Frissons/Douleur

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chez l’auteur (p. 57-60).
DOULEUR


Cheveux de mon enfant, beaux cheveux d’une morte,
Venez près de ma bouche, ô boucles ! chers cheveux,
Dont la vague senteur tristement me reporte
Au jour où le destin lui ferma ses grands yeux ;
Cheveux de mon enfant, beaux cheveux d’une morte !…



Ombragez son beau front, qu’un père la revoie ;
Redites-moises traits, ses petits airs songeurs,
Son œil où l’inconnu se mêlait à la joie ;
Encadrez son visage aux contours enchanteurs ;
Ombragez son beau front, qu’un père la revoie !

Cheveux de mon enfant, précieuses reliques,
Pourquoi restez-vous froids sous le feu des baisers,
Durant les cauchemars des nuits mélancoliques ?
Vous m’obsédez l’esprit de lugubres pensers,
Cheveux de mon enfant, précieuses reliques !


Vous me versez dans l’âme un poison qui la ronge ;
les rages de l’enfer me torturent les os ;
J’éprouve que tout bien est insolent mensonge ;
Je voudrais voir les dieux brisés par le Chaos :
Vous me versez dans l’âme un poison qui la ronge.


Car je sais la hideur de vos fosses humides,
Pauvres morts ! Mon enfant a perdu sa beauté
À l’ignoble contact de vos odeurs putrides,
Elles sont le linceul de notre pauvreté :
Je connais la hideur de vos fosses humides.


L’horrible m’a couvert de voiles taciturnes ;
Ma vie est une mare où l’on verse du fiel…
— Multiformes démons des visions nocturnes.
Vous riez des tourments de ce pauvre mortel
Que l’horrible a couvert de voiles taciturnes !…

Cheveux de mon enfant, beaux cheveux d’une morte,
Venez près de ma bouche, ô boucles ! chers cheveux,
Dont la vague senteur tristement me reporte
Au jour où le destin lui ferma ses grands yeux ;
Cheveux de mon enfant, beaux cheveux d’une morte ! .