Framès/Partie II/III

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Imprimerie Poupart-Davyl et Cie (p. 38-40).


III


Or un jour qu’au hasard il allait devant lui,
Traînant ce lourd boulet qu’on appelle l’ennui,
Il vit : objet charmant, raissante merveille,
Une enfant de seize ans assise sous la treille
De l’humble presbytère, asile vénéré
Jamais peintre divin, ni poëte inspiré,
N’ont rêvé dans leurs nuits pleines d’ardentes fièvres,
Plus de candeur au front, plus d’amour sur les lèvres.

Du blond soleil de mai quelques rayons joyeux
Descendaient sur son front en nimbe radieux.
Elle chantait un air mélancolique et tendre.
Quelque noël bien vieux, si naïf, qu’à l’entendre
Tous les petits oiseaux sans effroi l’écoutaient.
Des charmes tout-puissants aux grâces s’ajoutaient.
De ses fins cheveux d’or les boucles vagabondes
Roulaient sur son épaule en cascatelles blondes.
Ses grands yeux bleus brillaient comme ceux d’Ariel.
Tu l’as dit, il faudrait tremper dans l’arc-en-ciel
La plume, ô Diderot, pour peindre en traits de flamme
Cet être faible, fort, beau, terrible, la femme !
Femme ! mot qui dit tout, douleurs du souvenir,
Félicité présente ou rêves d’avenir.
Mères, épouses, sœurs, suivant que l’on vous nomme.
C’est par vous que le cœur grandit, qu’on se fait homme.

Vous nous donnez la foi, l’amour et la fierté.
Sans vous plus de bonheur, d’espoir, ni de gaîté.
Sans vous tout se corrompt, tout s’éteint, tout s’affaisse.
Et pourtant j’ai médit de vous, je le confesse ;
Ingrat, j’ai renié l’amour au moins trois fois.
Mais je suis repentant, femmes, car je vous dois
Ces jours baignés de joie ou de mélancolie,
Dont le cœur se souvient, lorsque l’esprit oublie.