Framès/Partie II/IX

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Imprimerie Poupart-Davyl et Cie (p. 47-49).


IX


Les ombres descendaient, quand le rêve avait lui.
Le passé de Framès se dressait devant lui.
— « Mes soleils sont éteints et ma nuit est épaisse. »
Disait-il, « qu’ai-je fait de ma sainte jeunesse ?
« J’ai traîné ma vertu, ce céleste manteau,
« Comme on traîne un haillon dans l’égout du ruisseau.

« J’ai vécu ! Je suis vieux ! Je ne crois plus au rêve.
« Mon cœur ressemble au tronc où ne vient plus la séve,
« Et j’irais aujourd’hui, tout fier de ce passé.
« T’offrir, ô vierge ! un corps de débauches lassé !
« Quel est le vieux lutin dont la malice enchaîne
« L’être brûlant d’amour à l’être que la haine
« Avant l’heure a glacé ? Quel barbare destin
« Les jette tous les deux sur le même chemin ?
« Lorsque de tes regards la lueur azurée
« Pénétrait dans mon ame aux désespoirs livrée.
« Jeune enfant, croyais-tu, dans ton illusion,
« Que je tressaillerais sous ce divin rayon !
« Fuis, espoir trompeur : fuis, rêve ou l’esprit s’égare.
« C’est un Dieu qu’il faudrait pour ranimer Lazare.
« La tombe, c’est la fraîche amante qui m’attend.
« Femme, n’approche pas d’un cadavre, — va-t’en :

« Mes baisers sont glacés et, sur mes lèvres blêmes,
« Les chastes mots d’amour sont d’horribles blasphèmes.