Funérailles (Verhaeren)
FUNÉRAILLES
Invisibles, là-haut, parmi les madriers,
À coups de reins, à coups de pieds,
Tombent, bondissent et ricochent
Les glas,
Et par les trous des abat-sons
S’éparpillent les sons
Et se vident les poches
Par la grand’place,
Et les chevaux du corbillard s’effarent
Aux chocs brutaux de la fanfare
Là-bas sous un auvent de bois
Et recomptent sur leurs vieux doigts
Ce qu’ont coulé ces funérailles.
Et les enfants, au sortir de l’école,
Rompent soudain leurs jeux
Et regardent de tous leurs yeux,
La bouche ouverte, et sans parole ;
Et les lourds camions aux carrefours s’arrêtent,
Et ceux du tir à l’arbalète
Sont accourus du fond de leur enclos,
Et par décence ou par scrupule,
Ils dissimulent
Leur pipe ardente et allumée,
Dont on voit la douce fumée
Longe à présent le quai de la Ferblanterie,
Avec ses bedeaux gras et ses prêtres râblés,
Toute une montagne de deuil,
Quand passe, au long des portes,