Français, reprenez le pouvoir !/Partie 1/Chapitre 9

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Tout est bon pour rabaisser le peuple français, le faire douter de lui-même, noircir son histoire. Napoléon aurait inventé Hitler! La colonisation aurait été un génocide, la République serait hypocrite. L’amour de la France serait une arrogance de plus. Récemment même, j’entendais au journal de France 3 la présentatrice parler des « camps de concentration français » au lieu des « camps de concentration en France ». Il y a pourtant une sacrée différence! Et maintenant, oublieux des milliers de cheminots fusillés pour faits de Résistance, l’État laisse condamner la SNCF pour « complicité de crimes contre l’humanité ». De fil en aiguille, cela permettra sans doute de condamner chaque Français (et ses descendants peut-être) survivant de cette époque pour « non-assistance à personne en danger de crime contre l’humanité ». Cette inquisition médiatique est insoutenable. Elle vise par ces bûchers télévisuels à briser la volonté d’un peuple comme on coupe les racines d’un arbre pour le faire dépérir.

De retour d’un voyage officiel à Pékin, une personnalité française me rapporta, stupéfaite, la question que lui avait posée un haut dignitaire chinois: « Mais pourquoi donc les leaders français parlent-ils si mal de leur propre peuple? »

Il avait sans le savoir mis le doigt sur cette plaie béante.

Je suis toujours choqué d’entendre les uns et les autres parler de la France en termes de: « ce » pays plutôt que « notre » pays. Comme s’ils ne le comprenaient plus, ne l’aimaient plus, n’en faisaient plus partie. Un pays qui d’ailleurs le leur rend bien. Un peuple qui ne supporte plus les doctes leçons de ceux qui l’ont conduit dans l’impasse.

On touche ici au cœur du problème: la France va mal, elle dépérit car ses élites ne croient plus en elle. Comment ne pas voir en effet que notre pays souffre d’abord d’une profonde crise d’identité qui, à son tour, entraîne, directement ou indirectement, la plupart des désordres économiques, sociaux et politiques dans lesquels se débattent les Français?

Comme toutes les autres nations (et même plus encore qu’elles), la France doit être fidèle à ce qu’elle est, s’assumer dans ses ombres et dans ses lumières, mais certainement pas se complaire dans le reniement de soi. À l’échelle d’une nation comme à celle de l’individu, la dépréciation de soi n’est jamais un chemin de liberté vers la grandeur.

Pour des raisons géographiques et historiques, l’identité nationale française est de nature politique. Elle est fondée en effet sur l’adhésion collective de ses habitants (se définissant comme une communauté de citoyens) à une certaine idée de l’homme et de la vie en société qui s’incarne dans un projet transcendant les différences d’origines et d’intérêts.

Ce projet national au service d’un idéal, c’est celui de la « France éternelle », porté à bout de bras par le général de Gaulle. La « France » de toujours signifie, comme les peuples du monde le ressentent à la simple évocation de son nom, bien plus qu’une simple localisation géographique sur une carte. Elle est d’abord une certaine idée de l’homme, libre, égal et fraternel, qui continue de résonner, dans le monde tel qu’il est, comme un appel à l’émancipation. Si ce n’est pas une ethnie, une religion, une géographie, c’est une idée généreuse qui, comme telle, est accessible à tous. Elle évoque le droit au bonheur pour chacun, grâce à la définition d’un intérêt général qui ne se résume pas à la somme des intérêts particuliers mais les dépasse. Son projet, historiquement, est universaliste: c’est, notamment, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Réduire la France à sa seule dimension géographique, à un petit bout de terre, « cap du continent asiatique » (Paul Valéry), c’est lui ôter toute valeur et en appauvrir le monde. Si elle ne sonne plus en tout homme comme un espoir, une exigence de plus de liberté, d’égalité et de fraternité, si elle renonce à être ce « soldat de l’idéal » dont parlait Clemenceau, la voix des sans voix, elle tourne alors le dos à son histoire et à sa vocation. Comme l’idée de République, notre nation demeure une exigence inaccomplie, toujours à faire, toujours à servir. À force d’en salir le nom, on renonce à voir en elle un idéal désirable, on s’interdit de fédérer la communauté nationale et c’est la vieille propension des Gaulois à se diviser qui reprend le dessus. Aucune cohésion de long terme n’est alors possible et le pays s’étiole, en proie aux séparatismes régionalistes, aux conflits de classes, de religions, d’ethnies, livré aux visées expansionnistes des autres nations. Le général de Gaulle parlait à juste titre de « dispersion ». À quoi il faut opposer le « rassemblement » de tous les Français dans le service d’une « certaine idée de la France », dont il reste à inventer l’inscription dans notre réalité d’aujourd’hui.

Au regard d’une telle idée, le chef de la France libre pouvait posément considérer que Vichy, régime d’abandon et de soumission à l’occupation étrangère, n’était pas la France. Privée de l’essentiel, de sa liberté, de sa personnalité, de sa volonté collective, de son ambition sociale pluriséculaire, soit de tout ce qui avait historiquement forgé le caractère national, elle n’existait plus.

Plus que les autres peut-être, pour exister et se déve­lopper, notre pays a besoin d’un projet national ambitieux et de l’appui du peuple pour le réaliser. Une grande part du problème vient de ce que nos élites n’ont plus foi en une « certaine idée de la France », elles n’y croient plus. Prenant le contre-pied du testament politique de Richelieu au futur Louis xiv, elles ne sont tout simplement plus « pour la France ». En prétendant, par commodité, paresse, collusion d’intérêts, lâcheté ou idéologie, l’« adapter […] au monde d’aujourd’hui » – en réalité la normaliser à l’euro-mondialisation d’inspiration américaine – les classes dirigeantes françaises ont complètement dénaturé, appauvri, déboussolé notre pays, et l’ont plongé dans la pire inquiétude qui soit: le doute sur sa propre existence.