Géographie de l’Isère/10

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X. — Agriculture.

Sur les 828,934 hect. du départ., on compte, en nombres ronds :

Terres labourables.......... 318,000 hect.
Prés............... 69,300 hect.
Vignes.............. 25,300 hect.
Bois............... 178,000 hect.
Landes.............. 165,800 hect.

Le reste se partage entre les farineux, les cultures potagères, maraîchères et industrielles, les étangs, les emplacements de villes, de bourgs, de villages, de fermes, les surfaces prises par les routes, les chemins de fer, les cimetières, etc.

En nombres ronds, on compte dans le département 41,000 chevaux, ânes et mulets, 189,000 bœufs, 251,000 moutons, 63,500 porcs, 64,000 chèvres et plus de 35,000 chiens. Les vaches, dont les plus belles sont celles du Villard-de-Lans, donnent un lait délicieux avec lequel se fabriquent les excellents fromages d’Oisans, de Saint-Marcellin et de Sassenage. L’élève des mulets constitue une industrie importante, surtout dans l’Oisans. Les chevaux sont vigoureux et de belle taille. Un grand nombre de localités, entre autres celle d’Aoste, engraissent des volailles estimées.

L’Isère doit à la différence des altitudes une grande variété dans ses productions. Sous ce rapport, le département se divise en trois régions : la région du Nord, la région du Sud et celle de l’Ouest. La première comprend l’arrondissement de la Tour-du-Pin et une partie de celui de Saint-Marcellin. Le territoire de cette région, désigné sous le nom de Terres-Froides, se compose en grande partie de terres marécageuses qui produisent principalement des céréales et du chanvre, et du vin en petite quantité.

La région du Sud est formée de l’arrondissement de Grenoble et de l’autre portion de celui de Saint-Marcellin. Elle se subdivise en trois parties : les plaines, les coteaux et les montagnes. Les premières et surtout le Graisivaudan produisent des céréales ; de belles plantations de mûriers et de chanvre y bordent le cours de l’Isère. Les produits des coteaux varient selon leur exposition ; ceux qui sont tournés vers le midi et l’orient sont occupés par des champs de céréales, des prairies, des plantations de mûriers et des vignes. Le vin, à l’exception de celui de Château-Bayard, des Balmes-de-Claix, de Saint-Marcellin, de Tullins et de la côte Saint-André est généralement médiocre. Sur les coteaux qui regardent le nord, les terrains sont occupés par des champs de seigle, d’avoine, de blé, de pommes de terre, et par des bois de châtaigniers et des taillis. — Les montagnes sont partagées en quatre zones. La première, comprise entre la plaine et une altitude de 900 à 1,000 mètres, produit du seigle et des pommes de terre ; les parties extrêmes de cette zone sont occupées par des taillis et des bois de châtaigniers. La deuxième zone est couverte presque entièrement de forêts d’arbres résineux. Au-dessus s’étendent des gazons, des pelouses, des prairies émaillées des fleurs les plus rares, et où croît naturellement le rhododendron. La quatrième zone appartient aux glaciers.

La région de l’Ouest (arrondissement de Vienne) produit des céréales ; on y trouve des plantations de mûriers et surtout de beaux vignobles compris dans la région vinicole dite des Côtes du Rhône. Mais les produits en sont bien inférieurs comme qualité aux vins des autres départements faisant partie de la même région. Les meilleurs sont ceux de « la Porte-de-Lyon, Reventin et Seyssuel, près de Vienne, vins rouges qui ne manquent ni de corps, ni de bon goût, ni de spirituosité : ce sont du reste de simples ordinaires. »

L’Isère est une des contrées de la France où l’agriculture a fait le plus de progrès, grâce au caractère industrieux et à l’admirable persévérance des habitants. Dans quelques parties du département, les montagnes sont mises en culture jusqu’au point où l’altitude forme une barrière infranchissable. Elles sont divisées en gradins, formés de murs de pierres sèches, portant des champs soigneusement cultivés. Pour élever ces murs, le paysan a dû transporter à bras tous les matériaux pour transformer ces terrains incultes, il lui a fallu les recouvrir de terre végétale apportée quelquefois de très-loin. Tous ces champs sont entièrement cultivés à la bêche et le cultivateur transporte à bras les récoltes dans ses greniers. Malgré ces efforts, les habitants des montagnes ne peuvent vivre de culture ; un grand nombre d’entre eux, particulièrement dans l’Oisans, émigrent, et vont demander au commerce d’autres ressources. L’habitant de l’Oisans se fait colporteur, débitant d’épicerie ou de droguerie, fleuriste, etc. Certains fleuristes de Mont-de-Lans, de Venosc, d’Auris ont fait plusieurs voyages en Amérique.

Dans les plaines et dans les vallées, l’agriculture est de plus favorisée par les irrigations et la facilité des transports. Dans la vallée de l’Oisans, qu’arrose la Romanche, une foule de petites dérivations fertilisent les prairies. Dans le Graisivaudan et ses prolongements, les cultivateurs font toujours deux récoltes par an.

Le Dauphiné est assurément le pays le plus riche de France sous le rapport botanique. On y trouve toutes les plantes du midi de la France. Les sommets alpestres offrent la végétation la plus magnifique et la plus bizarre et l’on y voit les espèces rares qu’on ne trouve que dans le nord de l’Europe et dans les contrées boréales. Les régions dauphinoises du col de l’Arc, de la Grande-Chartreuse, du Mont-de-Lans, etc., sont célèbres dans le monde des naturalistes.

L’arrondissement le plus boisé est celui de Grenoble, où l’on trouve les forêts de la Grande-Chartreuse, de Saint-Guillaume, de Rioupéroux et de Saint-Hugon. La forêt de Chambaran est dans l’arrondissement de Saint-Marcellin. La surface boisée dépasse 178,000 hectares. On y trouve presque toutes les espèces résineuses : le sapin, qui y atteint d’énormes proportions, le pin, l’épicéa, etc. ; le hêtre, le fayard, le chêne, le charme, le tremble, le bouleau, le coudrier, le châtaignier, le cotonnier commun, le sorbier, l’érable, le frêne, le cornouiller. Le tilleul se rencontre principalement dans les environs de Sassenage, de Pariset, de Lans, etc. ; le sycomore, dans l’Oisans, à Allevard, à la Grande-Chartreuse. Le bois de bourdaine, dont le charbon est excellent pour la fabrication de la poudre, est commun, ainsi que le fusain, dont le charbon sert aux dessinateurs. Citons encore le houx, l’ébénier, le merisier, le néflier, l’orme, l’aune, le peuplier, le saule, etc. L’ours se montre quelquefois dans les forêts du département, et l’aigle hante les crêtes rocheuses des Alpes dauphinoises.

Les forêts étaient jadis beaucoup plus vastes, mais le développement insensé des pâturages les a détruites en partie. La plupart de ces pâturages sont affermés à titre de bail à des bergers de Provence, qui tous les étés y amènent des troupeaux de moutons. Les végétaux qui recouvrent les montagnes, une fois détruits, n’absorbent plus les eaux pluviales qui vont grossir les torrents ou en former de nouveaux. Les abus du parcours des troupeaux étrangers et le déboisement des pentes paraissent être la cause des inondations accumulées sur l’Oisans et sa vallée centrale.

Les arbres fruitiers croissent principalement sur les coteaux. Outre le merisier, dont les fruits servent à la fabrication du kirsch, et le châtaignier, on rencontre dans l’Isère le figuier, l’amandier, l’abricotier, le noyer, le cerisier et le pêcher, dispersé dans les vignes.