Fusains et eaux-fortes/Le Concours de 1837

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G. Charpentier (p. 157-175).

LES CONCOURS DE 1837


I

CONCOURS POUR LE GRAND PRIX

DE PAYSAGE HISTORIQUE

A l’âge qu’ont en général les lauréats de l’École royale, aux études qu’ils ont faites, à la vie dont ils ont vécu, il est presque physiquement impossible qu’ils soient en mesure de produire une œuvre complète et distinguée dans le genre dont nous avons à nous occuper aujourd’hui. Pour la peinture d’histoire proprement dite et pour l’étude de la figure, les élèves ont de grandes ressources ; des modèles nombreux et choisis posent incessamment devant eux, et sans sortir de l’atelier ils trouvent la nature qui vient d’elle-même s’offrir à eux ; pour les paysagistes il en est autrement ; une fois les procédés matériels appris, une fois la main acquise, l’École n’a plus pour eux d’enseignements utiles ; il faut que seuls, et en dehors des travaux de l’atelier, ils aillent sur le terrain se livrer à des études longues et variées, afin d’apprendre le ciel, les montagnes, les eaux et tous les grands aspects qu’ils se sont donné la mission de reproduire ; pour ces travaux il faudrait de fréquents et de coûteux déplacements, des voyages faits avec pleine liberté et plein loisir et qui ne sont ni dans la discipline de l’École ni dans les ressources matérielles des jeunes gens, ayant pour la plupart leur avenir à faire tout entier. C’est donc peut-être une assez bizarre chose que de leur demander dans ces conditions un paysage historique, c’est-à-dire une toile qui, indépendamment de la perfection des études matérielles, suppose encore la plus haute intelligence de la poésie de l’art.

L’inspiration n’arrive guère dans les arts qu’au moment où l’artiste est complètement maître de son pinceau et quand il réalisé un acquis considérable et bien liquide. Or, celui qui entre en loge pour composer un paysage dans le style le plus élevé n’a la plupart du temps étudié la nature que du haut de la butte Montmartre où dans la vallée de Montmorency. On lui demande de la peinture dans son aspect le plus idéal, et à peine il en vu un coin. De cette combinaison résulte pour la critique te devoir d’une grande indulgence ; exiger de concurrents si mal placés pour savoir quelque chose de tout dire et de tout avoir appris serait chose injuste et mal raisonnable ; que l’on surprenne en eux seulement des dispositions, l’aptitude à étudier et à connaître plus tard, et l’on doit se déclarer satisfait ; le bien dans la circonstance donnée ne peut être que relatif. Ce qui s’improvise le moins, ce sont les Claude Lorrain.

Toutefois, avec un sentiment si bienveillant et si résigné, nous ne pouvons nous empêcher de nous déclarer très mal satisfait du concours qui vient d’avoir lieu ; car il est d’une faiblesse insigne et accuse dans les études du genre auquel il est consacré une déplorable infirmité.

Le sujet était : Apollon gardant les troupeaux d'Admète, roi de Thessalie, et inventant la lyre ; le programme exigeait, en outre, une ville grecque et un fleuve.

Nous ne voulons pas être trop exigeant pour ce qui, après tout, dans le genre, n’est que secondaire, à savoir le dessin des figures ; mais il faut commencer par avouer que la liberté de l’ignorance et du négligé de l’accessoire est poussée, dans le concours dont nous rendons compte, un degré inexprimable ; entre les huit Apollons autour desquels s’étendent huit paysages où se gardent les troupeaux d’Admète, il n’en est pas un qui se puisse regarder et qui soit d’un dessin supportable ; on pourrait presque assurer que jamais un des concurrents n’est arrivé à dessiner correctement une académie. Les études d’animaux sont également impuissantes et imparfaites ; il faut donc commencer, dans le cas donné, par faire une remise complète sur la prétention qu’on pouvait avoir de rencontrer des paysages historiques, c’est-à-dire des paysages où une action donnée tienne une certaine place et soit, réalisée avec quelque relief ; en supprimant de toutes les toiles exposées les figures d’hommes et d’animaux, qu’assurément elles y gagneraient !

Mais à tout le moins avons-nous des paysages, en consentant à les dépeupler ? La chose assurément est fort contestable, et il y a encore beaucoup à rabattre sur cette prétention ainsi restreinte. De quoi s’agissait-il ? De nous peindre un horizon de la Grèce, de reproduire une de ces natures riantes et privilégiées que caresse avec amour le soleil, et sur laquelle l’artiste ne saurait jamais trop répandre de trésors ; car l’imagination de tous les spectateurs se ferait ici complice de toutes les exagérations de beauté que la fantaisie du peintre aurait pu enfanter. Par un arrangement tout différent, tous les concurrents, en s’inspirant de la manière grave et sévère de Poussin, ont paru se faire une étude de donner à leurs compositions un aspect ombreux et mélancolique, et la première convenance du sujet a été par eux désertée et méconnue. Il en est même qui ont poussé si loin l’oubli de la nature qu’ils avaient à reproduire, qu’ils n’ont pas même su rappeler dans le dessin de la fabrique le style de l’architecture grecque, qu’on n’accusera pas cependant l’École royale de ne pas faire étudier à ses élèves. Toutes ces toiles ont l’air de jouer avec le programme à qui perd gagne et sont autant de démentis donnés à la nature joyeuse et resplendissante que celui-ci leur avait demandée.

Reste vrai, après cela, que, dans plusieurs, des parties se rencontrent dignes d’éloge ; que, prises isolément, certaines études d’arbres sont remarquables que plusieurs détails accusént une main habile et exercée, quelquefois même une science relativement habile dans la répartition de la lumière et dans l’harmonie de la couleur ; mais ce qui manque dans tous ces tableaux, c’est ta grandeur et la poésie des lignes, c’est le sentiment de cette étendue, nous avons presque dit de l’infini, qui est la source de toute émotion dans la contemplation d’un paysage. Avec son pinceau et un peu de pratique, il n’est pas un artiste qui ne puisse dresser quelques arbres sur une toile, échelonner des plans et faire fuir un horizon mais c’est par son âme qu’il fait passer sur la toile, que tout cela s’anime et prend vie ; un paysage sans ce souffle inspirateur, c’est un tableau de nature morte ; comme celui où l’on nous peint à l’usage des salles à manger, du gibier saignant, un panier de pêches et des grappes de chasselas.

Si maintenant, entre toutes ces impuissances, on nous engageait à en couronner une, nous aurions à choisir entre le numéro un et le numéro huit. Dans le premier, il y a peut-être plus d’habileté de main et dans le second un peu plus de ce qui approcherait de quelque chose de ressemblant à la pensée ; mais, encore une fois, nulle part ne se révèle là un maître en herbe, et peut-être aucun prix ne devrait être décerné.

Cependant, par les considérations que nous avons indiquées en commençant, on peut être conduit à prendre un parti moins sévère. Le concours de ce genre n’ayant lieu que tous les quatre ans, les encouragements du gouvernement peuvent, sans qu’on les regrette trop, essayer, même avec peu de chance de réussir, de créer un talent auquel les occasions d’étude ont peut-être manqué avant tout ; on ne peut, toutefois, en considérant l’état de l’art pris hors de l’École, en voyant les fortes études et les bons résultats obtenus dans le paysage par de jeunes talents qui n’ont pas songé à courir la carrière de la couronne académique, s’empêcher de faire une comparaison tout à fait au désavantage de l’enseignement officiel et trouver une raison de plus pour prétendre que les grands talents naissent d’intuition, par le développement de leurs propres forces à l’air libre, bien plus que par les secours étrangers et par la culture sous châssis.

(La Charte de 1830, 10 septembre 1837.)
II

CONCOURS DE SCULPTURE


Le programme certifié conforme par le secrétaire de l’Institut est ainsi rédige : Marius, assis sur les ruines de Carthage, médite sur l'inconstance de la fortune.

Il est difficile de choisir un sujet plus en dehors des moyens de la sculpture ; d’abord, comment faire comprendre que le cube de terre glaise sur lequel ce personnage de chétive apparence est assis dans une pose burlesquement dramatique appartient aux débris d’un monument de Carthage ? Et comment traduire par des procédés plastiques cette idée de méditation sur l'inconstance de la fortune ? Ce serait beaucoup plus exécutable en poésie. Qu’on nous permette de rapporter, à ce propos, une conversation du peintre David avec un littérateur de ses amis.

« Tu es bien heureux, toi, de faire de la littérature, tu dis tout ce que tu veux ; au lieu que nous autres nous sommes obligés de retourner un sujet de cent mille manières avant de parvenir à nous faire comprendre par exemple, tu as à représenter des amants sur les Alpes ; tu mets dix pages d’Alpes et dix pages d’amants. On voit tout de suite que ce sont des amants sur les Alpes. Mais moi, comment ferai-je ? Si je peins des amants de grandeur naturelle, je n’aurai plus de place, et je ne pourrai faire qu’un petit bout d’Alpes grand comme la main. Qui diable verra que ce sont les Alpes ? Il est vrai, j’ai la ressource de composer mon gazon de plantes alpestres pour caractériser l’endroit ; mais bien peu de personnes connaissent les plantes alpestres, et d’ailleurs je ne suis pas un peintre naturaliste, et je ne sais faire que des plantes historiques. Si je peins les Alpes de grandeur naturelle, je n’aurai plus que de petits amants de trois lignes de haut, des amants imperceptibles, des amants de rien du tout ; c’est impossible de se tirer de là : de-petits amants avec de grandes Alpes, ou de grands amants avec de petites Alpes ; entends-tu mon raisonnement ? Je ne peux pas bien m’exprimer, parce que j’ai une boule dans la bouche, mais je sais bien ce que je veux dire. »

Martynn, le célèbre auteur du Déluge, de la Destruction de Ninive, du Festin de Balthazar, a composé un Marius sur les ruines de Carthage ; il a pris le parti de faire les Alpes grandes et les amants petits ; son Marius n’est qu’un point blanc, la Carthage est démesurée comme toutes les villes de Martynn ; ce sont des profondeurs incroyables où des éclairs révèlent d’autres profondeurs qui se recutent à l’infini ; on voit d’immenses colonnades, des tours et des terrasses, des escaliers, des rampes et des pylones, des entassements de palais superposés comme Martynn sait en faire ; on dirait la réalisation d’un cauchemar architectural. Certes, un pareil spectacle doit inspirer de la rêverie et faire méditer sur l'inconstance de la fortune.

La sculpture, art totalement dénué de perspective, et d’ailleurs invinciblement dominé par une matière inflexible, se refuse donc à rendre ce programme ; l’artiste, quelque talent qu’il ait, ne peut faire sentir ce qui cause la rêverie de Marius, en admettant toutefois qu’une méditation sur l’inconstance de la fortune puisse s’exprimer avec les plus simples lignes du modèle. Car l’on ne peut admettre que ces tourtières et ces moules de gâteaux de Savoie éparpillés à terre entre les jambes de Marius fassent jamais naître l’idée de la ville de Carthage, la fastueuse rivale de Rome. Les élèves ont si bien senti l’obscurité du programme, que plusieurs ont écrit tout bonnement sur un moellon : Carthage ; il est à regretter qu’on n’ait pas gravé sur le dos du bonhomme : Marius, et qu’on ne lui ait pas fait sortir de la bouche un rouleau avec cette inscription : « Va dire à ton maître que tu as vu Marius sur les ruines de Carthage ! » Où bien le fameux vers :

Et ces deux grands débris se consolaient entre eux.

Cela rappelle les peintres du moyen âge qui écrivaient, à côté des objets qu’ils ne pouvaient suffisamment caractériser, pulcher homo ou currus venustus.

Huit élèves ont été admis au concours. Voici leurs noms dans l’ordre de la réception ce sont MM.  Cavalier, Gruyère, Vilain, Robinet, Chambard, Diebolt, Rochet et Pascal. Dire lequel de ces messieurs doit l’emporter sur les autres serait une chose difficile ; on peut seulement affirmer sans crainte qu’ils sont tous d’une médiocrité non d’or, mais de plomb ; il faut parcourir plusieurs fois cette ligne de terre grise, d’un aspect triste et froid, pour apercevoir la plus légère différence entre une composition et l’autre.

Presque tous ces Marius, puisque c’est Marius que cela se nomme, ont les mines les plus féroces et les plus rébarbatives du monde ; ils froncent les sourcils, se mordent les lèvres, tendent leurs muscles à les rompre et montrent des figures plus rechignées qu’Atlas à qui l’entablement du ciel meurtrit les épaules. Il me semble qu’un homme qui songe n’a pas besoin de déployer un aussi formidable appareil de musculature ; le propre de la pensée est de dénouer les nerfs et de suspendre l’action physique. Il fallait, au contraire, chercher des poses molles, abandonnées, affaissées montrer le corps absorbé par l’idée, ce qui était assez malaisé, la sculpture absorbant plutôt l’idée au profit du corps. Il fallait enfin faire tout le contraire de ce qu’on a fait ; la plupart de ces académies sont courtes, strapassées et ne paraissent pas ensemble ; aucune n’a de profit du côté du dos ; toute statue doit avoir plusieurs aspects et pouvoir se regarder de tous côtés ; c’est un précepte que MM.  les élèves paraissent avoir oublié ainsi que plusieurs autres non moins importants. Les têtes sont d’un caractère ignoble, sans le moindre style, et dénotent une absence totale du sentiment de la beauté. Quoique Marius ait été forgeron, ses hautes destinées devaient avoir laissé un reflet glorieux et solennel sur sa figure ; ici, ce n’est qu’un forgeron assis sur une enclume. Somme toute, ce concours est un des plus faibles que nous ayons vus. Quelques personnes paraissent préférer le troisième et le cinquième numéro ; il est possible que ces quelques personnes aient raison, cela importe peu.

(La Charte de 1830, 17 septembre 1837.)
III

CONCOURS POUR LE GRAND PRIX

D'ARCHITECTURE


(Exposition des ouvrages des pensionnaires de Rome.)

Les envois de Rome ont, cette année, peu d’importance et laissent à penser que l’école est plus occupée d’étudier que de produire ; mais ne serait-il pas convenable que le public fût mis dans la confidence de ces études, et les élèves ne devraient-ils pas, à la fin de chaque année, fournir un certain résultat qui mît à même de juger de leur travail et de leurs progrès ? Il ne s’agirait pas d’envoyer à Paris des tableaux ou des ouvrages de nature à figurer dans une exposition, car nous ne trouvons aucune nécessité à exiger des pensionnaires de Rome des ouvrages faits pour la montre, et qui souvent les dérangeraient d’études plus sérieuses ; mais comme, en définitive, ils ne sont pas supposés passer à Rome leur vie en pleine oisiveté, on pourrait, ce me semble, choisir entre les travaux que chacun d’eux a exécutés pendant l’année scolaire et nous en adresser une manière d’échantillon, de façon à ce que nous ne fussions pas obligés de croire, sur parole, qu’ils emploient leur temps le plus utilement possible ; il y a, à l’endroit de l’utilité de l’école de Rome, assez d’incrédules, pour qu’on prit la peine de justifier par ce moyen de la convenance incessamment soutenable de cette institution.

M.  Flandrin, déjà connu par quelques ouvrages remarquables, occupe dans cette exposition la plus grande place. Le public s’arrête avec intérêt devant une figure d’étude de cet artiste ; elle est d’un bon faire et d’un dessin distingué ; le modelé en est ferme et bien étudié ; la couleur, qui ne parait jamais devoir être le grand mérite de M.  Ftandrin, est la partie la plus faibie de cette peinture, qui est une expression assez vraie des résultats qu’on peut attendre de l’impulsion que doit donner aux études le directeur actuel de t’écote de Rome. M.  Flandrin a, en outre, envoyé une grisaille d’après un groupe de l'École d'Athènes de Raphaël, et une esquisse agréablement composée, dont le sujet est les Bergers de Virgile.

M.  Jourdy a produit une figure de Faune bacchant, sujet qui parait être de tradition dans les travaux des pensionnaires. La couleur de cette figure, qui aurait pu prêter à une palette puissante l’occasion de se développer dans toute sa richesse, est cahuffée plutôt que chaude et éclatante ; le dessin n’a rien de remarquable; en somme, c’est un de ces ouvrages dont il y a peu de chose à dire.

MM.  Satmon et Bridoux ont exposé, le premier un dessin à l’aquarelle de la Madone au pieux donataire, de Balthazar Perruzi ; le second, un dessin de Sainte Cécile distribuant ses biens aux pauvres, d’après le Dominiquin. Ces deux ouvrages, exécutés avec soin et d’une manière assez naïve, ne sont pas remarquables par une grande fermeté et une grande habileté de dessin ; ce reproche s’adresse surtout au travait de M.  Bridoux.

Les travaux de sculpture se composent, en premier lieu, d’une figure en marbre de M.  Jouffroy. Cette figure, assez malheureusement placée dans la seconde cour de l’École, où elle est quasiment invisible à l’éclat éblouissant du soleil, nous a paru d’un travail consciencieux et sévère. Peut-être peut-on reprocher à l’auteur, qui a eu l’intention de représenter Caïn après la malédiction, de n’avoir pas donné assez de relief à la pensée dont son œuvre est l’expression il semble qu’un peu plus de mouvement et d’action devrait animer ce maudit de Dieu, qui a l’air de méditer avec un calme assez recueilli sur son avenir ; mais nous pensons que l’auteur a très convenablement fait en conservant à son modèle la beauté des formes qui devait se rencontrer chez l’homme à une époque si rapprochée de la création.

Nous avons vu trop souvent les artistes ayant à représenter Caïn nous le représenter sous l’aspect d’un galérien ayant fait le voyage de Brest dans la voiture cellulaire. Cette diffamation du premier des meurtriers est assurément, morale et pleine de bonnes intentions, mais elle manque complètement de vraisemblance ; la dégradation physique amenée par les habitudes morales ne s’opère pas aussi rapidement que paraissent le croire ces peintres et sculpteurs criminalistes. M.  Jouffroy a eu raison en laissant à son Caïn la forme puissante et glorieuse dont devait se montrer revêtu le premier-né des deux êtres les plus parfaits qui aient jamais travaillé à la reproduction de leur espèce, et malgré le défaut que nous avons cru entrevoir dans sa figure, elle reste une œuvre d’une exécution fort belle et d’une grande distinction.

M.  Simart, dans son 'Joueur de ruzzica, s’est évidemment inspiré du Discobole antique ; mais il ne paraît pas avoir visé à la noblesse et à l’idéalité dans cette école. Prise comme étude de la nature courante et vulgaire, sa figure mérite les éloges et est traitée avec fermeté et bonheur.

Le Saint Sébastien de M.  Brian est d’une expression froide et d’une exécution peu accentuée. Peut-être l’auteur a-t-il voulu laisser comprendre la sévérité de la mort d’un martyr ; mais ce n’était pas la nature physique qui jouissait de ce calme et de ce repos, car alors le martyre fût devenu une sorte de partie de plaisir ; ce n’est tout au plus que sur le visage, miroir des affections morales, que doit se peindre la tranquillité de l’homme mourant pour sa religion au sein des souffrances ; le reste du corps doit être en proie aux crispations de la torture et de la mort violente, de manière à laisser voir qu’il y a eu lutte, et que dans cette lutte le saint a triomphé.

M.  Brian a, en outre, exposé un buste et un groupe de Daphnis et Chloé, où quelques personnes trouvent de la grâce ; ce mérite nous a peu frappé.

M.  Farochon, qui ést un très jeune homme, a éxposé une restauration d’un bas-relief antique, représentant Médée et les filles de Pélias. Le travail est exécuté avec intelligence et naïveté. Un de nos confrères, sans doute par inadvertance du prote de son journal, a singulièrement diffamé, en rendant compte de cet ouvrage, la déesse de la sagesse. H nous parle de Médée et des filles de Pallas. On voit qu’il n’est pas de réputation si bien établie et si anciennement acquise, qui se puisse assurer de ne pas tomber en proie à la calomnie. M.  Morey, pensionnaire pour l’architecture, a envoyé le plan d’un Panthéon, et, par une singulière coïncidence, le sujet du concours pour le grand prix de cette année est également un Panthéon destiné à recevoir les cendres des grands hommes. Il y a, à ce sujet, une difficulté, c’est que les Panthéons, alors même qu’ils existent, ont la plus grande difficulté à fournir leur destination. Nous en avons un dont les frais sont faits depuis longtemps, et qui est debout sans qu’on ait pu encore s’entendre sur les hôtes par la présence desquels on pourra consacrer définitivement sa dédicace. Un Panthéon, de notre temps, est une espèce d’hypothèse impossible, que l’on ne devrait pas donner à réaliser à un art qui, avant tout, vit de pratique et ne peut guère être considéré que comme un rêveur quand il n’exécute pas ailleurs que sur le papier.

Entre les travaux de huit concurrents qui se sont évertués sur le sujet donné, le public remarque particulièrement celui de M.  Guénépin, numéro un, qui, si nous ne nous trompons, a déjà obtenu à un concours précédent un second prix. Les numéros deux et quatre, MM.  Durupt et Godebœuf, ont aussi réalisé des projets qui ne sont pas sans mérite.

Nous ne finirons pas sans appeler l’attention sur les travaux d’architecture envoyés de Rome par M.  Baltard. Ce sont de bonnes et intelligentes études sur les temples d’Agrigente et de Solinunte, où l’on remarque une curieuse palingénésie de l’emploi que les anciens faisaient des couleurs pour la décoration intérieure et extérieure des édifices.

La série des expositions pour l’année scolaire 1837 sera fermée par l’exhibition prochaine des ouvrages couronnés.

(La Charte de 1830, 23 septembre 1837.)