Géographie du département de la Savoie/2

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II. — Physionomie générale.

Le département de la Savoie est presque entièrement couvert de montagnes très-élevées ; il n’a de plaines, et encore sont-elles peu étendues, que sur les deux rives de l’Isère, en aval d’Albertville, sur celles de la Leysse entre Chambéry et le lac du Bourget, et sur la rive gauche du Rhône entre l’extrémité nord du lac du Bourget et les montagnes de la Chautagne, qui dominent au sud le confluent du Rhône et du Fier.

La vallée de l’Isère et les gorges de l’Arly, affluent de l’Isère, divisent le territoire en deux parties inégales, aussi montagneuses l’une que l’autre, mais dont les montagnes n’ont pas la même formation. La partie de l’ouest, ou plutôt du nord-ouest, ne couvre guère que le quart du département ; celle du sud en occupe à peu près les trois autres quarts. La partie du nord-ouest appartient au calcaire et à la craie ; ses montagnes sont moins élevées que celles de la portion du sud-est, qui appartient, par places, au calcaire, par places, à des roches plus anciennes appelées gneiss, granit, schiste, etc.

Située entre deux départements dont les plus hautes cimes dépassent 4,000 mètres, entre la Haute-Savoie où le Mont-Blanc atteint 4,810 mètres, et les Hautes-Alpes la Barre des Écrins en a 4,103, la Savoie n’a pas de sommets de 4,000 mètres. Sa montagne la plus élevée, l’Aiguille de la Vanoise, nommée aussi l’Aiguille de la Grande-Casse, ou la Pointe des Grands-Couloirs, a 3,861 mètres, soit 949 mètres de moins que le Mont-Blanc : elle s’élève dans la Vanoise, superbe massif dont les vastes glaciers se divisent entre l’Isère, le Doron de Bozel et l’Arc, affluents de l’Isère. Long de 30 à 55 kilomètres, ce massif compte 15 ou 20 cimes dépassant 3000 mètres : on peut citer, après l’Aiguille de la Vanoise, l’Aiguille de la Grande-Motte, haute de 3,663 mètres ; la Sana (3,450 mètres), la Pointe de Vallonet (3,566 mètres) et le Grand Roc Noir (3,537 mètres), au nord de Lanslebourg et de la vallée de l’Arc. A la Vanoise, dont il est séparé, au sud, par le col de la Vanoise (2,527 mètres), se rattache le Grand-Pelvoz, ou Dôme de Chasseforêt, qui a des cimes de 3,000 à 3,619 mètres, telles que le Pelvoz, Chasse-Forêt, la Dent Parrachée, la Pointe de Gébroulaz, la Roche-Chevrière, le Péclet, le Bouchet, le Rosoire, Château-Bourreau : cet autre massif (qui domine au nord Modane, au nord-est Saint-Michel en Maurienne) porte les plus beaux glaciers du département de la Savoie.

On peut considérer comme faisant partie de la Vanoise, au nord, le Mont-Pourri, l’une des plus belles montagnes des Alpes françaises. Le Mont-Pourri (3,788 mètres d’altitude), inférieur de 75 mètres seulement à l’Aiguille de la Vanoise, est une cime pyramidale composée de gneiss et de schistes cristallins qui se dressent à l’ouest de la vallée supérieure de l’Isère.

Ainsi les sommets les plus élevés de la Savoie se trouvent sur une ligne de faîte secondaire entre l’Isère et l’Arc, et non pas sur la grande arête de partage des eaux entre le Rhône et le Pô, arête qui est en même temps la limite de la France et de l’Italie. Cette arête « internationale », d’ailleurs fort élevée, compte un grand nombre de pics de 3,000 à 3,500 mètres et plus d’altitude ; elle s’arrondit en cercle autour de la Tarentaise ou vallée de l’Isère ; puis de la Maurienne ou vallée de l’Arc ; elle sépare d’abord les bassins de l’Isère et de l’Arc de ceux de la Doire Baltée, de l’Orco, de la Doire Ripaire, tributaires de gauche du Pô. Au mont Thabor (3,212


Bonneval.

mètres), elle cesse d’appartenir à la Savoie, pour se continuer entre l’Italie et le département des Hautes-Alpes. Mais sur elle s’appuie un puissant contrefort qui sépare de la Savoie les départements des Hautes-Alpes et de l’Isère et qui forme, dans la région sud-ouest du département, l’importante vallée de l’Arc.

Si l’on prend au col du Bonhomme, que l’on peut considérer comme terminant de ce côté le massif du Mont-Blanc, cette arête de montagnes qui décrit un demi-cercle autour de la Tarentaise et de la Maurienne, on y distinguera un grand nombre de cols et de montagnes. Le col du Bonhomme, ouvert à 2,483 mètres d’altitude, relie Bourg-Saint-Maurice à Saint-Gervais, c’est-à-dire la vallée de l’Isère à celle de l’Arve ; celui de la Seigne, ouvert à 2,532 mètres, fait communiquer Bourg-Saint-Maurice, dans la vallée de l’Isère, avec Cormayeur et Aoste, situés dans la vallée de la Doire Ripaire ; celui du Petit Saint-Bernard, qui s’ouvre à 2,157 mètres, conduit également de la vallée de l’Isère au Val d’Aoste. Au delà du col du Petit Saint-Bernard, on remarque successivement : le mont Valésan (3,332 mètres d’altitude) ; Ormelune, Armelune ou Pointe d’Archeboc (3,283 mètres) ; l’Aiguille du Glacier (3,412 mètres) et les rochers de Pierre-Pointe (3,430 mètres) ; l’Aiguille de la Grande-Sassière (3,756 mètres) ; le col de Rhême ou de la Golette, en plein glacier, à 3,063 mètres, au pied de la Grande-Parei (3,617 mètres) ; la Pointe de la Galise (3,342 mètres), au-dessus du grand glacier qui forme l’Isère ; le col de Carro, à l’altitude de 3,202 mètres ; la Levanna (3,640 mètres), qui a trois pointes, d’où son autre nom des Trois-Becs, au-dessus du puissant glacier de la source de l’Arc ; le col de Girard, à 3,084 mètres ; la Pointe de Chalançon (3,662 mètres), au sud-est de Bonneval ; le col de Colarin ou de Collerin (3,258 mètres), plus haut encore que celui de Carro : aussi est-il encombré de glaces en toute saison ; l’Ouille d’Arberon (3,587 mètres) ; Rochemelon, montagne si majestueuse, quand on la voit d’Italie, qu’elle a longtemps passé, de même que le mont Viso, pour la plus haute cime de toutes les Alpes : son sommet, couronné par une chapelle, est en Italie, mais son grand glacier septentrional est incliné vers la France ; le fameux col du Mont-Cenis (2,098 mètres), où passe, de France en Italie, une route longtemps célèbre mais aujourd’hui peu fréquentée ; le col de Clapier (2,491 mètres) ; très fréquenté ; le mont d’Ambin (3,381 mètres) ; la Pointe de Fréjus (2,917 mètres), sous laquelle passe le célèbre tunnel des Alpes ; enfin, le mont Thabor (V. ci-dessus).

Il y a encore de nombreux sommets supérieurs à 3,000 mètres dans la chaîne qui continue de limiter la Maurienne. Les plus importants sont : le Grand-Galibier (3,242 mètres), qui domine le col du Galibier (2,658 mètres) menant de Saint-Jean-de-Maurienne à Briançon ; la Part ou les Trois-Évêchés (3,120 mètres) ; les Aiguilles d’Arves (3,514 mètres), appelés aussi quelquefois les Trois-Ellions ou plutôt les Trois-Ullions ; divers sommets dont l’altitude dépasse 3,000 mètres dominent les mers de glace des Grandes-Rousses, dont une grande partie appartient au département de l’Isère et l’autre aux communes de Saint-Jean et de Saint-Sorlin-d’Arves (dans la Maurienne).

Dans la partie spécialement calcaire, ou plutôt crayeuse, du département de la Savoie, les montagnes, avons-nous dit, sont bien moins élevées que dans la portion beaucoup plus grande où le calcaire se mêle au gneiss, au granit, aux schistes. Parmi ces sommets du riant et fertile pays de Chambéry, qui est proprement la Savoie, les plus remarquables sont : — le Mont-du-Chat (1,497 mètres), qui se dresse au-dessus de la rive occidentale du lac du Bourget, au sud-ouest d’Aix-les-Bains ; il se prolonge au nord par le mont de la Charvaz, qui commande aussi le lac du Bourget, au sud par le mont de l’Épine, qui s’élève entre la vallée de Chambéry et le lac d’Aiguebelette ; — le Granier, qui dépend du célèbre massif de la Grande-Chartreuse, appartenant presque entièrement à l’Isère : cette montagne de 1,937 mètres d’altitude s’écroula en partie en 1248 ; elle ensevelit 5,000 personnes dans la ville de Saint-André et les villages environnants et forma de petits lacs qu’on nomme les Abîmes de Myans ; — la Dent du Nivolet (1,558 mètres) ; — le Trélod (2,186 mètres) et la Pointe d’Arcalod (2,223 mètres), qui sont les cimes principales des Beauges, plateau d’un peu moins de 1,000 mètres d’élévation moyenne, sur lequel s’étendent treize communes, dont le Châtelard est la principale ; — le mont Margeria (1,841 mètres), qui se dresse au nord-est de Chambéry ; — le mont Charvin (2,414 mètres), situé au nord d’Albertville et d’Ugines ; — la chaîne des Aravis, qui est percée par le col des Aravis ou col de la Clusaz, ouvert, à 1,498 mètres d’altitude, entre le Val de Fier et celui de l’Arly : une de ses cimes, qui a 2,666 mètres, est le sommet calcaire le plus élevé de la Savoie.