dit contre la famille royale et contre le duc d’Orléans, pages 346 et suivantes. Ce sont des calomnies si abominables et si absurdes qu’on souillerait le papier en les copiant. On croira sans peine qu’un homme assez dépourvu de sens et de pudeur pour vomir tant de calomnies n’a pas assez de science pour ne pas tomber à chaque page dans les erreurs les plus grossières ; mais c’est une chose curieuse que le ton de maître dont il les débite.

Il ne s’en est pas tenu là ; il a répété les mêmes outrages et les mêmes absurdités dans les prétendus Mémoires qu’il a donnés de Mme  de Maintenon.

Ce sont surtout les mêmes outrages à Louis XIV, à tous les princes et à toutes les dames de sa cour.

«[10] Qui a loué Louis XIV ? dit-il ; les sages, les politiques, les bons chrétiens, les bons Français ? Non ; un tas de moines sans esprit et sans âme, des évêques, des ministres, qui ne connaissaient en France d’autre loi que le bon plaisir du maître. »

Il feint d’avoir écrit ces Mémoires pour honorer Mme  de Maintenon, et ce n’est qu’un libelle contre elle et contre la maison de Noailles ; il ramasse tous les vers infâmes qu’on a faits sur elle.

Il imprime de vieux noëls remplis des plus grossières ordures contre le roi, la dauphine et toutes les princesses.

Il attribue à Mme  de Maintenon une parodie impie du Décalogue, dans laquelle on trouve ces vers :

Ton mari cocu tu feras[11],
Et ton bon ami mêmement.
À table en soudard tu boiras
De tout vin généralement.

On n’imputerait pas de pareils vers à la veuve du cocher de Vertamont, et c’est ce qu’on ose mettre sur le compte de la femme la plus polie et la plus décente[12].

On passe sous silence tous les contes faits pour des femmes de chambre, dont ses rapsodies sont pleines. À la bonne heure qu’un homme sans éducation écrive des sottises ; mais de quel front ose-t-il prétendre que le roi écrivit à M. d’Avaux, au sujet de l’évasion des protestants[13] : Mon royaume se purge ; et que M. d’Avaux lui répondit : Il deviendra étique, etc. ? Nous avons les lettres de M. d’Avaux au roi, et ses réponses ; il n’y a certainement pas un mot de ce que cet homme avance.

Comment peut-il être assez ignorant de tous les usages et de toutes les choses dont il parle pour dire qu’au temps de la révocation de l’édit de Nantes[14], « le roi étant à la promenade en carrosse avec Mme  de Maintenon, Mlle  d’Armagnac, et M. Fagon, son premier médecin, la conversation tomba sur les vexations faites aux huguenots, etc. » ? Assurément ni Louis XIV ni Louis XV n’ont été en carrosse à la promenade, ni avec leur médecin ni avec leur apothicaire. Fagon, d’ailleurs, ne fut premier médecin du roi qu’en 1693. À l’égard de la princesse d’Armagnac dont il parle, elle était née en 1678, et, n’ayant alors que sept ans, elle ne pouvait aller familièrement en carrosse à une promenade avec le roi et Fagon, en 1685.

C’est avec la même érudition de cour qu’il dit que le P. Ferrier « se fit donner la feuille des bénéfices qu’avait auparavant le premier valet de chambre » ; que l’archevêque de Paris dressa l’acte de célébration du mariage du roi avec Mme  de Maintenon, et qu’à sa mort on trouva sous la clef « quantité de vieilles culottes, dans l’une desquelles était cet acte[15] ».

Il connaît l’histoire ancienne comme la moderne. Pour justifier le mariage du roi avec Mme  de Maintenon, il dit[16] que « Cléopâtre, déjà vieille, enchaîna Auguste ».

Chaque page est une absurdité ou une imposture. Il réclame le témoignage de Burnet, évêque de Salisbury, et lui fait dire joliment que « Guillaume III, roi d’Angleterre, n’aimait que les portes de derrière ». Jamais Burnet n’a dit cette infamie ; il n’y a pas un seul mot dans aucun de ses ouvrages qui puisse y avoir le moindre rapport.

S’il se bornait à dire au hasard des inepties sur des choses indifférentes, on aurait pu l’abandonner au mépris dont les auteurs de pareilles indignités sont couverts ; mais qu’il ose dire que Monseigneur le duc de Bourgogne, père du roi, trahit le royaume dont il était héritier[17], « et qu’il empêcha que Lille ne fût secourue », lorsque cette place était assiégée par le prince Eugène, c’est un crime que les bons Français doivent au moins réprimer, et une calomnie ridicule qu’un historiographe de France serait coupable de ne pas réfuter.

Et sur quoi fonde-t-il cette noire imposture ? Voici ses paroles : « Le roi entra chez Mme  de Maintenon, et, dans le premier mouvement de sa joie, lui dit : « Vos prières sont exaucées, madame ; Vendôme tient mes ennemis. Lille sera délivrée, et vous serez reine de France. » Ces paroles furent entendues et répétées ; Monseigneur les sut : il trembla pour la gloire de la famille royale, et, pour parer le coup qui la menaçait, il écrivit à monseigneur le duc de Bourgogne, qui aimait son père autant qu’il craignait son aïeul, qu’à son retour il trouverait deux maîtres. Mme  la duchesse de Bourgogne conjura son époux de ne pas contribuer à lui donner pour souveraine une femme née tout au plus pour la servir. Le prince, ébranlé par ces instances, empêcha que Lille ne fût secourue. »

On demande où ce calomniateur du père du roi a trouvé ces paroles de Louis XIV : « Vous serez reine de France. » Était-il dans la chambre ? Quelqu’un les a-t-il jamais rapportées ? Ce mensonge n’est-il pas aussi méprisable que celui qu’il ajoute ensuite[18] : « De là ces billets que les ennemis jetaient parmi nous : « Rassurez-vous, Français, elle ne sera pas votre reine, nous ne lèverons pas le siége ? »

Comment une armée jette-t-elle des billets dans une ville assiégée ? Peut-on joindre plus de sottises à plus d’horreurs ?

Après avoir tenté de jeter cet opprobre sur le père du roi, il vient à son grand-père ; il veut lui donner des ridicules ; il lui fait épouser[19] Mlle  Chouin ; il lui donne un fils de la Raisin au lieu d’une fille ; et, aussi instruit des affaires des citoyens que de celles de la famille royale, il avance que ce fils serait mort dans la misère si le trésorier de l’extraordinaire des guerres, La Jonchère, ne lui avait pas donné sa sœur en mariage. Enfin, pour couronner cette impertinence, il confond ce trésorier avec un autre La Jonchère[20], sans emploi, sans talents et sans fortune, qui a donné, comme tant d’autres, un projet ridicule de finance en quatre petits volumes.

Il fallait bien qu’ayant ainsi calomnié tous les princes il portât sa fureur sur Louis XIV. Rien n’égale l’atrocité avec laquelle il parle du marquis de Louvois[21] ; il ose dire que ce ministre craignait que le roi ne l’empoisonnât[22]. Ensuite voici comme il s’exprime : « Au sortir du conseil il rentre dans son appartement, et boit un verre d’eau avec précipitation ; le chagrin l’avait déjà consumé ; il se jette dans un fauteuil, dit quelques mots mal articulés, et expire. Le roi s’en réjouit, et dit que cette année l’avait délivré de trois hommes qu’il ne pouvait plus souffrir : Seignelai, La Feuillade et Louvois. »

Il est inutile de remarquer que MM. de Seignelai et de Louvois ne moururent point la même année. Une telle remarque serait convenable s’il s’agissait d’une ignorance ; mais il est question du plus grand des crimes dont un enragé ose soupçonner un roi honnête homme ; et ce n’est pas la seule fois qu’il a osé parler de poison dans ses abominables libelles. Il dit dans un endroit[23] que le grand-père de l’impératrice-reine avait des empoisonneurs à gages ; et, dans un autre endroit, il s’exprime sur l’oncle de son propre roi d’une façon si criminelle, et en même temps si folle, que l’excès de sa démence, prévalant sur celui de son crime, il n’en a été puni que par six mois de cachot.

Mais, à peine sorti de prison, comment répare-t-il des crimes qui, sous un ministère moins indulgent, l’auraient conduit au supplice ? Il fait publier un libelle intitulé Lettres de M. de La Beaumelle, à Londres, chez Jean Nourse, 1763. C’est là surtout qu’il aggrave ses calomnies contre le prédécesseur de son roi.

Ce n’est pas assez pour ce monstre de soupçonner Louis XIV d’avoir empoisonné son ministre. L’auteur du Siècle de Louis XIV avait dit dans un écrit à part[24] : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds, et où l’on ait fait de plus grandes choses pour le bien public, que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même.»

Cette assertion était vraie ; elle était d’un citoyen, et non d’un flatteur. La Beaumelle, l’ennemi de l’auteur du Siècle de Louis XIV, qui n’a jamais eu que de tels ennemis ; La Beaumelle, dis-je, dans sa xxiiie lettre, page 88, dit : « Je ne puis relire ce passage sans indignation, quand je me rappelle toutes les injustices générales et particulières que commit le feu roi. Quoi ! Louis XIV était juste, quand il ramenait tout à lui-même ; quand il oubliait (et il oubliait sans cesse) que l’autorité n’était confiée à un seul que pour la félicité de tous ? » Et, après ces mots, c’est un détail affreux.

Ainsi donc Louis XIV oubliait sans cesse le bien public lorsqu’en prenant les rênes de l’État il commença par remettre au peuple trois millions d’impôts ! quand il établit le grand hôpital de Paris et ceux de tant d’autres villes ! Il oubliait le bien public en réparant les grands chemins, en contenant dans le devoir ses nombreuses troupes, aussi redoutables auparavant aux citoyens qu’aux ennemis ; en ouvrant au commerce cent routes nouvelles ; en formant la compagnie des Indes, à laquelle il fournit de l’argent du trésor royal ; en défendant toutes les côtes par une marine formidable, qui alla venger en Afrique les insultes faites à nos négociants ! Il oublia sans cesse le bien public, lorsqu’il réforma toute la jurisprudence autant qu’il le put, et qu’il étendit ses soins jusque sur cette partie du genre humain qu’on achète chez les derniers Africains pour servir dans un nouveau monde ! Oublia-t-il sans cesse le bien public en fondant dix-neuf chaires au Collége royal, cinq académies ; en logeant dans son palais du Louvre tant d’artistes distingués ; en répandant des bienfaits sur les gens de lettres jusqu’aux extrémités de l’Europe ; et en donnant plus lui seul aux savants que tous les rois de l’Europe ensemble, comme le dit l’illustre auteur[25] de l’Abrégé chronologique ?

Enfin était-ce oublier le bien public que d’ériger l’hôtel des Invalides pour plus de quatre mille guerriers, et Saint-Cyr pour l’éducation de deux cent cinquante filles nobles ? Il vaudrait autant dire que Louis XV a négligé le bien public en fondant l’École royale militaire, et en mettant aujourd’hui dans toutes ses troupes, par le génie actif d’un seul homme, cet ordre admirable que les peuples bénissent, que les officiers embrassent à présent avec ardeur, et que les étrangers viennent admirer.

Il y a toujours des esprits mal faits et des cœurs pervers que toute espèce de gloire irrite, dont toute lumière blesse les yeux, et qui, par un orgueil secret proportionné à leurs travers, haïssent la nature entière. Mais qu’il se soit trouvé un homme assez aveuglé par ce misérable orgueil, assez lâche, assez bas, assez intéressé pour calomnier à prix d’argent tous les noms les plus sacrés et toutes les actions les plus nobles, qu’il aurait louées pour un écu de plus, c’est ce qu’on n’avait point vu encore.

L’intérêt de la société demande qu’on effraye ces criminels insensés : car il peut s’en trouver quelqu’un parmi eux qui joigne un peu d’esprit à ses fureurs. Ses écrits peuvent durer. Bayle lui-même, dans son Dictionnaire, a fait revivre cent libelles de cette espèce. Les rois, les princes, les ministres, pourraient dire alors : « À quoi nous servira de faire du bien, si le prix en est la calomnie ? »

La Beaumelle pousse sa furieuse démence jusqu’à représenter par bravade ses confrères les protestants de France (qui le désavouent) comme une multitude redoutable au trône[26]. « Il s’est formé, dit-il, un séminaire de prédicants sous le nom de ministres du désert, qui ont leurs cures, leurs fonctions, leurs appointements, leurs consistoires, leurs synodes, leur juridiction ecclésiastique... Il y a cinquante mille baptêmes et autant de mariages bénis illicitement en Guienne, des assemblées de vingt mille âmes en Poitou, autant en Dauphiné, en Vivarais, en Béarn, soixante temples en Saintonge, un synode national à Nîmes, composé des députés de toutes les provinces. »

Ainsi, par ces exagérations extravagantes, il se rend le délateur de ses confrères, et, en écrivant contre le trône, il les exposerait à passer pour les ennemis du trône ; il ferait regarder la France parmi les étrangers comme nourrissant dans son sein les semences d’une guerre civile prochaine, si on ne savait que toutes ces accusations contre les protestants sont d’un fou également en horreur aux protestants et aux catholiques.

Acharné contre tous les princes de la maison de France, et contre le gouvernement, il prétend que monseigneur le Duc, père de monseigneur le prince de Condé, fit assassiner M. Vergier[27], commissaire des guerres, en 1720, et que sa mort a été récompensée de la croix de Saint-Louis. L’auteur du Siècle de Louis XIV avait démontré la fausseté de ce conte[28]. Tout le monde sait aujourd’hui que Vergier avait été assassiné par la troupe de Cartouche : les assassins l’avouèrent dans leur interrogatoire ; le fait est public ; n’importe, il faut que La Beaumelle, non moins coupable que ces malheureux, et non moins punissable, calomnie la maison de Condé comme il a fait la maison d’Orléans et la famille royale.

De pareilles horreurs semblent incroyables ; personne n’avait joint encore tant de ridicule à tant d’exécrables atrocités.

C’est ce même misérable qui, dans un petit livre intitulé Mes Pensées, a insulté monseigneur le duc de Saxe-Gotha[29], MM. d’Erlach[30], Sinner, Diesbach, en les nommant par leur nom sans les connaître, sans leur avoir jamais parlé. C’est là que sa furieuse folie s’emporte jusqu’à ne connaître de héros que Cromwell et Cartouche, et à souhaiter que tout l’univers leur ressemble ; voici ses propres paroles :

« Les forfaits de Cromwell sont si beaux[31] que l’enfant bien né ne peut les entendre sans joindre les mains d’admiration. Une république[32] fondée par Cartouche aurait eu de plus sages lois que la république de Solon. »

Dans un autre libelle intitulé Examen de l’histoire de Henri IV[33], voici comme il s’exprime[34] :

« Je lis avec un charme infini, dans l’histoire du Mogol, que le petit-fils de Sha-Abas fut bercé pendant sept ans par des femmes ; qu’ensuite il fut bercé pendant huit ans par des hommes ; qu’on l’accoutuma de bonne heure à s’adorer lui-même, et à se croire formé d’un autre limon que ses sujets ; que tout ce qui l’environnait avait ordre de lui épargner le pénible soin d’agir, de penser, de vouloir, et de le rendre inhabile à toutes les fonctions du corps et de l’âme ; qu’en conséquence un prêtre le dispensait de la fatigue de prier de sa bouche le grand Être ; que certains officiers étaient préposés pour lui mâcher noblement, comme dit Rabelais, le peu de paroles qu’il avait à prononcer ; que d’autres lui tâtaient le pouls trois ou quatre fois le jour comme à un agonisant ; qu’à son lever, qu’à son coucher, trente seigneurs accouraient, l’un pour lui dénouer l’aiguillette, l’autre pour le déconstiper ; celui-ci pour l’accoutrer d’une chemise, celui-là pour l’armer d’un cimeterre, chacun pour s’emparer du membre dont il avait la surintendance. Ces particularités me plaisent, parce qu’elles me donnent une idée nette du caractère des Indiens, et que d’ailleurs elles me font assez entrevoir celui du petit-fils de Sha-Abas pour me dispenser de lire tant d’épais volumes que les Indiens ont écrits sur les faits et gestes de cet empereur automate. »

[35] Cet homme est bien mal instruit de l’éducation des princes mogols. Ils sont à trois ans entre les mains des eunuques, et non entre les mains des femmes. Il n’y a point de seigneur à leur lever et à leur coucher ; on ne leur dénoue point l’aiguillette. On voit assez qui l’auteur veut désigner. Mais connaîtra-t-on à ce portrait le fondateur des Invalides, de l’Observatoire, de Saint-Cyr ; le protecteur généreux d’une famille royale infortunée ; le conquérant de la Franche-Comté, de la Flandre française ; le fondateur de la marine, le rémunérateur éclairé de tous les arts utiles ou agréables ; le législateur de la France, qui reçut son royaume dans le plus horrible désordre, et qui le mit au plus haut point de la gloire et de la grandeur ; enfin le roi que don Ustariz, cet homme d’État si estimé, appelle un homme prodigieux, malgré des défauts inséparables de la nature humaine ?

Y reconnaitra-t-on le vainqueur de Fontenoy et de Laufelt, qui donna la paix à ses ennemis, étant victorieux : le fondateur de l’École militaire, qui, à l’exemple de son aïeul, n’a jamais manqué de tenir son conseil ? Où est ce petit-fils automate de Sha-Abas ?

Il croit que Sha-Ahas était un Mogol, et c’était un Persan de la race des sophis. Il appelle au hasard son petit-fils automate, et ce petit-fils était Abas, second fils de Sam-Mirza, qui remporta quatre victoires contre les Turcs, et qui fit ensuite la guerre aux Mogols.

On ne peut étaler ni plus de méchanceté, ni plus d’ignorance. Qui le croirait ? cet homme a trouvé enfin de la protection !

Pour mieux confondre non-seulement ces impostures, mais aussi cet esprit de critique, et ce style acre et violent, employés depuis quelque temps à décrier le grand siècle, à rabaisser Louis XIV, à dénigrer tous ceux qui illustraient la France, nous réimprimons ici la Défense de Louis XIV.


  1. Langleviel, dit La Beaumelle, reçu par le pasteur La Rive, en 1745, le 12 octobre. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez tome XIX, page 364.
  3. Voltaire, par cette citation, prouve l’authenticité du Mémoire présenté au ministère de France, que nous avons donné tome XXVI, pages 355-366.
  4. Voyez tome XV, page 99 ; XIX, 364 ; XXVI, 133.
  5. Tome I, page 184. (Note de Voltaire.)
  6. Page 193. (Id.)
  7. Page 211. (Id.)
  8. Page 275. (Id.)
  9. Tome II, page 173. (Id.)
  10. Mémoires de Maintenon, tome IV, page 99. (Note de Voltaire.)
  11. Ibid., tome VI, page 123. (Id.)
  12. Voyez tome XXVI, page 162.
  13. Mémoires de Maintenon, tome III, page 30. (Note de Voltaire.)
  14. Mémoires de Maintenon, tome III, page 36. (Note de Voltaire.)
  15. Ibid., page 48. (Id.)
  16. Ibid., page 73. (Id.)
  17. Ibid., tome IV, page 109. (Id.)
  18. Mémoires de Maintenon, tome IV, page 110. (Note de Voltaire.)
  19. Ibid., page 200. (Id.)
  20. Voyez tome XXIII, page 58.
  21. Mémoires de Maintenon, tome III, page 269. (Note de Voltaire.)
  22. Ibid., page 271. (Id.)
  23. Tome II, pages 347 et 348 du Siècle de Louis XIV, falsifié par La Beaumelle. (Note de Voltaire.)
  24. Supplément au Siècle de Louis XIV ; voyez tome XV, page 114.
  25. Le président Hénault.
  26. Page 110 des Lettres de La Beaumelle à M. de Voltaire ; à Londres, chez Jean Nourse. (Note de Voltaire.) — Voltaire a fait dans sa citation quelques suppressions, et même quelques changements de mots, mais qui ne changent pas le sens. (B.)
  27. Tome III, page 323, du Siècle de Louis XIV. (Note de Voltaire.)
  28. Voyez tome XIV, page 142 ; XV, 126.
  29. Mes Pensées (par La Beaumelle ) ; sixième édition, Londres, Nourse, 1732, petit in-12, n° cxiv, page 108.
  30. Ibid.,ccccxl, page 312.
  31. Ibid.,ccx, page 202.
  32. Ibid.,lxxxiii, page 79.
  33. Cet ouvrage, dont il est parlé dans une note, tome XV, page 532, est certainement de La Beaumelle ; il n’est plus permis d’en douter depuis l’article imprimé dans la France littéraire de M. Quérard ; voyez le tome IV de cet ouvrage, pages 329-30.
  34. Page 24.
  35. La citation qui précède et ce qui suit avaient déjà été imprimés en 1772, dans les Questions sur l’Encyclopédie (voyez tome XX, page 330).